[Entre les lignes] La nausée et la gerbe ou la RNaissance des blaireaux

Dessin : Ben8.

Je suis colère les amis ! Je rêvais d’une chronique amusante et légère pour le mois de juin, ma dernière avant les vacances scolaires, et puis patatras : les résultats des élections européennes sont tombés. (La nausée 🤢). Ça m’a bloqué direct. Le même soir, l’autre Inconscient en a remis une couche en annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale (la gerbe🤮). Parce que Monsieur a besoin d’un “temps de clarification !” Sérieux ? Le gars s’est pris une claque et, vexé comme un enfant gâté, il obéit aux injonctions de l’autre blaireau du RN en jouant notre démocratie et ses institutions au poker. Au moment où le fascisme a le vent en poupe. Rappelez-moi. Leur projet là : c’est de faire barrage ou de servir de passe-plat au fascisme ? En tout cas, les héritiers des collabos et autres Waffen SS peuvent remercier la Macronie : après leur belle moisson de députés, les voilà sur le toit de l’Union européenne 🤬. Inutile de vous dire que j’ai passé une soirée de merde.

Le lendemain, je me réveille avec la gueule de bois et je décide de ruminer mon fiel à la maison🤬. Le surlendemain, je me fais violence pour sortir de chez moi. Madame m’a demandé de lui faire quelques emplettes à Noailles et je dois aussi faire une prise de sang 🆎. J’attends donc tranquillement mon tram à la place Sadi-Carnot quand une connaissance de longue date et sa copine me rejoignent. Avant, il ne jurait que par Macron, mais depuis quelque temps, il la ramène moins. Après les salamalecs d’usage, je l’attaque direct :

– “Alors, tu as vu les résultats des élections ?
– Oui, c’est vraiment la cata frère !
– Pour qui ? (Et ne m’appelle pas frère)
– Pour nous. Pour la France.
– Ce sont les Français qui ont voté non ?

Sa copine : Enfin la moitié des votants. L’autre s’est abstenue.
– Ce n’est pas la première fois.
– Y avait presque dégun à mon bureau de vote. Ça craint !
Sa copine : Il y en a, ils ont toujours une bonne raison : le match de foot du petit, le mauvais temps.
– Parce qu’ils sont anarchistes, leur religion leur interdit.
Moi : Parce que élection rime avec érection et ils sont pour l’abstinence 🤣.
La copine : Après, ils s’étonnent du score du RN.
– Il faut aussi remercier le Président, son gouvernement et ses députés playmobils.
– Ils n’y sont pour rien si les gens votent extrême droite.
– Mais ils ont aussi favorisé leur montée en normalisant certains de leurs discours et idées. Avec tous les merdias qui déroulent la parole raciste H 24. À force de taxer leurs opposants d’extrémistes, d’islamo-gauchistes et de wokistes pour les disqualifier, voilà le résultat.
La copine : Mais il y en a, c’est vrai, ils sont trop violents. T’as vu ce qu’ils ont fait par rapport à la Palestine ?
– C’est vrai que gueuler pour un cessez-le-feu et arrêter le massacre de civils, enfants, femmes, hommes innocents, c’est super violent.
La copine : Il y a d’autres manières de montrer son désaccord.
– De toute façon quand tu n’es pas d’accord avec eux, ils te sortent le 49.3 et le tour est joué 🤬.”

Je laisse les deux blaireaux continuer leur trajet et je descends à l’arrêt Saint-Louis pour faire mes courses. Une fois mes emplettes faites, je refais le chemin inverse pour me rendre au laboratoire d’analyses médicales de la rue de la République. À ma descente du tram, je croise deux jeunes noirs : l’un est petit et trapu et l’autre plutôt longiligne et me dépasse d’au moins deux têtes. À ma vue, ce dernier se dirige vers moi, tout sourire et ses longs bras couverts de tatouages grands ouverts, comme un fils heureux de retrouver enfin son géniteur (et dont j’ai oublié de déclarer la paternité à la naissance. Et son existence à ma femme.)

