Casserolade à Salon : une étonnante plainte pour usurpation d’identité vise un militant

Enquête
le 26 Mai 2023
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Une plainte a été déposée contre un opposant à la réforme des retraites. En avril dernier, il avait chahuté le député Jean-Marc Zulesi (Renaissance) à la Fête de la fraise de Salon-de-Provence. Aujourd'hui, il est accusé d'avoir usurpé l'identité d'un homme qui vit à des centaines de kilomètres de là et ne porte pas le même nom que celui utilisé.

Casserolade durant la Fête de la fraise, à Salon-de-Provence fin avril.
Casserolade durant la Fête de la fraise, à Salon-de-Provence fin avril.

Casserolade durant la Fête de la fraise, à Salon-de-Provence fin avril.

Dans la sauce de sa propre casserole. Opposant à la réforme des retraites, Alexandre Beddock n’aurait pas cru que la “casserolade” à laquelle il a participé lors du déplacement du député Renaissance Jean-Marc Zulesi à la fête de la fraise de Salon-de-Provence, allait avoir de telles conséquences judiciaires. Il est aujourd’hui accusé d’avoir usurpé l’identité d’un homme à l’autre bout de la France. L’itinéraire de ce dépôt de plainte inattendu interroge.

Au cœur de cette histoire : un appel téléphonique passé à la permanence de Jean-Marc Zulesi, député de la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône. Militant Nupes, Alexandre Beddock se présente alors au téléphone comme “Alexandre Taquin” de France Bleu de manière audible, selon nos informations. Avec d’autres militants, ils utilisent ce stratagème, un “gag téléphonique”, pour connaître l’heure de la venue de l’élu à la fête de la fraise.

La police de Salon m’a appelé pour me dire que mon identité avait été usurpée et m’a indiqué que je pouvais porter plainte”

Alexandre T.

À l’autre bout de la France, dans le Grand-Est, un homme au nom approchant, que nous appellerons Alexandre T., reçoit un étonnant appel de la police nationale. Marsactu a pu entrer en contact avec lui. “La police de Salon m’a appelé pour me dire que mon identité avait été usurpée et m’a indiqué que je pouvais porter plainte”. Quelques jours plus tard, Alexandre T. dépose bien plainte contre Alexandre Beddock, un homme qu’il ne connaît pas.

Identité fictive

Alexandre T. n’est alors pas averti que le nom qui a été utilisé n’est pas exactement le sien. Cette identité fictive de Taquin, Alexandre Beddock l’a créée avec d’autres opposants. “Alexandre Taquin pour taquiner, parce que c’était sans intention de nuire, c’était ironique. Et journaliste radio, parce que c’est mon vrai métier”, argue-t-il. Un stratagème qu’il justifie : “En trois mois, Jean-Marc Zulesi n’avait pas trouvé le temps pour nous rencontrer nous ou les syndicats. Mais là, il était prêt à se libérer en 48 heures pour une interview. C’était un test”.

Pour que l’histoire remonte jusqu’à Alexandre T., il aura fallu que son canular soit décortiqué successivement par l’équipe du député, l’équipe de France Bleu Provence puis les policiers. Au soir de la manifestation, le parlementaire, qui sous la pression avait dû quitter la manifestation, s’était ému dans un communiqué du procédé utilisé : “Utiliser une fausse identité pour connaître mon emploi du temps et organiser ce type d’intimidation n’est pas une manifestation, c’est tout simplement du harcèlement”. Dans la foulée, les membres de l’équipe de Jean-Marc Zulesi cherchent à retrouver la personne à qui ils ont indiqué l’emploi du temps du parlementaire. “Ce sont mes collaborateurs qui ont rappelé France Bleu après coup”, confirme l’élu.

Enquête préliminaire

“On m’a demandé si un des journalistes avait demandé une interview au député, raconte-t-on à la rédaction de France Bleu. J’étais très étonné car ce n’était pas le cas. Encore plus lorsqu’on m’a donné le nom d’Alexandre T. qui n’est pas du tout de la région”. Le téléphone raccroché, cette source contactera son collègue du groupe Radio France dans le Grand-Est pour le prévenir de la situation.

Malgré sa construction hasardeuse, la plainte d’Alexandre T. a trouvé des oreilles attentives. “Une enquête préliminaire est en cours”, confirme à Marsactu Jean-Luc Blachon, le procureur du parquet d’Aix-en-Provence. Alexandre Beddock a été interrogé le 10 mai sur ces soupçons d’usurpation d’identité.

Ce n’est pas le même nom, et cette identité n’avait pas pour intention de nuire. C’est une instrumentalisation à des fins politiques.”

