Bousquet, Gilot, Lacourt, Meynard : les 4 mousquetaires marseillais sur le toit de l'Europe

« 11 médailles sur 21″. Forcément à Marseille, on exagère toujours un peu. Bon le vrai chiffre, c’est 8 médailles obtenues cette semaine en Hongrie, aux Championats d’Europe .Le relai 4 X 100 mètres 4 nages, même si 3 nageurs sur les 4 étaient marseillais, ça compte pour une médaille, pas pour 3. Ca n’empêche que la performance est exceptionnelle pour le Cercle des Nageurs de Marseille, le club de la plage des Catalans où nagent les « 4 mousquetaires » marseillais : Camille Lacourt ( 3 médailles d’or en 50 et 100 mètres dos, et sur le relais 4 nages), Frédéric Bousquet ( or au 50 mètres nage libre et au relais 4 nages, argent au 50 mètres papilllon), Fabien Gilot ( or au relais 4 nages et bronze au 50 mètres ) et William Meynard (argent au 4 100 et bronze au 100 mètres). Les autres grands clubs français sont loin derrière comme Lagardère Paris Racing ou Antibes, avec 2 médailles chacun. L’occasion de faire le point à la veille de son départ avec l’actuel Directeur Général du Cercle des Nageurs, Jean-François Salessy.

Marsactu : « Après ce formidable succès pour le Cercle des Nageurs, peut-on dire qu’il y a une école marseillaise de la natation ? »

Jean-François Salessy :  l’école marseillaise c’est d’avoir su donner des valeurs collectives, des valeurs de groupe à un sport par nature très individualiste. La meilleure illustration en est certainement la victoire historique du 4 X 100 mètres, 4 nages. Dans l’eau c’est une bande de potes qui a nagé,  Bousquet, Gilot, Lacourt. Sans oublier Hugues Dubosq bien entendu, même si il n’est pas dans le même club. C’est peut-être ce qui a manqué au 4 X 100 mètres nage libre, où la France a terminé à la deuxième place, Alain Bernard réalisant un mauvais temps. C’est pourquoi nous avons cru à la victoire quand nous avons su que nos 3 marseillais seraient dans le relais. Composer un relai ce n’est pas additionner les meilleurs chronos, c’est aussi prendre en compte une certaine cohésion, les américains et les russes l’ont compris depuis longtemps. Fabien, Camille et Fred, ils se voient tous les jours, ils nagent ensemble, ils vivent ensemble. Cet esprit de groupe, on le doit à notre entraineur Romain Barnier. Il a été formé aux méthodes américaines, à Hoburn dans l’Alabama, là où s’entraine également Frédéric Bousquet la moitié de l’année. Aux Etats-Unis, la natation de haut niveau se fait dans un cadre universitaire, sur des campus. Le collectif est donc fondamental, c’est ce que Romain a su importer à Marseille.

Marsactu : « On entend beaucoup plus parler du Cercle des Nageurs pour le Water Polo, qui domine depuis des années le championnat de France, que pour ses nageurs pourquoi ? »

JFS : En réalité le CNM revient de loin. Il faut savoir qu’en 2005, par exemple, nous envoyions 25 nageurs au Championnat de France et nous rentrions bredouille… Après l’effondrement de la toiture de notre piscine olympique, suite à une tempête et puis un certain nombre de péripéties financières et techniques, nos nageurs ne pouvaient pas vraiment bien s’entrainer. Ils devaient fréquemment changer de bassin. Et pour gagner, les nageurs ont besoin de repères, de stabilité. C’est moins vrai pour le Water Polo, où le Cercle a pu continuer à s’entrainer dans d’autres bassins à Marseille. D’ailleurs pendant cette période noire pour le club, entre 1996 et 2005, le CNM est tombé à la 25 ième place dans le classement des clubs français en natation, alors que dans le même temps, on est passé de la première à la seconde place en Water Polo. Après avoir reconstruit notre toit, il a fallu reconstruire l’équipe. C’est là que sont arrivés Romain Barnier et Frédéric Bousquet. Et l’histoire a commencé à se réécrire. C’est ça aussi le Cercle. Bousquet est aujourd’hui sous les projecteurs, mais il a aussi été là dans les heures plus difficiles.

