Braconnage dans les calanques : petite amende et “stage environnement” pour les revendeurs

Actualité
le 10 Nov 2017
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Pas de procès pour les revendeurs de la pêche des "braco des calanques" mais des amendes allant de 500 à 1500 euros maximum et l'obligation de réaliser un "stage environnement". Une première que ces huit poissonniers, restaurateurs et écaillers vont inaugurer.

Image Lisa Castelly
Image Lisa Castelly

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“C’est comme un stage de récupération des points pour le permis, explique Sophie Bourges, juriste pour France nature environnement (FNE) PACA. Sauf qu’on ne sensibilise pas à la sécurité routière mais aux enjeux écologiques”. Son association a signé le 13 juillet dernier une convention avec le tribunal de grande instance de Marseille pour proposer des “stages environnement” aux personnes ayant commis des infractions à la réglementation du Parc des Calanques. Une première à Marseille que vont bientôt expérimenter les revendeurs de l’affaire dite des “bracos des calanques“.

Jeudi matin, huit restaurateurs, poissonniers et écaillers, dont certains ont pignon sur rue à Marseille, se sont succédés dans le bureau du délégué du procureur de la République. Affiliés à un important réseau de braconnage d’espèces marines dans le Parc des Calanques, ils étaient convoqués dans le cadre d’une “composition pénale”, procédure simplifiée qui permet d’éviter un procès. Le 4 juillet prochain, ces revendeurs ne seront donc pas jugés aux côtés des quatre braconniers qui leur ont vendu des oursins ramassés dans des zones protégées ou polluées, des espèces protégées, comme les mérous ou corbs, chassées au harpon, ou encore des loups, dorades, dentis et poulpes “tirés” au beau milieu du Parc. Non, les revendeurs devraient pouvoir passer à autre chose beaucoup plus rapidement en bénéficiant de “l’approche pédagogique” proposée pour la première fois par le parquet.

Mesures alternatives aux poursuites

“Cette procédure permet d’éviter une audience avec beaucoup de monde, qui nécessiterait plus d’une journée, indique-t-on du côté du parquet. Nous avons choisi de nous concentrer sur les braconniers, ceux qui portent directement atteinte à l’environnement.” Une décision pour laquelle la compagnie de gendarmerie maritime semble aussi avoir opté. Selon certains mis en cause dans ce dossier, plusieurs revendeurs seraient passés entre les mailles du filet pendant l’enquête préliminaire. “Nous n’avons pas systématiquement remonté la chaîne jusqu’aux restaurateurs”, confirme une source proche du dossier.

Les huit revendeurs cités dans l’enquête sont ressortis du bureau du procureur délégué avec une amende qui s’étalonne entre 500 et 1500 euros en fonction du degré d’implication dans l’affaire ainsi qu’une convocation pour un “stage de sensibilisation à la préservation de l’environnement comme mesure alternative aux poursuites.”

“Le stage coûte 450 euros”, détaille l’un des poissonniers à l’issue de son entrevue avec le procureur délégué qui a duré “13 minutes montre en main”. “Je ne sais pas en quoi ça va consister. On verra bien, j’attends de recevoir les papiers”, bredouille, perplexe, cet ancien pêcheur qui ne se préoccupe pas encore de la préservation de l’environnement. “Je n’allais pas demander à Stéphane [l’un des braconniers, ndlr] où il a pêché les oursins. Et à quelle heure. Et dans quelles conditions, maintient-il. C’est mon ami, il a fait des magouilles, mais moi je ne trouve pas que j’ai fait quelque chose de mal”, ajoute-t-il tout en reconnaissant avoir acheté la marchandise issue de cette pêche illégale en connaissance de cause.

Un après-midi dans le Parc

Dans quelques jours, ce poissonnier, qui a accepté la proposition du parquet et ainsi évité un procès, recevra donc des informations concernant ce “stage environnement”. FNE l’organise en partenariat avec le Parc des calanques et il est réservé uniquement aux personnes ayant commis des infractions dans l’enceinte de ce territoire protégé. Il s’agit d’une journée divisée en deux parties. “Une matinée consacrée au rappel de la réglementation du Parc puis, un après-midi sur le terrain pour présenter la biodiversité marine du Parc, rend compte Sophie Bourges. Selon la juriste, ces “stages environnement” ont déjà montré leur efficacité : cela limiterait la récidive notamment en région Rhône-Alpes où ils sont mis en place pour sanctionner l’utilisation de véhicules motorisées dans des zones boisées.