Farid Farissy, avocat du mis en cause

Pour l’avocat du mis en cause, Farid Farissy, cette plainte “frise le n’importe quoi”. Défendant que le nom fictif est Taquin, Farid Farissy déplore que la plainte ne soit pas constituée et s’étonne qu’elle ait donné lieu à une enquête. “Ce n’est pas le même nom, et cette identité n’avait pas pour intention de nuire, développe-t-il. C’est une instrumentalisation à des fins politiques.” Une position que partage son client, qui se dit “visé” car “visage connu de la contestation locale”. Le procureur d’Aix, qui décide de l’opportunité des poursuites, comme la police salonaise qui mène cette enquête, n’ont pas souhaité commenter plus avant.

Plainte et mains courantes

Le 10 mai, toujours selon son avocat, Alexandre Beddock a aussi été interrogé sur des soupçons de violences à l’encontre du député. Ce dernier confirme le dépôt d’une plainte, tout en refusant d’en dévoiler le motif.

Du côté des opposants, on n’est pas en reste. Plusieurs mains courantes ont été déposées visant Jean-Marc Zulesi, dont une par Alexandre Beddock qui dit avoir été intimidé par le député. À Salon-de-Provence, le bruit des casseroles n’a pas fini de résonner.

Actualisation le 10 mars 2024 : retrait de la mention d’une agression dans un parking souterrain. Dans sa plainte, le député évoque une forme de provocation, mais indique qu’il n’y a eu “à aucun moment” de “contact physique”.

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Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    L’usurpation d’identité, c’est souvent grave, on fait des crédits avec, on prend des pv en voiture, etc. Là il n’y a rien de rien, titrer là dessus, on croit que le gars se sert depuis des années de faux papiers et qu’il vit avec l’identité d’une autre. Une histoire bidon comme on dit. Le scandale, c’est l’énergie et les moyens que met la police ou le renseignement intérieur à aller chercher quelqu’un à l’autre bout de la France dont le nom ressemblerit à Taquin, ou à Rigoleau, ou à Espiègle, ou à Pseudeau parce qu’il s’agit d’un député du parti présidentiel.

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    • Richard Mouren Richard Mouren

      De plus, il serait fort instructif de savoir ce que la police nationale a dit à ce monsieur T. pour qu’il accepte de porter plainte. Par contre, on sait ce qu”elle n’a pas dit: que le nom n’est pas exactement le même……..et que la plainte n’a aucune chance d’aboutir.

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    • Jean-Marie Leforestier Jean-Marie Leforestier

      @Barbapapa Si vous n’avez pas compris que nous disons la même chose que vous, c’est que nous nous sommes vraiment mal exprimés.

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    • barbapapa barbapapa

      Oui, je me suis fait avoir par le titre, et je venais aussi de lire sur un autre média un titre à ce sujet, et j’ai cliqué en étant persuadé qu’un escroc à l’identité commettait aussi des casserolades… Evidemment la lecture de l’article est explicite, et j’aurais du interpréter différemment le mot “étonnante”
      Et j’ajouterais que « si vous avez bien compris ce que j’ai écrit, c’est que je me suis mal exprimé » 🙂
      d’après Alan Greenspan

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  2. julijo julijo

    après la casserolade, une macronade !

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  3. Happy Happy

    Histoire qui frise effectivement le ridicule… Juste un détail : je n’ai pas compris à la lecture de l’article si le Alexandre T. qui a déposé la plainte est lui-même journaliste à France Bleu dans le Grand Est ? Si c’est le cas, ça ne donne pas beaucoup plus de consistance à la pseudo-affaire, mais ça rend un tout petit peu moins incompréhensible la réaction du plaignant.

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    • Zumbi Zumbi

      Il faut juste lire un peu plus lentement.
      Allons-nous assister à une avalanche de dépôts de plaintes pour usurpation d’identité contre tous les amuseurs des radios pour leurs gags téléphoniques de plus ou moins bon goût ? Qu’auraient dû faire à leur époque les porteurs des patronymes Mougeot, Duboudin, Moulinot et Van de Plote ?
      À part ça quelle vivacité d’esprit de Zulesi et de son équipe qui n’ont pas été alertés par la soudaine apparition d’un journaliste nommé “Taquin” sur la radio de chez eux !

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  4. vékiya vékiya

    ce n’est plus renaissance c’est crépuscule

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  5. kukulkan kukulkan

    la macronie en déroute totale

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  6. Gregory Colpart Gregory Colpart

    « Bonjour Mme Sara Croche ? ici le commissaire, vous devriez porter plainte pour usurpation d’identité, des personnes se font passer pour vous et raccrochent au nez de leur interlocuteur. »

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