Cantines marseillaises : une concertation sans illusions

Actualité
le 25 Nov 2022
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Quels repas demain pour les dizaines de milliers d'élèves qui fréquentent les écoles publiques de Marseille ? La municipalité a convié une centaine de personnes à plancher sur ce grand chantier du mandat. Lucides sur les nombreuses contraintes, les associations de parents d'élèves limitent leurs attentes.

Cantines marseillaises : une concertation sans illusions
Cantines marseillaises : une concertation sans illusions

Cantines marseillaises : une concertation sans illusions

“Stop au monopole de Sodexo”. L’objectif proclamé par le programme électoral était clair. Mercredi, la majorité municipale est passée aux travaux pratiques. Une quarantaine de parents d’élèves, des associations, des agents du service de l’éducation et des élus étaient conviés à un premier dialogue sur ce dossier phare des cantines scolaires. À l’approche de l’échéance du contrat de délégation de service public, fixée en 2025, il s’agit d’imaginer un mode de gestion “plus durable, plus local et plus qualitatif” pour nourrir environ 50 000 écoliers chaque jour.

Toute l’année, les cabinets Spoon et Espelia ont planché sur les grands enjeux : évaluation financière et juridique, organisation, notamment en termes de personnel, bâtiments et bien sûr qualité. Présents lors de la première réunion, les sous-traitants de la Ville n’ont pas présenté les recommandation livrées par ces experts. De ce fait, le retour est mitigé. “On sent qu’il y a une dynamique positive, nous avons une vingtaine de parents qui ont participé et beaucoup étaient très contents, commente Séverine Gil, présidente de l’association de parents d’élèves MPE 13. Mais on est restés sur notre faim dans la mesure où on a remonté ce qui allait ou pas et on nous a dit au revoir. On aimerait être force de proposition et surtout savoir quelles sont leurs pistes, jusqu’où ils pensent aller, pour qu’on leur dise là où on aimerait qu’ils aillent plus loin.”

Cadrer les possibles

Il ne faut pas faire croire aux participants de la concertation que l’on peut tout faire.

Cécile Baron, élue FCPE

Après cette mise en bouche, un menu plus copieux est donc attendu pour les deux prochains ateliers, annoncés pour janvier. “Si on écoute les parents, leur fantasme, ce serait d’avoir un cuisinier dans chaque école, 100 % de produits bios et locaux… Mais on sait bien que sur une ville de la taille de Marseille, avec 320 restaurants, ce n’est pas possible. Ça ne fera pas avancer le schmilblick si la Ville se contente de répondre à cela”, pose Frédéric Muraour, président de la PEEP des Bouches-du-Rhône. Invitée au nom de la FCPE, Cécile Baron espère aussi “qu’ils poseront rapidement le champ des possibles. Il ne faut pas faire croire aux participants de la concertation que l’on peut tout faire.”

Alors que l’ambition du programme du Printemps marseillais était d’étudier “le retour à une régie publique avec la mise en place de cuisines centrales municipales par secteur, arrondissement, quartier ou école”, les fédérations ont déjà leur avis sur la faisabilité d’un tel projet dans un horizon si rapproché. “Pour moi c’est déjà trop tard”, pose Cécile Baron. “On s’attend vraiment à ce qu’il y ait toujours la Sodexo, abonde Séverine Gil. 2025, ça veut dire un cahier des charges en 2024, la Ville n’a qu’un an devant elle et je n’ai pas vu de projet de construction de cuisine centrale.” L’ensemble des repas est en effet aujourd’hui préparé à Pont-de-Vivaux, propriété municipale.

