Cantines : des produits frais, locaux et bio, c'est possible ?
Cantines : des produits frais, locaux et bio, c'est possible ?
Qu’y aura-t-il pendant les sept prochaines années dans les assiettes des 45 000 écoliers par jour qui fréquentent les cantines marseillaises ? L’attribution, annoncée par Marsactu, de l’intégralité du marché à Sodexo, évinçant son alter ego Avenance qui le partageait jusqu’à présent, assortie d’un engagement de s’approvisionner à 30% en bio (du moins avec une belle astuce sur le mode de calcul : un pain et une pomme, soit deux composantes sur six du repas, font 30%, alors que la part se calcule normalement en fonction du volume ou du prix) ainsi qu’auprès de producteurs locaux, sans que plus de chiffres soient donnés cette fois-ci, lève un coin du voile. Mais il reste encore « beaucoup de questions » pour Laurence Gervais, l’une des parents d’élèves du collectif Changeons la cantine.
En l’absence de communication de la mairie de Marseille – à part une vidéo sur son site de l’adjointe Danielle Casanova dont on vous laisse juger le degré d’information – et des deux concurrents, dans l’attente de la validation du marché par le conseil municipal de lundi, c’est au conseil régional que l’on a pu discuter cantines, avec un menu varié d’intervenants : cuistots, politiques, gestionnaires, proviseurs de lycées, parents d’élèves, paysans…
Pas que le prix du repas
Une réunion en petit comité dans le cadre des Fabriques de la démocratie où Laurence Gervais a pu commenter les premières informations qui ont filtré. Pour le bio, « on ne précise pas la provenance. Et alors qu’il y a quelques mois c’était trop cher, maintenant on en met 30% et le prix a baissé », s’étonne-t-elle. « Ce qui nous inquiète, c’est aussi qu’on centralise encore plus la production », avec une cuisine pour 45 000 repas au lieu de deux.
Bref : « On avait un argumentaire sur les retombées en terme d’économie locale, d’emploi, de santé, mais si on doit reproduire les mêmes schémas que la grande distribution… » Et au-delà du seul prix du repas, « la mauvaise alimentation, cela a un coût. Si l’on internalisait toutes les externalités (diabète, cholestérol) des repas », les comptes des gestionnaires et des élus s’en retrouveraient changés, note Patrice Albert, représentant dans le département de l’Alliance pour la santé. Idem pour les impacts sur la pollution de l’eau, du transport…
Seuls face à Sodexo
Dans un texte mis en ligne sur son blog, le collectif craint également « encore plus de pressions sur les agriculteurs et les fournisseurs locaux, ainsi que sur la Ville, désormais seule face au mastodonte de la restauration collective ». Sur ce dernier point, la capacité de la collectivité à contrôler son délégataire, elle note notamment l’absence d’audit financier et s’étonne, en ce qui concerne le regroupement des deux lots qui existaient jusqu’à présent, qui permettrait de faire des économies (et de fait le prix global a baissé de 800 000 euros par an), que « la ville avait le raisonnement inverse lors du renouvellement précédent de ce contrat » : la délibération expliquait que cette solution avait été écartée car « la concurrence clairement comprise entre partenaires est une assurance de qualité durable des prestations, de recherche constante d’amélioration du service et de mise en œuvre de propositions innovantes ». En tout cas, on devrait de nouveau voir lundi communistes et écologistes réclamer une commission de contrôle, comme ils le font désormais à chaque conseil municipal…
Public-privé, centralisation des cuisines : directrice adjointe du service restauration du conseil régional, Josette Lesieur a tenu à ne pas tout mélanger : « Les sociétés de restauration privées ne sont pas des monstres. La tata qui cuisine en école maternelle n’est pas plus compétente que Sodexo si elle n’est pas bien formée. Et ce n’est pas parce qu’on produit 10 000 repas par jour que l’on fait de la mauvaise qualité. Il faut un cahier des charges bien ficelé et un personnel formé. »
La sécurité sanitaire, et le reste
Qu’en dit René Schaller, son homologue d’Aix-en-Provence, 8 000 repas par jour en régie, et où on est passé il y a cinq ans de dix à une seule cuisine ? « On avait des contraintes économiques, de bâtiments. Une cuisine c’est beaucoup de mètres carrés en centre-ville alors qu’on a peut-être besoin d’allouer ces surfaces à l’enseignement en priorité… Et puis dans une unité centrale vous avez une parfait maîtrise de la réglementation sanitaire. Vous pouvez mettre en place un système de production extrêmement rigoureux. »
