Benoît Payan et Martine Vassal scellent leur désaccord sur l’aide départementale à Marseille

Benoît Payan, maire de Marseille, et Martine Vassal, présidente du département. (Photos : ML et CBy)

Chicayas épisode… On se perd dans les rebondissements de cette série qui s’étire comme un mauvais soap opera. Ce jeudi 29 février au soir, le cadre est posé : le palais du Pharo, à quelques mètres de là où le président a prononcé ce mot, en septembre 2021. Il venait présenter le plan Marseille en grand et demandait aux collectivités locales de se mettre en ordre de marche, en faisant fi de la séquence électorale tendue des municipales un an auparavant.

Trois ans plus tard, rien n’a changé. Le soleil se couche sur Marseille et une haie d’honneur de policiers municipaux a été formée pour accueillir le président du Sénat en visite dans la Ville. Le maire (divers gauche) Benoît Payan est sur le perron mais ce n’est pas pour accueillir Gérard Larcher. Il a convoqué la presse en catastrophe pour commenter un communiqué du département, tombé un peu plus tôt.

Refus de main tendue

La présidente Martine Vassal (divers droite) y écrit : “C’est avec regret que je constate que la main que j’avais tendue au nom du département dans l’intérêt de Marseille et des Marseillais a été refusée par Benoît Payan“. L’après-midi à 15 heures, le maire de Marseille avait rendez-vous au bateau bleu, l’hôtel du département qui domine Saint-Just. Le chemin est connu. Avant lui, Jean-Claude Gaudin l’a fait deux fois : en 2012, sous la présidence de Jean-Noël Guérini pour 100 millions d’euros. Puis en 2016, alors que Martine Vassal vient de lui ravir le département à la gauche, celle-ci octroie 200 millions supplémentaires. Ceux-ci n’ont pas fini d’être dépensés.

Ce jeudi 29 février, la rencontre doit mettre un terme à une séquence, débutée le 16 février dernier, jour du conseil municipal. Le matin même, La Provence publie une interview de la présidente du conseil départemental. Elle y fustige Benoît Payan, accusé de ne pas répondre à ses sollicitations d’aide aux communes, réitérées à plusieurs reprises, et restées, dit-elle, lettre morte. Elle reprend ses propos dans l’hémicycle et propose ses propres projets. Benoît Payan lui répond qu’une réponse lui a été faite, qu’une liste existe et a été envoyée au département, “pour plus de 371 millions d’euros d’investissement“.

Martine Vassal crie au menteur, publie un communiqué, affirme ne jamais avoir reçu de liste. Les versions s’opposent, dans un débat stérile, à base de tampons, de courriers reçus, ou pas, de pièces jointes absentes. Quelques jours plus tard, nouvel entretien, dans La Marseillaise cette fois-ci, et la date du 29 tombe.

Le maire s’y rend avec des membres de son cabinet et de la haute administration. En face, Martine Vassal est accompagnée de conseillers et de la directrice du service chargée du soutien à l’investissement communal. Le maire est venu, dit-il, avec la fameuse liste, brandie en conseil municipal. “Elle détaille l’ensemble des investissements sur lesquels nous souhaitons l’aide complémentaire du département, explique son entourage. Elle est basée sur les critères de l’aide aux communes.” On y trouve des investissements dans la sécurité, les édifices publics, les écoles… Avec deux colonnes, pour l’aide minimale et l’aide maximale. Celle-ci est à 371 millions. Le clan Payan affirme que la réunion a permis d’entrer dans le détail des projets. Une version que réfute donc l’entourage de Martine Vassal.

Benoît Payan n’en démord pas. “Cela ne veut pas dire que je refuse les 200 millions, pas du tout. Quel maire ferait ça ? Bien sûr que je les prends. Mais il s’agit de l’argent des Marseillais. Ils ont droit d’être traités avec équité. Je veux le droit commun. Martine Vassal voudrait que j’accepte la même somme que Jean-Claude Gaudin, en 2015. Mais les choses ont évolué depuis. Et ces millions, ce ne sont pas les siens. Pourquoi les Marseillais devraient-ils avoir moins que les habitants d’Aurons ou de Saint-Marc-Jaumegarde ?”

Aide aux communes par tête de pipe

Pour déterminer ce montant de 371 millions, le cabinet Payan a fait un calcul au prorata par habitant. L’arithmétique n’est pas exempte de politique. En faisant cela, il pose en référence l’analyse de la chambre régionale des comptes. En 2022, dans son rapport d’observation, celle-ci invitait le département “à davantage orienter son soutien à l’investissement local selon une politique de redistribution fondée sur des critères de solidarité territoriale“. Il prenait alors comme base un calcul par habitant, en comparant les 170 euros perçus par les Marseillais et les 2611 euros de Gignac-la-Nerthe.

“La chambre régionale des comptes pense ce qu’elle veut, j’ai été élue et réélue démocratiquement à la tête du département, répond Martine Vassal, interrogée par Marsactu. Quand j’aide à construire une école à Aurons, bien entendu que cela fait augmenter l’investissement par habitant puisque le village est petit. Mais une école coûte le même prix, à Aurons ou à Marseille. Tout ceci est un double langage. Benoît Payan ne veut pas de ces 200 millions et j’en suis très triste car c’est la ville où je suis née et où, depuis trois ans, rien ne se fait“.

Une affaire de communiqué commun

Ensuite, c’est version contre version. Benoît Payan a, dit-il, “les bras qui  lui en tombent“. Il affirme au contraire que la réunion a été constructive, que les deux bords se sont quittés satisfaits. “Nous devions même rédiger un communiqué commun, actant les échanges fructueux“, dit-il en faisant les cent pas dans les salons du Pharo. Il feint un peu la colère, surjoue le désespoir : “Quand allons nous sortir de cette boue ?” Il demande à son chef de cabinet de produire le mail qui comprend le texte du communiqué. Le smartphone est brandi. “Le mail est parti à 17 h 38“. Il parle effectivement d’échanges fructueux, sans mentionner de sommes, ni 200, ni 371. Un rendez-vous entre techniciens est acté pour le jeudi suivant.

“Et ensuite Martine Vassal m’a appelé pour parler du communiqué commun.” Il montre l’écran de son téléphone et note “les 17 minutes de conversation“. L’objet ? “Elle voulait que je dise que j’acceptais les 200 millions, j’ai refusé“, dit-il. De son côté, Martine Vassal reconnaît le coup de fil et confirme sa teneur : “Mais qu’il accepte les 200 millions et qu’il les dépense en trois ans. Commençons par là et nous verrons ensuite, pour le reste“.

Le refus s’acte là. Il n’y aura pas de communiqué commun. Pas de photo, pas de contrat signé. Pas tout de suite, en tout cas. “J’ai toujours la main tendue. Je sollicite un nouveau rendez-vous”, affirme le maire. “C’est sans cesse le double discours, les Marseillais en ont marre, sabre Martine Vassal en réponse. Marseille est à la dérive. C’est très triste“. Ils ont tous les deux la main tendue. Et le regard  tourné vers les prochaines élections.