Pour les personnes ayant commis des infractions, et outre le fait qu’ils permettent d’éviter un procès, ces stages sont aussi avantageux financièrement. Les trois revendeurs qui ont répondu à Marsactu les ont tous accepté. “Cela leur permet de bénéficier d’une amende minorée. Financièrement ils ont tout intérêt à accepter”, reprend la bénévole de France nature environnement dont l’association récupérera par ailleurs la somme versée par le participant. Dans cette affaire de braconnage dans les calanques, FNE est également partie civile.

Opposés devant la justice et vivant souvent dans deux mondes différents, les défenseurs de l’environnement et les revendeurs de la pêche illégale seront donc amenés à se rencontrer prochainement. “Franchement, il y a plus grave que ce que j’ai fait. Et puis ici à Marseille, c’est une tradition de pêcher n’importe où”, s’agaçait l’un de ces revendeurs-pêcheurs après son passage devant le parquet. La rencontre entre ces deux mondes que tout oppose risque d’être cocasse.

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Commentaires

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  1. Bibliothécaire Bibliothécaire

    La fin de l’article montre bien qu’ils ne comprendront qu’une amende importante…

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    “A Marseille, c’est une tradition de pêcher n’importe où.” Waouh ! Ca fait longtemps qu’on n’avait pas évoqué la “tradition” locale, celle qui permet de s’asseoir sur la loi en toute bonne conscience.

    Il est vrai qu’avec une amende située entre 500 et 1500 euros, la “tradition” a probablement encore un peu d’avenir. J’ai un petit regret, en dehors du caractère pas du tout dissuasif de ce montant : une condamnation à l’affichage du jugement sur la porte d’entrée de chacun des établissements concernés et à sa publication dans les journaux locaux aurait peut-être favorisé une prise de conscience qui semble encore lointaine.

    Le choix de se “concentrer sur les braconniers, ceux qui portent directement atteinte à l’environnement” est tout à fait discutable : s’il n’y avait pas d’acheteur, il n’y aurait pas de braconnier. La responsabilité directe de l’atteinte à l’environnement est pour le moins partagée.

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  3. LaPlaine _ LaPlaine _

    Pêcher n’importe où, se garer n’importe où, jeter ses déchets n’importe où, installer ses terrasses n’importe où…c’est beau les traditions… c’est le petit cachet local…

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  4. neomars neomars

    Pecher n’importe où …
    à la sortie des égouts,
    la nuit depuis le haut de la corniche au chaud dans sa voiture moteur allumé,
    dans les réserves, là ou il “repousse” du poisson parce qu’on interdit de pêcher n’importe où,
    où au pole nord quand on aura vidé la mer près de chez nous
    … d’où je viens et où je suis je le revendique mais où je vais, je m’en fous !

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  5. barbapapa barbapapa

    Avec des peines comme ça, c’est comme si on leur disait “allez-y, recommencez !”

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  6. corsaire vert corsaire vert

    c’est d’ailleurs ce qu’ils vont faire , recommencer ! Quant à moi je boycotte les commerçants connus et si effectivement leur liste paraissait dans la presse locale ce serait aussi “la tradition ”
    La seule façon de les calmer c’est de toucher à leurs intérêts .

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  7. CLG CLG

    Inacceptable en effet que ces commerçants et restaurateurs ayant profité de ce trafic ne soit pas connus du grand public.
    Si le juge statue au nom du peuple et que de plus, dans le cas d’une atteinte à l’environnement, la collectivité entière à subit un préjudice pourquoi protéger les acheteurs ? Que dit la loi à ce sujet ?
    Cela me paraît étonnant et révoltant.
    Si tout cela était rendu public, chaque consommateur serait informé en son âme et conscience et boycottera surement ces acheteurs. Seul moyen efficace de stopper ces trafics car en effet les amendes sont bien minimes.

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