Payan : “Il va nous falloir du temps”

Les prévisions oscillent entre le maintien du prestataire unique ou un découpage de la Ville entre deux sociétés privées. Mais les espoirs d’une préfiguration de la remunicipalisation dans, au moins, une partie de la Ville ne sont pas totalement éteints. L’adjoint délégué aux écoles Pierre Huguet n’était “pas disponible” ce jeudi pour répondre à nos questions, après l’envoi d’un communiqué par la Ville. Lors de la rentrée scolaire 2022, le maire Benoît Payan avait déjà laissé filtrer quelques signes de prudence sur le sujet : “On a décidé de changer les choses. On va y aller par étapes, on a commencé un travail. (…) Nous souhaitons que les choses soient faites, en circuit court, avec beaucoup de parcimonie, de goût, de valeur nutritionnelle. Pour cela il va nous falloir du temps.”

Cette durée de mise en place est d’autant plus importante en raison du “gigantisme” de l’organisation actuelle et du fait que “nous n’avons pas le droit à l’erreur”, a souligné l’élu. Secrétaire général des agents FSU et ancien responsable de restaurant scolaire, Yannis Darieux insiste sur cet aspect de “maîtrise des risques. Dans toutes les grandes villes, les élus ont fait le choix de confier cette responsabilité à des prestataires privés pour cette question d’hygiène et de sécurité, certes au détriment du gustatif.”

La barrière de l’industriel

À Milan, les cuisines centrales assurent quelques milliers de repas par jour au maximum avec une mutualisation de certains aspects sur 4 secteurs.

Comme l’a détaillé le documentaire “Y avait quoi à la cantine”, l’une des critiques principales, le caractère insipide de nombreux plats, est en effet liée au mode de fabrication industriel, lui-même lié au volume de repas préparés à la cuisine centrale ainsi qu’aux contraintes de livraison. “Les collèges et les lycées, y compris dans les Bouches-du-Rhône, arrivent à cuisiner sur place, mais il faut savoir que les règles de sécurité ne sont pas les mêmes et que c’est pour 600 ou 900 élèves”, explique Yannis Darieux. Or, au-delà, on bascule selon lui “au stade semi-industriel”.

Ce mois-ci, Pierre Huguet était en visite à Milan, dont l’organisation tend vers ce niveau très localisé. En 2000, la municipalité a monté une société publique pour produire les 85 000 repas quotidiens depuis… 24 cuisines centrales municipales. Un investissement qui, transposé à Marseille, représenterait des dizaines de millions d’euros et des centaines d’agents.

En attendant, les parents d’élèves fourmillent d’attentes sur les dimensions d’éducation au goût, de lien avec les questions d’agriculture, de sensibilisation à l’environnement, de gestion des déchets… “On sait ce qu’on a et, qu’on soit pour ou contre la Sodexo, le système tourne plutôt pas mal. Il s’est même amélioré avec le nouveau contrat, on a 50 % de bio, une part plus importante de produits locaux. Bien sûr qu’on rêve de mieux, mais avec la même sécurité alimentaire”, cadre Frédéric Muraour.

Dans l’immédiat, une partie de la réponse réside dans le dépassement du périmètre de la prestation de la Sodexo. “Tout a été évoqué et la première chose dont on a parlé à ma table d’atelier, c’est les rats et les cafards, le manque de personnel”, glisse Séverine Gil. “Un agent par table, cela permettrait de mieux expliquer d’où vient la nourriture, quel est l’intérêt nutritionnel des repas. C’est le rôle premier des Atsem, l’éducation au goût, le plaisir de manger”, appuie Yannis Darieux. Tout le monde le sait, un restaurant ne se résume pas au contenu de l’assiette.

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Commentaires

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  1. marianne13 marianne13

    “Un restaurant ne se résume pas au contenu de l’assiette” ? Insipide dans le meilleur des cas pour la cantine Sodexo. Donc la communication suppléera la médiocrité gustative et l’impuissance municipale ?
    Ces écoliers (clientèle captive) devront attendre le collège pour des repas plus qualitatifs et moins chers …

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    • Alceste. Alceste.

