Cartes de réductions : comment la région emballe la hausse des tarifs des TER

Décryptage
le 22 Juin 2022
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Ce vendredi, la région votera la nouvelle tarification des transports régionaux. Les associations d'usagers expriment leurs craintes de voir les tarifs fortement augmenter. Pour la collectivité, la nouvelle grille tarifaire permettra de booster la fréquentation.  

TER en gare de Marseille Saint-Charles. Crédits : Observatoire régional énergie-climat-air PACA. CC.
TER en gare de Marseille Saint-Charles. Crédits : Observatoire régional énergie-climat-air PACA. CC.

TER en gare de Marseille Saint-Charles. Crédits : Observatoire régional énergie-climat-air PACA. CC.

Ce vendredi, les habitués des TER en PACA seront fixés sur ce qui attend leur porte-monnaie. Les tarifs de leurs futurs voyages doivent en effet être votés en assemblée plénière régionale. En réduisant la gamme à une dizaine d’offres, la collectivité entend simplifier la grille tarifaire. En juillet 2021, une première délibération quasiment semblable avait déjà été votée, mais les associations d’usagers n’avaient pas été mises au courant et la mesure n’était pas entrée en vigueur. Cette fois-ci, deux réunions de concertation ont eu lieu en mars et avril. Une fois votée, cette nouvelle proposition prendra effet le 5 janvier 2023.

La principale mesure, qui est aussi la plus controversée, consiste en la suppression de la carte Zou qui permet actuellement d’obtenir des réductions de 50 % sur tous les trajets en TER et de 75 % sur un trajet déterminé. À raison de 30 euros par an – 15 pour les moins de 26 ans – cette carte offre aussi la possibilité à trois accompagnants de bénéficier de demi-tarifs. À partir de quatre voyages dans l’année entre, par exemple, Marseille et Toulon, s’ils sont définis en trajet préféré, la carte est rentabilisée. La nouvelle réforme inclut elle une nouvelle “carte commerciale régionale”, au même prix annuel que la carte Zou, mais qui ne propose que des réductions à 30 % sur l’ensemble des TER pour le propriétaire de la carte et un accompagnant. Un changement de modalité conséquent que les associations d’usagers redoutent.

Un levier pour la fréquentation ?

Jean-Pierre Serrus, vice-président de la région en charge des transports et de la mobilité durable assure que cette réforme sera plus simple et plus adaptée à chacun. Aujourd’hui, la carte Zou offre des réductions, que l’on fasse un seul trajet dans l’année ou que l’on voyage tous les jours. L’élu ne cache pas ses intentions de “donner priorité aux usagers réguliers des transports“, estimant qu'”on ne peut pas être aussi avantageux avec les voyageurs occasionnels que les réguliers“. L’accent sera ainsi mis sur les abonnements, avec des pass de 10, 20 ou 30 voyages ou en illimité, dont les tarifs permettront entre 60 et 75 % d’économie par rapport à un tarif plein, d’après les chiffres avancés par la région.

Cette réforme n’est pas présentée comme une recherche d’augmentation des recettes, mais de la fréquentation, argumente Jean-Pierre Serrus. Selon les calculs de la région, quatre millions de trajets supplémentaires pourraient être effectués chaque année. Des chiffres contestés par les associations d’usagers des transports. “La façon de présenter est scandaleuse, dénonce Stéphane Coppey, secrétaire général de Noster Paca. Comment, en augmentant des tarifs, peut-on espérer une augmentation de la fréquentation ?”.

Un sursis pour les étudiants
En mai 2021, Renaud Muselier promettait la gratuité de la carte Zou études, offrant un accès illimité sur les transports régionaux aux jeunes de 3 à 26 ans jusqu’à juin 2022. Cette mesure n’a finalement duré que de septembre à juin 2022. La carte reste néanmoins épargnée par la réforme et disponible au prix de 90 euros par an, au lieu de 110 à sa création. En effet, la région a décidé de maintenir la ristourne provisoire mise en place durant la période Covid.

 Au sein du conseil régional, cette nouvelle grille tarifaire a également déclenché une contestation dans l’opposition. “Les usagers occasionnels, ceux qui hésitent entre prendre le train et prendre leur voiture vont devoir payer plus cher et seront donc incités à prendre leur voiture, se désole dans un communiqué Muriel Fiol, membre du groupe Rassemblement national. Ce qui est en totale contradiction avec les engagements écologistes de l’exécutif régional”. La région, elle, se félicite de ce projet écologique et social, qui entrerait dans les objectifs de “COP d’avance, en incitant les habitants à rentabiliser leur abonnement régulier.

