Retour sur les permis de louer de Gardanne et Châteaurenard avant son test à Noailles

Actualité
le 26 Sep 2019
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Expérimenté à Marseille, à partir du 15 octobre, dans le quartier de Noailles, la mesure est mise en place depuis plusieurs mois à Châteaurenard et Gardanne. Deux villes confrontées, dans leur centre ancien, à un parc locatif vieillissant.

Photo : Violette Artaud
Photo : Violette Artaud

Photo : Violette Artaud

Pour lutter contre l’insalubrité de certains logements, deux villes des Bouches-du-Rhône testent depuis déjà plusieurs mois le permis de louer. Issu de la loi ALUR de 2014, ce dispositif oblige les propriétaires à demander une autorisation préalable de mise en location d’un bien, l’objectif étant de les inciter à faire des travaux si nécessaire.

Presqu’un an après les effondrements de la rue d’Aubagne, Marseille s’apprête à en faire de même dans le quartier de Noailles. À Châteaurenard (15 000 habitants), première commune du département a avoir sauté le pas, en avril 2018, le dispositif a été mis en place dans le périmètre du centre ancien. À Gardanne (20 000 habitants), la municipalité expérimente la mesure depuis un an dans les petites surfaces du centre-ville, celles qui posent “le plus de problèmes” en terme d’insalubrité, explique Nathalie Nerini, adjointe déléguée à l’urbanisme. Il n’est pas rare, dit-elle, que des propriétaires louent des garages transformés en appartement, ou des surfaces inférieures à 9 m2 à plus de 300 euros par mois.

Côté chiffres, Châteaurenard a enregistré, en 2018, 84 demandes de propriétaires bailleurs louant pour la première fois leur logement ou s’apprêtant à changer de locataires. Trente-neuf ont été accordées après une obligation de travaux. Pour 2019, la municipalité en est déjà à 64 dossiers, un tiers ayant reçu un avis favorable après la visite de la Soliha, le prestataire choisi pour effectuer les contrôles. Trois dossiers ont été rejetés. Deux propriétaires se sont engagés à effectuer des travaux alors que le troisième “continue de louer son logement”, affirme l’adjoint à l’urbanisme, Michel Lombardo, qui a donc fait un signalement à la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM). Depuis, l’adjoint assure ne pas avoir eu “de nouvelles”. Quant au signalement que la municipalité est censée faire auprès de la CAF et des impôts, Michel Lombardo renvoie la balle à la DDTM. “Dans notre procédure, c’est à eux de s’en occuper.

Du côté de la préfecture, on confirme avoir été saisi du cas de remise en location : “La vérification de la matérialité des faits est en cours et le cas échéant pourrait donner lieu à mise en demeure des propriétaires et astreintes administratives. Il s’agit d’une procédure nouvelle dont la bonne fiabilisation est nécessaire pour sa première mise en œuvre dans les Bouches-du-Rhône”.

À Gardanne, Nathalie Nerini pensait “recevoir davantage de dossiers” mais elle a finalement constaté qu’il y avait peu de nouvelles entrées de locataires dans sa commune. Ainsi, son service a traité, depuis avril, 44 demandes. Seuls deux logements ont nécessité des travaux pour chasser, dans l’un, de la moisissure, dans l’autre, des cafards. Dans cette ville, “certains propriétaires ont vu arriver cette mesure d’un mauvais œil, ils étaient choqués qu’on puisse bloquer la location d’un bien, rapporte l’adjointe à l’urbanisme. Mais la population s’est appropriée le dispositif”. La preuve, il y a quelques jours, Nathalie Nerini a reçu un courrier dans lequel un administré dénonçait les conditions de logement d’un voisin.

Un dispositif “facile à comprendre”

Dans ces deux villes, pour obtenir le permis de louer, le bailleur doit remplir un dossier et accepter une visite de contrôle avant d’obtenir une réponse dans un délai d’un mois. À Gardanne, passé ce délai, le propriétaire peut mettre son bien en location sans autorisation. “On envisage d’y remédier car cela pose des problèmes s’il y a des travaux à effectuer et un locataire déjà en place”, admet Céline Delous chargée du permis de louer  au service urbanisme.

À Châteaurenard, l’absence de diagnostic technique prévu par la loi – à savoir le diagnostic énergétique, le contrôle des installations électriques et au gaz et celui du plomb – n’entraîne pas un refus de permis. Dans le cas contraire, “il y aurait une levée de boucliers des propriétaires, lance Michel Lombardo, adjoint à l’urbanisme. Et il faudrait au moins cinq personnes pour étudier les dossiers” contre une seule aujourd’hui. “Le permis de louer est avant tout un dispositif supplémentaire qui nous permet de pénétrer dans un logement et de voir son état”, fait valoir l’élu.

Si le permis de louer est une mesure pertinente et “facile à comprendre pour l’opinion”, il est loin d’être “l’alpha et l’omega de la lutte contre l’habitat indigne mais un outil parmi d’autres”, prévient Florent Houdemon, directeur régional de la fédération Abbé Pierre. En effet, “il ne touche que les nouveaux biens mis à la location, il ne peut donc rien contre les taudis loués depuis dix ans”.

“De manière générale, c’est un outil intéressant mais il faut des moyens d’intervention. Il doit accompagner les petits propriétaires honnêtes et à faibles moyens qui ont des travaux à effectuer mais qui n’ont pas les moyens de les faire. Dans le cas contraire, il risque d’augmenter la vacance. Et on sait qu’un bien vacant se dégrade vite.”

Selon Thierry Moalic, directeur de l’Adil, agence spécialisée dans le droit au logement, les professionnels de l’immobilier sont d’ailleurs favorables au permis de louer après “s’être heurtés pendant plusieurs années au refus des bailleurs d’effectuer des travaux”.

“Ce n’est pas toujours facile”

À Châteaurenard, où la municipalité a créé en 2011 un pôle logement, le permis de louer a été mis en place comme “complément à différents outils”, précise Michel Lombardo. À commencer par l’opération programmée d’amélioration de l’habitat et de renouvellement urbain (OPAH RU). Lancé en mars 2017, ce programme permet de verser des aides conséquentes à des propriétaires bailleurs et occupants – par définition non concernés par le permis de louer – pour effectuer des travaux dans leurs logements, l’objectif étant de réhabiliter 205 logements en cinq ans pour un montant de 5 millions d’euros.

À Gardanne, la municipalité propose aux petits propriétaires de faire appel au programme d’intérêt général (PIG) “Mieux habiter, mieux louer”. Ce dispositif lancé pour une durée de trois ans, permet, lui aussi, à des propriétaires bailleurs ou occupants d’obtenir en fonction de leurs revenus des aides directes afin de financer 25 % à 80 % des travaux. En échange, le bailleur s’engage à plafonner son loyer pour une durée de neuf ans.

Ces moyens d’intervention portent-ils vraiment leurs fruits ? “Ils permettent d’éradiquer le logement insalubre”, veut croire Nathalie Nérini. “Ce n’est pas toujours facile avec les propriétaires bailleurs car beaucoup n’habitent pas sur la commune et ils ne sont donc pas forcément au courant des dispositifs, déplore Michel Lombardo. Quant aux propriétaires âgés, ils hésitent à faire la démarche.” Instauré récemment dans le département, le dispositif a besoin d’être accompagné et porté politiquement pour vraiment convaincre.

Actualisation le 26 septembre à 10 heures : ajout de la réaction de la préfecture.

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Commentaires

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  1. kukulkan kukulkan

    un beau nouvel outil !

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