Au risque de sacrifier le reste ? « Ce n’est pas le système qui est bon ou mauvais, c’est l’application qu’on en fait. C’est sûr que si vous prenez des produits qui ont déjà passé plusieurs jours au frigo, que vous mélangez avec des produits congelés, de la boîte, de la viande sous vide, que vous cuisinez et que vous servez réchauffé trois jours après ça fait beaucoup… Dans les 20 dernières années, les collectivités ont été contraintes de s’aligner sur la sécurité sanitaire. Effectivement, il y a ceux qui n’ont vu que ça. Et puis il y a celles qui ont continué à avoir leurs cuisiniers, leurs responsables, et qui, tout en satisfaisant l’aspect sanitaire, ont gardé de bonnes pratiques. »
Sauf que, quand il s’agit d’évoquer l’approvisionnement en produits locaux et bio, difficile, à lire le guide très complet édité par le ministère de l’Agriculture en Rhône-Alpes, de ne pas voir dans les cuisines un des éléments déterminants : l’assemblage plutôt que la cuisine et le recours à des produits transformés, avec les conséquences qui vont avec en terme d’équipement et de personnel (nombre et formation), sont de sérieuses barrières à la livraison telles quelles par un paysan du coin de cageots de carottes bio…
Plate-forme
Autre aspect, largement évoqué dans la réunion : la mise en concordance de l’offre et de la demande. Pour favoriser la rencontre, directe ou indirecte, des cantines et des paysans locaux, un site dédié a été mis sur pied en Rhône-Alpes. Président de l’association Filières Paysanne, Jean-Christophe Robert a proposé à Anne-Marie Autant, vice-présidente (Partit occitan) du conseil régional chargée du sujet de mettre en place une « plate-forme ». Avec l’
;idée surtout de « répartir » ou au contraire de « massifier » quand il le faut. « Livrer pour un repas des carottes à telle cantine, pour un agriculteur, ce n’est pas suffisant », explique-t-il. A l’inverse, « quand je commande, c’est par tonnes », indique René Schaller.
Reste que Josette Lesieur se dit « inquiète » que, avec ses 30% de bio, les cantines marseillaises ne « raflent » tout. Pour elle « il faut regarder en concertation la demande, et les terres disponibles ». « Si tout le monde se met au local demain, on n’y arrivera pas. C’est une question de responsabilité. Aujourd’hui, la production locale est tournée vers l’export pas sur l’autonomie alimentaire », confirme Anne-Marie Autant. Une idée qui rejoint la « progressivité » défendue à Marseille par Laurence Gervais en fixant, « au fil de la structuration, des pourcentages de plus en plus élevés ». Progressivité, régularité, prévisibilité : des points sur lesquels le guide rhônalpin insiste pour éviter le phénomène « Un repas 100% bio par mois », forme adoptée jusqu’à présent par la Région, qui coûte plus cher et ne permet à personne de s’organiser.
Mais tout cela serait encore trop facile s’il n’y avait pas les obstacles réglementaires. A Marseille, « la ville peut demander un certain nombre de choses à son délégataire qu’il va mettre en oeuvre dans ses achats, par exemple orienter la quantité de bio, local, parce qu’il n’est pas contraint par la règle des marchés publics, puisqu’il est privé », explique René Schaller. « Nous non, parce que le critère de localité est considéré par les marchés publics et la réglementation européenne comme restrictif de concurrence. » Là encore, le guide édité en Rhône-Alpes présente, sur des dizaines de pages, les méthodes, voire des astuces de certaines communes pour ruser. Et, sous la pression des patrons de cantines et des élus, le ministre de l’Agriculture a promis de faire sauter le verrou pour la rentrée 2011.
Article actualisé le 18 mai pour intégrer l’astuce du mode de calcul des 30% par rapport au nombre de « composantes » et non au volume ou au montant
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Commentaires
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« … le critère de localité est considéré par les marchés publics et la réglementation européenne comme restrictif de concurrence. »
Y a comme qui dirait, une sorte de grosse incohérence, de la part de cette fameuse Europe qui semble n’avoir à la bouche que les moindres coups en matière de pollution ! Et c’est en continuant d’aller chercher nos aliments à Papahiou Les bains, pour sauvegarder la concurrence, qu’on va éviter les 10 milles km en transport polluant, pour ramener une endive dans notre assiette ? On va continuer à manger “exotique”, en ignorant les légumes de saisons ? On va continuer à manger de la merde, parce que ça, tout le monde sait la faire et ça favorise la concurrence ?…
A un moment donné, il va bien falloir choisir clairement entre l’environnement et la santé ou la concurrence, nom d’un chien ! Et les Elus, lundi, on les attend !!! … Même si, il faut bien le dire, de ces bras cassés … on attend plus grand chose …
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J ai lu quelques articles sur ce collectif changeons la cantine. Il fait un super boulot depuis de nombreux mois pour améliorer la qualité des repas servis aux enfants. Respect.
Ils maitrisent mieux le dossier que les élus!
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