– “BonjouR Tonton 😍(Son visage ne me dit absolument rien)
– Bonjour jeune homme. Comment ça va ?
Le grand gaillard me prend dans ses bras et me serre fort contre sa poitrine.
– Je suis vRaiment tRop content de te voiR. C’est incRoyabe.
– Comment ça va ?
– Ça va Tonton. C’est incRoyabe. IncRoyabe ! Ha ! Dieu est gRand. (Ça je le sais mais encore ?)
Là il me prend par la taille et me présenter à son collègue comme une poupée 🪆
– Tu as vu lui ? Lui ? C’est un gRand Monsieur. Il a fait un gRand combat à Marseille (1,69 m, ce n’est pas ce qu’on peut qualifier de grand).
– Il a fait quoi ?, demande son ami.
– Il a combattu les Racistes. (Le mytho)
– Comment ?
– Des Racistes ont tué un ami à lui. Et il a manifesté pendant longtemps avec beaucoup de gens pour donner le nom d’une Rue à leuR ami qui est décédé. 🤲🏿 Pendant 26 ans !
– Hoyi. C’est long.
– Je te rassure : ce n’était pas tous les jours hein. On faisait une commémoration une fois par an à l’endroit où il est mort.
– Ha d’accord ? C’est quoi la Rue.
– Avenue IbRahim Ali. C’est ça Tonton ?
– Oui, c’est bien ça. Mais dis-moi on s’est déjà vus quelque part ?
– Non Tonton, ça fait pas longtemps on est là.
– Ça fait quatre mois et neuf jours.
– On a fait la traversée Tonton. La Méditerranée puis l’Italie… Moi, je viens du Cameroun et mon ami là, il vient de Guinée.
– Guinée Conakry, pas Bissau, souligne le collègue. Nous, on parle français, les autres, ils parlent portugais.
– D’accord. Je vois. (c’est comme les Nigériens qui ne veulent pas qu’on les confonde avec les Nigérians. On reconnaît certains immigrés au pays colonisateur qui leur a imposé sa langue).
– Mais comment tu me connais.
– J’ai vu ton interview sur Snapchat Tonton. Ça tourne beaucoup. Ça m’a fait vRaiment mal au cœur. Et ce que tu as dis, vRaiment respect Tonton.
– Ha d’accord. Et ça va votre intégration ?
– Oui ça va Tonton. On est en train de faire les démarches avec ADDAP13.
– Ok. Bienvenue à vous les gars. Faîtes pas de bêtises d’accord ?
– Non, Tonton, t’inquiète pas même. On est là pour avoir une meilleure vie, pas pour faire des bêtises.
– C’est bien. Parce que les racistes sont aux portes du pouvoir en France. Et ils sont dangereux, ne l’oubliez pas.
– Oui Tonton. Bon, on doit y aller Tonton. On voulait juste te saluer. Au revoir.
– Au revoir. Et bonne chance.
– Merci beaucoup Tonton.”

Je les regarde ainsi partir vers la Joliette en essayant d’imaginer leur périple et les dangers auxquels ils ont dû faire face avant d’arriver en France. Si jeunes et pourtant combien d’épreuves ils ont déjà surmontées dans leur quête d’une vie meilleure ? Je devine où ils se rendent ainsi d’un pas pressé : place de la Joliette. L’association Vendredi 13 y distribue des sacs alimentaires d’urgence tous les mardis et jeudis soir de la semaine à près de 200 personnes de la rue et tout public en difficulté. Sans distinction de sexe, de couleur, d’origine, de croyance ou non, d’orientation sexuelle… Jusqu’à quand ? Et jusqu’à quand dois-je encore raconter l’histoire de ce minot tué d’une balle dans le dos par un colleur d’affiches de ce parti de fachos pour que certains cessent de faire les idiots ?