      Quand ils pourront les prendre . Plus belle la vie est arrétée mais le cinéma des grévistes continue. Pique-niquer au printemps , l’été ou l’automne peut être sympathique , quoique.
      Mais l’hiver , pour les plus modestes pour qui la cantine est souvent le repas complet de la journée , faire grève est odieux.
      Il est où l’intéret des enfants Rué ?
      Les syndicats marseillais ne connaissent que leurs gueules , et tout cela est soit disant de gauche , la CGT en tête.

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  2. MaxMama13 MaxMama13

    Rien n’avancera dans les cantines avec le manque constant de personnel. Pour avoir bossé 17 ans dans une école maternelle du centre-ville, j’ai pu observer les difficultés des ATSEM: salle trop petite donc 2 services (3 en période de covid) d’où personnel dans la cour pour surveiller les enfants avant et après repas, personnels sensés monter les plus jeunes dans les dortoirs pour la sieste (non assuré en cas d’absence car pas ou rarement de remplacement ), déplacement des ATSEM dans d’autres écoles pour compenser le non remplacement, ce qui complique l’organisation de l’école et engendre des risques pour la sécurité des enfants, locaux mal conçus, mal insonorisés, etc. S’il n’y avait que le goût des aliments ! Chantier titanesque.

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    • marianne13 marianne13

      En l’occurrence, le problème réside dans la qualité des repas nutritionnelle et qualitative proposée aux enfants ce qui aura une incidence sur leur santé future.
      Effectivement, si l’on grève à cela le bien être au travail des ATSEM, le chantier devient titanesque …
      Un argument pour justifier l’inaction ?

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  3. Régine HAMZAOUI Régine HAMZAOUI

    Pierre Huguet est allé jusqu’à Milan pour apprécier un service municipal de cantine scolaire?! Il aurait pu faire une visite à 30 km dans la ville de Martigues qui depuis longtemps a mis en place une cuisine centrale qui concerne 31 écoles (13 maternelles et 18 primaires). De quoi alimenter la réflexion à moindre coût!! Non?

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  4. Avicenne Avicenne

    Voilà encore une éducation qui devient du ressort de l’EN : Éducation au goût, mais c’est du ressort des parents tous statuts sociales confondus, que l’école serve aux enfants des repas dignes de ce nom, c’est évident !
    J’ai 70 ans et mon fils est de 81, tous les samedis et dimanches matins, je cuisinais pour la semaine ( je travaillais 1j/2 jusqu’à 20h et le lendemain je reprenais à 5h; mon fils était avec moi et à partir de 3 ans je lui fais goûter tous les légumes crus ( carottes, choux-fleurs, brocolis, champignons, pommes de terre, courgettes, aubergines, ail …) et toutes les herbes ( ( persil, basilic, coriandre, sauge …), idem pour la viande et le poisson, nous nous amusions, il écossait les petits pois, il équeutait les haricots ou les fraises ..et enfin, il goûtait ces produits transformés, ses grands-mères étaient des cuisinières hors pairs donc il a été formé au goût et par la suite, il est devenu un grand connaisseur.
    Que les parents considèrent qu’il soit plus aisé de faire une purée mousseline ou une soupe Liebig est fou !
    L’EN doit , aujourd’hui, leur apprendre le goût, la contraception, le genre, la propreté, les valeurs de La République, le harcèlement, la bonne gestion d’internet… Et les parents que font-ils? ils vont demander des comptes avec plus ou moins de violence à leurs instituteurs, professeurs car les enfants ne sont pas satisfaits des notes, des sanctions …!!
    L’e rôle de l’école n’est pas d’éduquer les enfants mais de les instruire.de leur donner à penser, réfléchir, chercher …
    Chacun sa place !
    Et avant de manger Bio, les enfants doivent aussi manger correctement et bon à la cantine aussi.
    J’ai mangé une fois à la cafétéria de la RTM dans 13 éme, j’avais pris une simple omelette et j’ai fait un œdème de Quick, les œufs n’étaient pas de vrais œufs, c’était un vague liquide jaune clair provenant d’un bidon de 10 L : infâme !

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