Cantonnés aux Réformés, les anti-JO bien décidés à manifester leur “flemme olympique”
La coordination anti-JO, formée par une trentaine d'associations et collectifs écologistes, féministes, antiracistes et anti-colonialistes, appelle à manifester ce mercredi 8 mai, en marge de l'arrivée de la flamme olympique à Marseille.
Tag "NO JO" sur une affiche de la Ville de Marseille célébrant l'arrivée de la flamme olympique. Boulevard Longchamp le 7 mai 2024. Photo : PID
Marseille ne vibrera pas à l’unisson pour la flamme olympique qui va s’allumer en son Vieux-Port ce mercredi 8 mai. Ou en tout cas, pas complètement. Plusieurs voix tenteront de faire entendre et voir leur “flemme olympique” à l’occasion d’une manifestation aux Réformés à partir de 14 heures. La coordination anti-JO, qui appelle à la protestation, fédère “une trentaine de collectifs et d’associations féministes, antiracistes, écologistes et anti-colonialistes”, présente Antoine. Ce porte-parole de ce large collectif conviait à une conférence de presse tenue ce 7 mai à La Base, le local des mouvements écologistes situé aux Chartreux (4e).
Le haut de La Canebière est en effet la zone prévue pour des manifestations autorisées par la préfecture de police ce mercredi. Une mesure conforme à l’engagement du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en visite à Marseille le 26 avril afin d’annoncer le dispositif sécuritaire pour l’arrivée de la flamme. “Parce que la France est un pays de liberté”, le ministre a affirmé que les contestations doivent pouvoir se tenir. Oui, mais loin des caméras de la fête qui vise un milliard de téléspectateurs dans le monde. Les fouilles policières préalables à l’entrée dans la zone sécurisée du Vieux-Port sont aussi prévues pour écarter banderoles et autres éléments revendicatifs, en sus des objets dangereux ou armes.
“Combien de temps on aura le droit de manifester ?”
Les anti-JO perçoivent ce dispositifs comme une atteinte à la liberté d’expression. “Encore une fois, c’est la démonstration d’une volonté de contrôle. On doit pouvoir manifester où l’on veut et quand on veut”, exprime Anna, de No JO 2030, collectif opposé aux JO d’hiver dans les Alpes françaises. Pour la visite d’examen de cette candidature française par le Comité international olympique (CIO) il y a deux semaines, plusieurs interdictions de manifester ont été prises par les préfets.
“C’est nouveau, c’est un test à Marseille. Mais ça ne garantit pas le droit de manifester concrètement”, développe pour sa part Noa du collectif Saccage 2024, constitué principalement de militants de banlieue parisienne opposés aux JO de Paris. “Pour le déploiement d’une banderole, un syndicaliste CGT a fini en garde à vue”, rapporte-t-il. Le 4 avril, Kamel Brahmi, secrétaire départemental de la CGT de Seine-Saint-Denis manifestait pour demander des investissements publics dans les piscines et les écoles de son département, à l’occasion de l’inauguration du centre nautique de Saint-Denis, comme l’a raconté L’Humanité. “On verra combien de temps on aura le droit de manifester”, s’interroge le militant de Saccage 2024.