Une augmentation de 50 % selon les associations

Une homogénéisation des tarifs des billets unitaires est aussi prévue, avec un minimum de 2,10 euros par trajet. Pour les associations, cela risque de créer une augmentation dans les Bouches-du-Rhône d’environ 50 %. Les tarifs réduits pour les accompagnateurs qu’offraient la carte Zou seront aussi remplacés par des tarifs “mini-groupes”. Cette fois-ci, il faudra être au moins trois pour bénéficier de tarifs avantageux pour les accompagnants et cinq ou six pour bénéficier de demi-tarifs. Par exemple, pour un groupe de quatre personnes faisant un trajet Marseille-Toulon, le coût total serait d’environ 32 euros avec la réforme, contre environ 52 euros actuellement sans carte, et 26 euros avec.

Pour les mesures sociales, désormais, seules les personnes avec des faibles quotients familiaux bénéficieront de réductions de 50 % à 90 % sur l’ensemble des tarifs de la région. Par exemple, selon nos calculs, un parent isolé touchant 1700 euros par mois et avec un enfant, ou un couple au Smic avec 3 enfants pourront obtenir les demi-tarifs sur les transports. Pour les 90 %, il faudra être une personne percevant le minimum vieillesse ou un parent isolé au Smic avec deux enfants. Ces mesures remplaceront la carte Zou Solidaire aujourd’hui en place. Les chiffres avancés par la région se contredisant parfois, il est pour l’instant difficile de se projeter dans le nombre de bénéficiaires qui pourront être impactés, positivement ou négativement par cette mesure.

Une pétition de près de 3300 signatures

Quoi qu’il en soit, 22 associations et collectifs ont lancé une pétition pour demander au président du conseil régional Renaud Muselier de revenir sur cette mesure. Signée par plus de 3250 personnes, le texte demande le maintien de la carte Zou. Pour l’association Noster Paca, “cette carte rendait à peu près accessibles les billets, aux tarifs de base déjà excessifs“. Les associations conseillent ainsi à leurs adhérents de profiter de la possibilité de renouveler leur carte avant le 30 juin, afin de bénéficier de ses avantages pendant une année supplémentaire.

Les deux réunions de concertation entre région et associations n’ont abouti à aucun consensus. L’antenne régionale de la FNAUT, fédération nationale des associations d’usagers des transports, y avait proposé de baisser d’environ 10% chacune des avantages proposés par la carte Zou. Cela devait servir à compenser les coûts liés à la création de la réduction de 90 % pour les familles à faibles quotients familiaux, seule mesure approuvée par les associations. Ce n’est qu’après ces discussions que la région a ajouté à sa réforme la nouvelle carte offrant 30 % de réduction aux usagers.

De son côté, Noster Paca a écrit à tous les élus régionaux afin d’alerter sur le risque de baisse de fréquentation des trains à cause de ces suppressions d’avantages. L’association estime que le dialogue avec la région n’avance plus et prévoit d’organiser une manifestation le jour du vote. La FNAUT explique quant à elle avoir sollicité un rendez-vous auprès de Jean-Pierre Serrus, sans réponse.

En avril 2022, l’ensemble des tarifs a déja augmenté, à cause de la hausse “des coûts des transports, des redevances et des charges supportées pour maintenir ses services“, justifie le conseil régional. Les prix billets à l’unité ont grimpé de 2,82 %, et ceux des abonnements de 4,57 %, créant une augmentation annuelle de recettes estimée autour de 2 à 2,5 millions d’euros.

Actualisation le 23 juin 2022 à 11h : maintien de la réduction du tarif de la carte Zou étude après un arbitrage de la région le 22 juin.

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Commentaires

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  1. Assedix Assedix

    Et pendant ce temps-là en Occitanie, ils ont des lignes de train à 1 euro…

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  2. Manipulite Manipulite

    M. Serrus vice président aux transports du conseil régional n’a pas répondu à la FNAUT. Il était candidat aux législatives avec le soutien du président du conseil régional PACA Renaud Muselier. Élections législatives qu’il a lamentablement perdues au profit du Front National.
    Ces gens se vengent en augmentant les tarifs des TER ?

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  3. Fp Fp

    Cet argument qui soi-disant veut inciter les voyageurs occasionnels à devenir réguliers, fait totalement l’impasse sur le fait que les personnes télétravaillent donc se déplacent moins ou qu’ils ne travaillent pas systématiquement au même endroit tout les jours. A titre d’exemple, le tarif sans réduction du trajet Salon-de-Provence Marseille coûte 13.10 euros, donc 26.20 euros par jour. Très incitatif comme prix.

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  4. Peuchere Peuchere

    Cet article aurait été complet s’il était précisé le coût réel du trajet. Si je ne m’abuse, la collectivité (donc le contribuable) paye déjà la majeure partie et ce qui est demandé à l’usager ne représente qu’une infime partie

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