Ezéchiel Zérah vous présente
La chronique gastronomique

80 000 Comoriens et un seul restaurant

Chronique
le 16 Avr 2016
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80 000 Comoriens et un seul restaurant
80 000 Comoriens et un seul restaurant

80 000 Comoriens et un seul restaurant

Un peu d’éclectisme dans Marsactu ne peut pas faire de mal. Une fois par mois, Ezéchiel Zérah nous propose une chronique gastronomique. Cette semaine, il s’interroge sur la quasi inexistence des restaurants comoriens. Bonne lecture.


Madaba

Il y a quelques semaines, j’interrogeais mon cercle Facebook. “Marseillais, avez-vous déjà mangé comorien ?”. Mes contacts (parmi lesquels de nombreux chefs, journalistes gastronomiques, blogueurs et foodies), d’habitude si prompts à répondre sur une thématique qu’ils chérissent au plus haut point, ne se firent pour une fois pas entendre. “Non, jamais”. “Uniquement de la vanille dans le millefeuille du pâtissier d’un grand hôtel”. Silence radio total. Une situation étonnante quand on sait que la population d’origine comorienne représenterait selon diverses estimations entre 10 et 15 % des habitants de la ville soit 80 000 à 120 000 personnes. Soprano et les footballeurs Kassim Abdallah et Hamada Jambay mis à part (encore que), que connaît-on des Comores ? Pas sa cuisine semble-t-il… Prenez les guides qui recensent les restaurants du territoire : on y trouve des tables algériennes, tunisiennes, marocaines, turques, italiennes, portugaises, arméniennes ou espagnoles. Point d’établissements comoriens en revanche. (Je serais moi-même incapable d’en citer un seul). L’ex-plume à fourchette de La Provence, pourtant 20 ans de métier au compteur, ne confesse pas autre chose…

Mes grands-parents maternels, qui habitent la Belle-de-Mai depuis 44 ans et qui côtoient chaque jour des Comoriens (les premiers immigrés seraient arrivés dans les années 60-70), n’ont eux aussi jamais mangé la cuisine locale pas plus qu’ils ne connaissent d’endroits commerciaux pour s’y attabler. Au cours de mes recherches, on me fit remarquer qu’au même titre que d’autres pays d’Afrique, la cuisine comorienne est une cuisine qui se déguste principalement… à domicile. En privé donc. Et puis, si la présence comorienne est élevée dans les cuisines des restaurants marseillais, en plonge notamment, on compte très peu, le mot est faible, de restaurants mettant à l’honneur la gastronomie des îles des Comores. “Alors que beaucoup de Comoriens travaillent dans le secteur hôtelier, il n’existe qu’un seul restaurant comorien à Marseille” pouvait-on lire dans un article du journal Libération datant du 20 décembre 2013.

Les terrasses de Moroni

Impossible de mettre la main sur cette unique table mentionnée par Libé à cette date… A travers mon aïeul qui s’est informé auprès de ses voisins, j’ai cependant pu identifier la table des Comores qui aimante la grande communauté qu’abrite la ville. Il s’agit des Terrasses de Moroni, situées au 39 de la rue de Crimée, à 200 mètres à peine du consulat des Comores. Un établissement ouvert en juin 2015 par Marie Rose Mohamed et sa fille Elisabeth Saïd (en salle), que l’on vit quelques années au conseil municipal. Preuve que les Comores sont les grands oubliés de la cartographie gourmande marseillaise, le site Tripadvisor associe le restaurant à une cuisine “indienne”. Sur la fiche de l’établissement (classé 844e sur 1 665 adresses), un internaute anglophone détaille d’ailleurs sa surprise, pensant trouver des plats du sous-continent.

Samedi, 20h. J’avais réservé par prudence mais A. et moi seront seuls à dîner, rejoints par la suite par deux habitués (Orangina, magret de canard) en plus de la poignée de commandes en livraison. Le contraste entre environnement extérieur et décor intérieur aux allures de bistrot contemporain chic surprend. Quant à la carte, elle oscille entre répertoire populo de brasserie (salade de chèvre chaud, entrecôte grillée, pavé de saumon à l’oseille, gnocchi sauce roquefort) et sélection comorienne (samboussas carnés, dachine à la viande, madaba de poisson, pilao poulet, brochettes de bœuf).

L’adresse vaut-elle le détour ? Oui et non. L’amateur de jolies étiquettes n’y trouvera pas son compte, pas plus que les becs sucrés avec des desserts sans intérêt (vrai doute sur le fondant au chocolat vendu comme maison, salade de fruits qui ne respecte pas les saisons). Sans oublier les approximations orthographiques sur certains intitulés de l’offre (“café gourmant”, “pennes st Jacques”) irritantes pour les membres de l’Amicale Bernard Pivot.

Il n’empêche, je vous recommande néanmoins d’y faire un tour pour s’essayer aux brochettes-bananes-manioc et madabas plutôt corrects. Au-delà d’une stricte visite culinaire, ce sera surtout l’occasion de prendre part à un voyage culturel pour se rapprocher d’une communauté si présente et pourtant si absente de notre vie quotidienne. Et si on se penchait davantage sur son assiette ? Marseille devrait comprendre ça, elle qui possède désormais une caisse de résonance nationale pour ses roulés de loup marinés comme un aïoli, au-delà donc du bruit médiatique des fusillades qui noircissent les colonnes des fait-diversiers de toute l’Hexagone.

A la carte : entrées 8,5-10,5 € ; plats 13-16,5 €, desserts 5 € environ. Pour découvrir plus avant la culture des Comores, La Cartonnerie de la Friche Belle de Mai accueille une Rencontre avec les Comores samedi à partir de 17 heures et dimanche toute la journée. Au programme, débats, concerts, performances, contes et… gastronomie.


Commentaires

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  1. mireille reymond mireille reymond

    j ai visité trois iles sur les quatre Comores et j’ai adoré la cuisine à base de coco et de vanille accompagnant poissons et langouste !
    d’autre part mes amies comoriennes à Marseille font de délicieuses samossas et des tas de plats simples et délicieux

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