Pour Félix Tréguer de l’association La Quadrature du net, la réception de la flamme constitue un “déploiement policier sans précédent”, avec ses 6000 effectifs mobilisés, dont la moitié des forces mobiles du pays. Il rappelle que des “enquêtes administratives dites de criblage” ont été ouvertes pour identifier les potentiels fauteurs de troubles à l’encontre des JO, y compris des militants. “Les fichiers de renseignement, du fait des JO, connaissent une plus grande interconnexion”, affirme-t-il. L’évènement sportif est également pour lui le prétexte d’une “fuite en avant sur la vidéosurveillance, notamment pour la vidéosurveillance algorithmique qui nous inquiète particulièrement”. Son association vient de porter plainte contre la SNCF, comme l’a rapporté Mediapart, pour l’usage du logiciel Prevent qui vise – notamment à la gare Saint-Charles – à tenter de repérer les propriétaires de bagages abandonnés. “Il peut s’apparenter à de la surveillance biométrique. Ce qui est illégal”, dit le militant
Le sport pour “satisfaire les intérêts privés”
Au-delà des aspects sécuritaires, les membres de la coalition partagent le fait de ne pas se retrouver “dans le discours glorifié des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et qui même au contraire, décèlent dans leur organisation l’amplification de problèmes sociaux, environnementaux, politiques”, expose Antoine. Pour lui, le “modèle actuel des JO prend pour prétexte le sport et ses valeurs, pour satisfaire avant tout les intérêts privés”. Exemple ultime de cette “perversion” à ces yeux, les torches de la flamme olympique “fabriquées par la multinationale ArcelorMittal, le groupe industriel le plus émetteur de gaz à effet de serre de France“.
Autre sponsor pris en grippe, Airbnb. “Là ou la flamme passe, le droit au logement et la simple vue des plus pauvres trépassent”, raille Victor Collet, auteur de Du taudis au Airbnb, un essai consacré au centre-ville récemment publié aux éditions Agone. Pour lui, “un seul gagnant de ces jeux ici, le plus gros marchand de sommeil mondial”. Pour l’auteur, la plateforme est le meilleur moyen pour les multipropriétaires de “contourner le permis de louer” déjà appliqué à Noailles.
Pour la coordination anti-JO, l’évènement mondial se fait au détriment du cadre de vie des habitants. Virginie anime l’association Lounapo qui, grâce à son voilier, œuvre “pour l’accès à la navigation pour tous”. Elle regrette que les épreuves de voile restreignent l’accès à la mer, sur le plan d’eau en rade Sud, déjà peu accessible à la majorité des Marseillais ainsi que sur certaines plages à proximité de la marina olympique. Elle estime aussi plus largement qu’il y a une absence “de politique d’accession à la mer” de la part des autorités locales. Alors que le maire Benoit Payan a promis “un héritage des jeux” pour plus d’accessibilité à la voile, Virginie propose la création d’un “ponton partagé” pour les associations poursuivant le même but que la sienne et un “passeport mer qui donnerait des crédits aux habitants pour faire des activités nautiques.”
Le tour de table continue “du local au global”, comme le résume Antoine, du Vieux-Port à la guerre en Israël-Palestine. Au contraire des JO, raconte-t-il, le militant veut montrer à l’occasion du rassemblement des Réformés “que l’on peut faire une fête populaire au nom du sport sans exploiter, opprimer ou détruire et sans ces violences larvées”. Les participants sont invités à venir déguisés pour une contre-célébration aux allures carnavalesques.
Commentaires
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Typo à corriger : mutltipropriétaires -> multipropriétaires
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Corrigé merci !
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L’idéologie de la “flamme” dont Marseille est fière de (l)’accueillir jusqu’ à plus soif est une “invention” des Jeux de Berlin en 1936 sous le régime nazi (France Culture, ce matin)
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Est-ce une surprise que ce rappel n’ait pas circulé dans le grand public? Certes, France Culture a de fidèles auditeurs, mais combien en pourcentage de la population française ou seulement marseillaise? Pour me replonger dans l’ambiance du climat des années 1930; je viens de relire “Histoire d’un Allemand” de Sebastian Haffner. L’époque est, bien sûr, différente. Mais les similitudes dans l’attitude de la population allemande donc avec celle des Français et des Européens aujourd’hui sont troublantes. Et concernant la dérive jusqu’à en sortir de l’esprit des jeux, il faut lire ou relire le livre du grand journaliste sportif, Pierre Louis Basse “Gagner à en mourir” qui nous fait voir ce match de foot Allemagne-Ukraine qui a eu lieu le 9 août 1942;. Un match sans image mais qui montre bien jusqu’à quelles extrémités peut conduire la nationalisme exacerbé. Celui qui gagne du terrain dans les esprits en ce moment même en France, en Europe et dans le monde. L’esprit des jeux a disparu depuis très longtemps, s’il a existé, et tout le “cirque” autour d’eux et de la flamme n’est que la démonstration d’un monde où le fric est roi et qui se décompose. Alors, oui aux anti-jeux, oui à ceux qui disent et pensent que le dieu-fric pourrait être utilisé pour l’intérêt général et, en particulier, de celui des plus vulnérables.
