Centre gérontologique de Montolivet : “On a vu le scandale Orpea, mais c’est partout pareil”
Deux préavis de grève ont été déposés au centre gérontologique départemental, un des rares établissements public dédiés à la prise en charge des personnes âgées. En sous-effectif, le personnel alerte sur une détérioration des conditions d'accueil.
Le centre gérontologique du département est installé à Montolivet. Il accueille près de 600 personnes et suit par ailleurs les cas de majeurs sous tutelles. (Capture Google maps)
“Cet après-midi, je suis seule pour 30 résidents. Ce ne sont pas des grands invalides mais il y a leurs toilettes à faire, les changes des lit, servir le goûter, le repas et le coucher. Maintenant, on va devoir faire la distribution du linge ! On est en train de nous presser comme des citrons”, désespère Martine*. Au fil de sa carrière, elle dit avoir constaté une “dégradation” de ses conditions de travail et s’inquiète pour les jeunes soignants. L’aide-soignante travaille depuis quarante ans au centre gérontologique départemental (CGD) de Montolivet (12e), l’un des rares établissements publics hébergeant des personnes âgées dépendantes. Il accueille près de 600 personnes, avec une partie Ehpad qui compte 228 lits. Deux secteurs sont spécialisés pour recevoir des pathologies lourdes comme la maladie d’Alzheimer.
Une récente décision de la direction a fait grincer le personnel et les syndicats. Désormais, les aides-soignants du pavillon Jean-Masse, auront la tâche de distribuer le linge des résidents à la place des aides hôtelières. À un mois des élections professionnelles, ce changement d’organisation a été la “goutte d’eau qui a fait déborder le vase“, pour le syndicat Sud santé sociaux 13.
Ce samedi 5 novembre, l’organisme a déposé un préavis de grève illimitée. “C’est parti de ça, mais c’est pour dénoncer le ras-le-bol de tout le personnel à cause du manque d’effectif depuis cinq ans”, indique Audrey Padelli, syndiquée Sud. Dans un communiqué, le syndicat pointe le chiffre de 13,98 % d’absentéisme pour l’année 2021, tiré du bilan social du CGD et s’alarme : “Cette hémorragie de personnels entraine une prise en charge altérée de nos aînés en pleine crise des EHPAD“. Le préavis local est déposé de manière symbolique, puisqu’un même document au niveau national court toujours jusqu’au 31 décembre. La grève – également symbolique, car les soignants assureront probablement la continuité des soins durant leur mobilisation – doit commencer le 12 novembre.
“Dans le public, ils cherchent à réduire les coûts”
Bertrand*, aide-soignant depuis quatre ans au CGD, dépeint une atmosphère de tension au sein de son équipe après cette annonce. “Distribuer le linge, ça va nous renvoyer dans les cordes, craint-il. Actuellement, on est trois aides-soignants pour 30 résidents, mais les soins ne sont pas effectués de la manière dont ils devraient l’être”. S’ils sont trois pour commencer les toilettes à 8 heures, les aides-soignants ont 24 minutes par résident jusqu’à midi, l’heure du repas. Et s’il y a un absent comme c’est régulièrement le cas, la cadence s’en trouve automatiquement accélérée. Pour Bertrand, il faudrait compter une bonne demi-heure, voir 35 minutes pour une prise en charge exemplaire. “Une toilette doit être expliquée en amont pour qu’elle soit comprise par ceux qui ont de grands troubles cognitifs”, estime-t-il. Le soignant est conscient que la situation de son établissement n’est pas isolée, mais refuse “des conditions médiocres” de travail.“On a vu le scandale Orpea mais c’est partout pareil. Nous souffrons déjà, là c’est en train de bouillir“, souffle-t-il.
Le manque de personnel engendre de la fatigue et des conflits.
Martine, aide-soignante
Une comparaison avec les Ephad privés, au cœur d’une tempête médiatique ces derniers mois, qui fait écho chez ses collègues. “Dans le privé, ils cherchent à gagner de l’argent et dans le public à réduire les coûts. On en arrive à la même situation“, abonde Audrey Padelli. En cas d’absence d’un agent de service hospitalier qui s’occupe du ménage, ce sont les aides-soignants qui doivent sortir la poubelle, faire la vaisselle et mettre la table. Une situation “récurrente, qui arrive deux ou trois fois par semaine” selon Bertrand.
À quelques années de la retraite, Martine “prend ça avec philosophie“, mais assure que si elle avait vingt ans aujourd’hui, elle changerait de métier. “Je parle au nom de mes résidents et de mes collègues démoralisés. Le manque de personnel engendre de la fatigue et des conflits et il y a le risque de ne plus être à l’écoute des angoisses des patients“, s’inquiète-t-elle.
Débrayage prévu samedi
Dans un rapport publié par la chambre régionale des comptes en 2021, les magistrats se penchaient sur la gestion de l’établissement public entre 2013 et 2019. Ils pointaient déjà la diminution des effectifs des aides-soignants alors que l’effectif global était en légère augmentation. “Les effectifs d’aides–soignants qui constituent le cœur de métier du CGD–13 ont diminué“, écrivait la chambre en parlant d’une “incongruité“. Yann Cardi, secrétaire de la section Sud santé du CDG, le souligne : “on a des taux énormes en ressources humaines et en service, on a degun“
Sollicitée par Marsactu, la présidente du conseil de surveillance du CGD et conseillère départementale divers-droite Marine Pustorino s’étonne du préavis de grève. “J’en ai eu connaissance dans la presse ce qui est tout de même une façon curieuse d’entamer un dialogue social”, regrette l’élue qui a demandé “un point” à la directrice du centre. Contactée, la direction du centre gérontologique n’a pas souhaité commenter la situation.
Selon nos informations, des négociations sont en cours. Mais du côté de Sud l’appel à la grève pour samedi reste ferme. La CGT, dans le cadre d’un préavis de grève national, a pour sa part prévu de se rassembler jeudi 10 novembre devant l’établissement. Amer, Bertrand compte participer à la grève symbolique. Il prévient : “Ça peut paraître ridicule de se mobiliser pour le linge, mais quand on aura un aide-soignant pour cinq patients, là on pourra discuter“.
* Les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés.
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Ma mère a passé ses dernières années au pavillon Jean-Masse et je peux témoigner de l’extrême dévouement du personnel. Infirmiers, aides-soignants, animateurs, tous étaient passionnés par leur métier, très empathiques et professionnels. Elle y a été très heureuse. Cependant, déjà en 2013, les soignants déploraient un management déconnecté et une qualité de service en constante dégradation… Courage à eux !
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