Aux pieds du château de Cassis, la Ville cède la villa Mauresque
Sur les sommets de Cassis, la villa Mauresque, une bâtisse du début du XXe siècle s'apprête à passer des mains de la municipalité à celles des propriétaires du château voisin. Ces derniers comptent la raser pour en faire des chambres d'hôtes. Un projet qui n'enchante pas tout le monde.
La villa Mauresque, perchée au-dessus de Cassis (Photo: Elhia Pascal-Heilmann)
Située sur les collines de la ville et mitoyenne du château de Cassis, la villa Mauresque domine la baie et capte le regard des cassidains installés sur les rives du port de plaisance. Depuis le centre du village, on y accède par la rue de l’Arène et la sinueuse traverse du Vieux Château. Faisant fi de l’imprenable vue, les hauteurs présentent un contraste saisissant entre cette vieille demeure en ruine dont l’entrée est cadenassée et la rutilante bâtisse hôtelière du château. Bâtie au début du XXe siècle par Edouard Antoine Montgomery, un architecte américain épris de Cassis, la villa Mauresque passe de main en main depuis le décès de son premier propriétaire en 1943. Propriété communale depuis 1979, date du rachat sous le mandat de Gilbert Rastoin, l’édifice est désormais décati et fermé au public.
Après un projet avorté en 2015 suite au recours d’un particulier, la municipalité de Cassis et sa maire Danielle Milon envisagent aujourd’hui de se défaire à nouveau de la villa. L’édifice est sur le point d’être cédé aux actuels propriétaires de l’hôtel voisin. Ces derniers envisagent de la détruire pour y agrandir leur établissement. Un projet qui fait dissensus au sein du milieu politique local.
Chambres d’hôtes et parking souterrain
“Cette villa est un décor de théâtre qui tient debout avec des bouts de bois. À la fin des années 1990 il était encore possible de faire quelque chose mais aujourd’hui on ne peut plus garantir la sécurité”, défend Danielle Milon, qui avait fait de la vente de l’édifice une promesse de campagne. La disparition du triste monument permettrait, d’après le projet décrit dans la délibération du 7 juillet 2020, la construction de nouvelles chambres d’hôtes ainsi qu’un parking souterrain. En outre, la maire considère la vente pour 1,5 million d’euros de la bâtisse comme une occasion pour la commune de récupérer l’intégralité de l’espace vert situé en contrebas et appartenant jusqu’alors en grande partie aux propriétaire du château. En friche et en proie aux herbes hautes, les oliviers centenaires se disputent l’espace auparavant réservé au sinueux chemin municipal. Pour remédier à l’envahissement, la délibération du 7 juillet mentionne en effet la création d’une zone ouverte à tous à cet endroit, grâce à l’obtention d’un prêt à usage de 25 ans.
Pour Marion Feraud, de la direction des espaces naturels et urbain et en charge de la gestion de la villa Mauresque depuis 2014, “Cassis manque d’espace vert, alors réhabiliter cette ruine et travailler sur ce projet de parc public est à la fois bénéfique aux cassidains et aux touristes”. Si ce prêt à usage n’implique pas de contreparties financières, la Ville s’engage à défricher l’espace puis à l’entretenir. Durant les 25 ans du prêt, les propriétaires du château auront la jouissance de l’accès au parc. Et ensuite ? “Dans 25 ans, on verra”, ne s’avance pas Marion Feraud.
“Un sonnet au milieu de la figure”
Si la municipalité avance l’intérêt public pour les cassidains, un camp d’opposition affiche sa ferme détermination à voir le projet une nouvelle fois avorté. “Ce prêt à usage est un sonnet au milieu de la figure, ce sont de belles promesses mais dans 25 ans le Château récupérera tout”, s’oppose Jean-Pierre Teisseire, maire de la ville entre 1995 et 2008. L’ancien élu qualifie d’opaque la procédure de vente et compte saisir le tribunal administratif pour obstacle à la concurrence qu’il considère comme un vice de procédure.
De leur côté, les services de la mairie expliquent n’avoir pas jugé nécessaire de soumettre d’appel à projet, “l’acquéreur restant inchangé” par rapport à 2015. À travers ce recours l’ancien maire fustige une gestion financière et patrimoniale de la ville “scandaleuse”. “On ne comble pas les trous financiers de la commune en sacrifiant une partie de son patrimoine pour le tourisme. Cassis est une ville qui a besoin de vivre par elle même et pas seulement pas ses touristes”. Attaché a cette villa, il avait tenté durant sa mandature de racheter le château et la parcelle verte afin d’en faire un espace municipal.