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L’idéologie de la “flamme” dont Marseille est fière de (l)’accueillir jusqu’ à plus soif est une “invention” des Jeux de Berlin en 1936 sous le régime nazi (France Culture, ce matin)
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Qui plus est le 8 mai jours de l’armistice et de la défaite du nazisme
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La flamme olympique date des Jeux olympiques d’été de 1928 à Amsterdam . C’est le premier relais avec la torche qui a eu lieu lors des Jeux olympiques d’été de 1936 à Berlin. Allumer le feu est une chanson de commande pour Johnny Hallyday en vue de ses concerts au Stade de France en septembre 1998.
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mireille urbain, je suis complètement de votre avis.
“panem et circenses” noté par juvenal à la fin du premier siècle…c’était déjà un peu ça !
le livre de haffner est édifiant sur l’évolution d’une population, l’allemande en l’occurrence, je l’ai lu il y a quelque temps, et comme vous je ne peux m’enpêcher de faire un parallèle avec aujourd’hui, et cette ambiance délétère.
on pourrait conclure par “quo vadis” !!
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Tout à fait d’accord pour la conclusion.
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Article du Monde
“Un autre modèle émerge à l’occa-
sion de Paris 2024 : faire payer les
collectivités locales pour accueillir le
passage de la flamme au prix de
180 000 euros par département,
sans compter les frais annexes de sé-
curité et d’animation, d’un montant
souvent équivalent. Des élus croient
que cet argent, retiré du soutien à la
pratique sportive, peut avoir un im-
pact touristique. En revanche, c’est
un très bon business pour Coca-Cola
qui a l’exclusivité des débits de bois-
sons, au mépris de la santé publique.
Le parcours de la flamme est une
manière de faire voyager la marque
olympique et les sponsors qui lui
sont liés aux frais des contribuables.
On pourrait rêver d’un modèle in-
verse où les sponsors financeraient
les réjouissances olympiques. Ga-
geons aussi que le CIO inventera
bientôt une version moins sexiste
et moins kitsch de l’allumage de la
flamme à Olympie que la mise en
scène de pseudo-prêtresses remet-
tant le flambeau à un éphèbe”
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Le fossé se creusé entre un ” mainstream” imposé par le business qui accapare tous les sports et des réalités économiques, politiques et sociales dégradées… cela finira à l extrême droite, et le business s adaptera comme il l a fait dans les années 30 et pendant la 2em guerre mondiale.
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Des collectifs féministes, antiracistes et anticolonialistes… pfff, il y a vraiment des gens que ça rendrait malade de rater une manif ! 🙂
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Je suis passé au Vieux-Port le 7 mai au soir, et ai été impressionné par l’omniprésence des publicités pour Coca-Cola, un sponsor aussi discret que ses produits sont “healthy” ! Sans doute est-il inconvenant de s’en étonner, à une époque où la commission des Nations-Unis pour les droits des femmes est présidée par l’Arabie Saoudite et où une conférence internationale sur le climat peut être présidée par le patron d’une compagnie pétrolière.
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moi j’y suis passé lundi soir, avec un ami qui a la “chance” d’avoir un bateau qui devait être contrôlé par les démineurs !!!! pffff, on ne peut pas discuter des mesures de sécurité outrancières, on peut les comprendre.
mais franchement, les gens ont été palpés, surveillés, vérifiés, ont fait parfois des kilomètres à pied (métro fermé)….pas sur que j’appelle ça la fête !
d’autant plus que sur le parcours, les publicités rivalisaient avec la caravane du tour de france !
opération commerciale ? ou fête “populaire” du sport ?
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