Marsactu : « Sans doute, mais il y a aussi des épisodes moins glorieux comme le départ d’Alain Bernard, après que vous ayiez licencié son entraineur, et vous avez à nouveau eu un problème récemment avec Maxime Corniller , l’entraineur de Frédéric Bousquet, qui vient de vous attaquer aux Prud’hommes ? »

JFS : En ce qui concerne Maxime Corniller je ne souhaite pas m’exprimer car une procédure est en cours. Il n’entraine plus Frédéric, nous lui avons proposé autre chose, il a refusé, il nous attaque, on verra. Pour Alain Bernard, dont j’ai été très proche, ça a, là aussi, été une vraie rupture. Je crois que nous avons fait notre possible pour le retenir, nous étions en conflit avec son entraineur, la situation était compliquée. Je ne regrette rien.

Marsactu : « JT de TF1, de France 2, une de magazines… Cette nouvelle médiatisation des nageurs du Cercle ne risque t-elle pas de leur nuire ? »

JFS : Franchement, je n’y crois pas. Dèjà cet engouement est une bonne chose. Vous savez quand vous nagez toute l’année 6 jous sur 7, 5 heures par jour, sans compter la musculation, c’est pas mal que vous puissiez avoir ce type de satisfaction, ce type de reconnaissance. C’est bien d’être aussi de temps à temps sous la lumière, croyez moi ils le méritent. Vous ne pouvez pas savoir ce que cela représente comme efforts, comme abnégation pour pouvoir en arriver là où ils sont aujourd’hui. Ils vont sans doute poser pour des campagnes de publicité, signer de nouveaux contrats commerciaux. Tant mieux qu’ils en profitent. Et puis au Cercle, c’est une famille, on sera toujours là pour les protéger. Et d’ailleurs je peux vous dire qu’ils n’ont rien changé à leurs habitudes. Je viens d’avoir un appel de Fabien Gillot qui me demandait comme chaque année si il pouvait emprunter le mini bus du Cercle, pour pouvoir partir avec Camille la semaine prochaine en vacances, pour aller faire du surf et camper dans les Landes. On est loin des joueurs de foot.… ( message personnel à nos lectrices, si vous vous engagez à lire marsactu tous les jours et à cliquer sur nos bandeaux publicitaires, nous pourrons vous donner l’adresse du camping…)

Marsactu.fr : « Justement en parlant de Foot-ball, ces médailles vont elle pouvoir permettre que le sport à Marseille ne se résume pas qu’à l’OM ? »

JFS : « Il ne faut pas rêver. La natation est sous le feu des projecteurs, tant mieux. Mais ils s’éteindront aussi vite qu’ils se sont allumés. Qui s’intéressait aux Championnats d’Europe de natation au début de la semaine dernière ? C’est vrai que les audiences de France Télévision ont été bonnes. Mais ne nous emballons pas. La crise économique est toujours là qui freine l’investissement des sponsors. Les collectivités locales doivent aussi serrer les boulons, y compris dans le domaine sportif. Il faut savoir que sans le soutien de notre sponsor Groupama, nous n’aurions pas pu garder Frédéric Bousquet l’an dernier à Marseille. Je pense également à LPG et Onet qui eux non plus ne nous ont jamais lâchés. Peut-être que notre grand projet, qui serait d’organiser un jour des championnats d’europe où du monde à Marseille, se concrétisera un jour. Pour
cela, il nous faudrait construire un autre bassin olympique de 50 mètres, c’est obligatoire. Pourquoi pas à la place de l’usine Giraudon sur la plage des Catalans, si le projet d’hôtel ne se fait pas ? On pourrait sinon mettre des bassins mobiles, sur les plages du Prado aussi. J’espère très sincèrement que ces médailles marseillaises pourront servir à faire avancer tout ça. Mais il n’y a pas que le Cercle des Nageurs. Il n’y a pas assez de structures pour les jeunes à Marseille. On va encore devoir refuser des enfants à l’école de natation à la rentrée, on manque de place. C’est pareil pour l’ASPTT, Marseille Nord et le Celtic. Il faut aider tous ces clubs. Et puis l’an prochain il y a les championnats du monde, et en 2012 les JO de Londres, le grand rendez-vous de notre team marseillaise. On devrait encore souvent entendre « parce que Marseille » le cri de guerre de nos nageurs.

Le site internet du Cercle des Nageurs

Derrière le succès français à Budapest, celui du Cercle des Nageurs à Marseille par l’AFP