Intérêt patrimonial moindre
Jean-Paul Giraud, installé à Cassis, est lui aussi proche de l’opposition au conseil municipal. Le 8 juillet, il a lancé une pétition aux quelques 300 signataires afin de “protéger Cassis et son patrimoine” et “sauver la villa Mauresque”. Opposé à une quelconque revalorisation touristique, le cassidain craint de voir “un site fabuleux transformé en baraque à frite”. S’il dépeint la bâtisse comme un “élément majeur de l’histoire, du patrimoine et du paysage de Cassis”, Jean-Paul Giraud avance aussi le “mauvais état” de l’édifice et soutien l’ouverture d’un débat citoyen quant à la restauration du lieu en espace culturel. “Impossible”, répond la maire qui indique avoir prévu l’ouverture d’une aire culturelle dans l’usine à fer du Bestouan. Marion Feraud et Bernadette Bonnard, représentante de Malsa consultants limited, propriétaire de l’hôtel, dénoncent elles une “attaque infondée et incompréhensible”. Pour celle qui est chargée de l’urbanisme, il s’agirait “d’une tentative déguisée de coup politique de l’opposition. Les faits avancés ne sont pas factuels comme le montre les avis de la DRAC [direction régionale des affaires culturelles, ndlr]“.
Le lieu et le projet de réaménagement font en effet l’objet d’un suivi régulier des services de l’État depuis la fin des années 1990. Avant de procéder à la mise en vente de l’espace mitoyen d’un domaine classé et en co-visibilité avec le bâtiment historique de la mairie, l’architecte des Bâtiments de France et les services de la DRAC se sont prononcés sur l’intérêt patrimonial du site. “La qualité architecturale de cette villa semble difficilement pouvoir justifier dans l’immédiat, d’une protection au titre des monuments historiques”, écrit la direction régionale des affaires culturelles dans un avis adressé au maire de l’époque dès 1996. Avis que les visites des architectes des bâtiments de France réitèrent en 2015 et en 2019 en précisant que les bâtiments sont “récents et de mauvaise construction”. Et donc, non susceptibles d’être conservés.
Jean-Paul Giraud a conscience de l’état de délabrement de la villa Mauresque. Mais ce dernier veut croire qu’il est possible de sauver cette bâtisse qu’il prend plaisir à voir dans le paysage depuis de longues années. Inquiet par le projet immobilier qui doit la remplacer celui qui est par ailleurs ancien directeur de cabinet du président de la communauté urbaine dit vouloir s’engager dans un recours à la délibération qui l’acte. Bertrand Mas-Fraissinet, leader de l’opposition à la mairie de Cassis s’est également positionné contre le projet lors du conseil municipal du 7 juillet. Comme Jean-Paul Giraud et Jean-Pierre Teisseire, il reste circonspect quant à ce nouveau projet touristique et dénonce dans un communiqué un projet impliquant “des travaux conséquents sans aucun espoir de retour sur investissement. De son côté, Jean-Pierre Teisseire se dit prêt à soutenir le pétitionnaire. Amer, l’ancien maire redoute une recrudescence de “l’envahissement touristique”. D’après les chiffres de l’office du tourisme, Cassis compte près de 16 hôtels, 23 maisons d’hôtes et 600 meublés touristiques déclarés. Les services de la mairie se disent eux optimistes quant à l’aboutissement du projet.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Cette villa mauresque est un élément très important de la beauté du paysage lorsqu’on arrive sur Cassis en venant du col de la Gineste et les architectes de la Direction Régionale des Affaires Culturelles qui donnent un avis technique sur le bâtiment sont bien ignorants de l’aspect paysagé. mais même sur un plan strictement technique il est parfaitement possible de consolider la structure et d’en faire un usage respectueux du paysage et valorisant pour celui-ci.
Si cette villa mauresque disparait c’est un partie du charme de Cassis qui disparaîtra.
S’il y a un bâtiment à détruire, c’est bien cet immeuble affreux qui est devant la villa mauresque et que l’on voit sur la photo en tête de l’article !
Se connecter pour écrire un commentaire.
“un sonnet au mileu de la figure” j’aurai peut être appris une expression nouvelle car j’en étais resté au soufflet.
Se connecter pour écrire un commentaire.