[C’est mon data] D’une école à l’autre, le grand écart des fermetures de cantines

Décryptage
le 4 Fév 2021
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Pendant plus de deux mois, Marsactu a répertorié les jours de fermeture de cantines, voire d'écoles, à Marseille. Ce travail inédit dessine une carte marquée par de fortes disparités, entre des établissements totalement épargnés et d'autres où le service est rarement assuré. Un arrondissement en particulier, le 14e, concentre les difficultés avec en moyenne une cantine sur quatre fermée.

Les "points noirs" des fermetures sont concentrés dans les 13e et 14e arrondissements.
Les "points noirs" des fermetures sont concentrés dans les 13e et 14e arrondissements.

Les "points noirs" des fermetures sont concentrés dans les 13e et 14e arrondissements.

Un lundi plutôt calme, un mardi émaillé par quelques dizaines de fermetures, un jeudi compliqué et un vendredi à haut risque. Depuis septembre, les cantines scolaires marseillaises vivent au rythme des fermetures pour suspicion de Covid-19 mais surtout pour cause de manque de personnel. Ce jeudi encore, jour de grève nationale dans l’éducation, 223 cantines n’ouvriront pas à Marseille.

Pour certains enfants, et leurs parents, la restauration scolaire dans les écoles publiques peut même sembler être un concept abstrait. À Sinoncelli (14e arrondissement), le seul repas proposé entre le 26 novembre et les vacances de Noël a été un pique-nique, le 27 novembre. Et depuis le 21 janvier, après une accalmie remarquée de dix jours, la cantine est de nouveau fermée, quand ce n’est pas l’école entière.

Ce cas n’est pas isolé. En analysant les 2016 fermetures de cantine annoncées par la Ville depuis le 26 novembre (voir les coulisses de cette enquête en fin d’article), nous avons repéré une trentaine de groupes scolaires où le service est assuré moins d’un jour sur trois. À l’autre bout du spectre, l’école élémentaire Corderie (7e) a été totalement épargnée pendant les 36 jours scrutés, tandis qu’un seul accroc est repéré dans des maternelles comme Saint-Julien (12e), Cadenat (3e) ou Coin-Joli (9e).

Les points noirs des fermetures de cantines

Cette carte recense 26 groupes scolaires où la cantine était fermée au moins un jour sur trois depuis le 26 novembre. La liste n’est pas exhaustive.

Ces écarts ne sont pas sans poser la question de l’égalité de traitement des usagers du service public, dont le sort ne dépend que du hasard du lieu d’inscription, lié à l’adresse par le biais de la carte scolaire. Du hasard, ou pas tant que cela. Car lorsqu’on regroupe les écoles par arrondissement, des tendances nettes se dessinent encore, entre un 7e arrondissement avec seulement 6 % d’incidents et un 14e qui grimpe à 22 %, près du quadruple.

Les disparités observées vont jusqu’au pique-nique, qui permet de pallier la fermeture d’un restaurant scolaire et d’éviter aux parents les quatre trajets quotidiens avec l’établissement. Dans certains arrondissements (8e, 15e, 6e), la Ville est en mesure de le proposer une fois sur deux. Dans d’autres (où l’on trouve encore une fois le 14e mais aussi le 4e), ce repas froid, qui nécessite la présence d’un minimum d’agents, fait figure d’exception.

Des renforts pour pallier les absences mais pas les grèves

Au fil des semaines, Marsactu a interrogé syndicalistes, parents d’élèves et élus pour tenter de comprendre l’origine de ces situations très contrastées. Si personne ne se risque à une explication définitive, plusieurs pistes reviennent fréquemment. Pour les 13/14, la fatigue et la colère des agents, plus enclins à recourir aux arrêts maladie ou à exercer leur droit de grève, seraient le fruit de 25 ans pendant lesquels le secteur était dans l’opposition à la majorité municipale et donc forcément moins bien considéré. Mais la grille de lecture ne suffit pas : les 15/16 sont dans la moyenne et même au sein des 13/14 on constate un écart important entre les deux arrondissements du secteur. D’autres interlocuteurs évoquent le taux de syndicalisation, l’exiguïté des locaux ou encore les relations tendues avec les parents d’élèves.

Quoi qu’il en soit, la persistance de tels écarts interroge. N’est-ce pas dans ces écoles en difficulté qu’il aurait fallu mettre des moyens ? “C’est ce qu’on fait, assure Pierre Huguet, adjoint délégué à l’éducation. Les recrutements, les renforts solidaires des personnels d’autres services et les prestations de sociétés de nettoyage sont orientés là où il y a des besoins liés à la crise sanitaire, par exemple lorsque des agents sont en autorisation spéciale d’absence.”

Avec peu de résultats observés dans notre échantillon de points noirs. Face à ce constat, l’élu rappelle le “principe constitutionnel du droit de grève”. Sous-entendu, si les renforts peuvent soulager, dénouer des situations tendues, ils ne peuvent pas remplacer des agents grévistes. Fustigeant “l’abandon des personnels” par la majorité précédente, Pierre Huguet veut croire à l’efficacité des réformes en cours négociation sur “le temps long”. Il y a simplement des quartiers où le temps semble plus long qu’ailleurs.

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Les coulisses de Marsactu
Les données présentées dans cette enquête sont issues d'une extraction quotidienne des fermetures annoncées la veille (ou le jour même en cas d'actualisation) sur la page dédiée sur le site internet de la Ville de Marseille. Une marge d'erreur, minime, existe donc en cas de fermeture non anticipée. Pour des raisons de simplification, nous n'avons pas distingué les motifs de fermeture, mais nous avons constaté que celles liées à une suspicion de Covid-19 étaient minoritaires.
Julien Vinzent
Journaliste.

Commentaires

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  1. petitvelo petitvelo

    Analyse très précieuse évitant les emporte pièces habituels

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  2. jasmin jasmin

    Merci pour cette alerte et analyse via des chiffres. Par contre, la solution en regardant le chiffre n’est peut être pas d’augmenter les moyens uniquement, car les moyens supplémentaires vont aussitôt se mettre en grève comme leurs collègues si c’est quelque chose dans la situation qui provoque ces absences. Il faut regarder spécifiquement et dans le detail, questionner les parents, questionner le personnel, demander aux enfants, et tirer la conclusion qu’il faut. C’est compliqué, car il faudra beaucoup de questions ouvertes pour que les gens donnent les vraies raisons, et ne pas proposer des listes de problèmes qu’on pense être la cause. Qui doit le faire? pour quoi pas la mairie de secteur qui n’a rien à faire en ce moment?

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