Aux Flamants, le point de deal menace désormais le fonctionnement du pôle de services

Reportage
le 2 Nov 2021
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Après l'incendie mortel dans l'un des bâtiments des Flamants, le point de deal qu'il abritait s'est déplacé quelques dizaines de mètres plus loin. Désormais tout proche d'un autre bâtiment qui accueille des bureaux, il génère des tensions entre trafiquants et professionnels. L'institut de formation des travailleurs sociaux a envoyé ses élèves en vacances avec plusieurs jours d'avance et la maison des solidarités ferme plus tôt.

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L'entrée du pôle des Flamants (14e), à côté duquel le point de deal s'est installé. (Photo V.A.)

L'entrée du pôle des Flamants (14e), à côté duquel le point de deal s'est installé. (Photo V.A.)

“Ne traînez pas trop”. Il est 16H30 et le personnel de la maison départementale de la solidarité (MDS) des Flamants quitte les lieux en vitesse. “On part en groupe, pour être plus en sécurité comme nous l’a demandé notre direction. Ça va être comme ça pendant trois semaines, au moins…”, glisse une assistante sociale dont la mission est d’orienter le public vers les dispositifs d’accès aux droits, avant de filer. Une demande de droit de retrait a été formulée. Il leur aurait été refusé. En temps normal, la maison de la solidarité des Flamants, installée au cœur de cette cité du 14e arrondissement, ferme ses portes à 19 heures. Depuis peu, un événement est venu changer les habitudes.

Cet été, comme le relatait Marsactu, un incendie a ravagé le bâtiment A4 de cette résidence de logements sociaux composée notamment de deux bâtiments en forme de tripode. Cet incendie a causé la mort de trois personnes. La piste criminelle est privilégiée par les enquêteurs. Il a aussi touché le réseau de drogue installé là. Celui-ci n’a pas mis longtemps à se reconstituer, quelques mètres plus loin, dans le tripode voisin. “Ils ont été très réactifs, constate-t-on dans le quartier. Ils ont déplacé leurs affaires et c’était reparti.” Jusqu’alors peu visible par les habitants du tripode le plus à l’ouest, le réseau a débordé il y a quelques mois sur le parvis de celui-ci, où se situe la Maison des solidarités. Ses agents ne sont pas les seuls a avoir vu le changement.

Fermeture d’un institut de formation

“Depuis la rentrée, on voit parfois des guetteurs venir jusque sur l’esplanade. Maintenant, le réseau est juste là”, raconte en pointant du doigt une étudiante parmi les 447 que comprend l’Institut de formation de soins infirmiers. La jeune femme, qui étudie dans le tripode où le trafic de drogue s’est délocalisé, sait de quoi elle parle : elle est justement en train de rouler un joint. Assises sur des marches de l’esplanade en question, cette dernière et la camarade de classe qui l’accompagne disent en revanche ne pas ressentir de climat de violence pour autant. D’autres n’ont pas le même sentiment. À l’étage au-dessus de l’Institut de soins infirmiers se trouve l’IRTS un centre de formation de travailleurs sociaux. L’IRTS a tiré le rideau plus tôt que prévu avant le début des vacances d’automne.

En cause, un sentiment d’insécurité. Contactée par Marsactu, la direction de cet institut dans lequel 450 élèves étudient ne nie pas le lien entre ce départ précoce et le déplacement du plan stups. Mais elle assure que “la sécurité aux abords du site des Flamants semble être de mise. La rentrée à l’issue des congés devrait donc se faire normalement pour nos étudiants accueillis sur ce site.” Pourtant, jeudi dernier, soit le lendemain de cette réponse, Renaud Muselier, président Les Républicains de la région Provence Alpes Côte d’Azur, dont dépend l’institut, a écrit à la préfecture de police.

Dans ce courrier que Marsactu a pu consulter, celui-ci évoque carrément “la situation dangereuse que rencontrent les équipes et étudiants en travail social aux abords du site”. Il précise : “un réseau de bande organisée de vente de substances illégales a pris possession du territoire, installant à l’entrée de la cité des barrages filtrants.” Renaud Muselier parle même “d’intimidations et menaces reçues par certains salariés” et rappelle “l’urgence de la situation et l’importance d’une intervention”. Contactée, la préfecture de police n’a pas donné suite.

Le parking, point de friction

Marsactu n’a pas réussi à joindre les personnes qui auraient été visées par ces menaces. Pôle insertion, associations, cabinet médical, mission locale… Les agents et travailleurs à exercer dans le bâtiment où se situent les deux instituts de formation, qui jouxte désormais celui qui accueil le réseau, sont nombreux. Parmi eux, une personne évoque une “possible altercation entre un mec du réseau et une salariée de l’IRTS”. Mais personne ne semble capable d’en dire plus. Ou ne souhaite en parler. Les témoignages recueillis par Marsactu parmi ces travailleurs font souvent état de tensions.

Selon plusieurs sources, des points de friction existeraient bien entre les membres du réseau et les travailleurs qui utilisent le parking où s’effectue désormais le trafic. Sous couvert d’anonymat, on décrit ainsi “les chicanes parfois installées sur le parking au niveau du point de deal”. Une autre personne raconte même avoir dû, à cet endroit, “lever son tee-shirt pour qu’ils vérifient qu’il ne s’agit pas de la police”. Quand Marsactu s’est rendu sur place, le calme semblait régner aux Flamants. “Des vigiles de la région sont intervenus”, nous indique-t-on.

“Les mecs sont calmes”

“Je comprends qu’on puisse se sentir en insécurité, mais les mecs sont calmes”, nuance la personne a qui l’on a demandé de lever le t-shirt. “Ils ont vu deux gamins sur une chaise et ils ont eu peur”, raille carrément un habitué du secteur social qui travaille depuis plusieurs années dans le quartier. “Tout le monde sait que ça existe depuis longtemps, mais là ça devient anxiogène parce que c’est visible. Il n’y a pas eu d’intervention violente pour autant, même les dealers ont intérêt à ce que ça se passe bien. On n’est pas rue Paradis c’est sûr, mais c’est juste un déplacement de 50 mètres du réseau”, estime-t-on encore.

Dans son courrier, le président de région fait encore état de la fermeture du centre social des Flamants. Sur place, on assure pourtant ne jamais avoir eu l’intention de plier bagages. Sur les bancs de l’esplanade, deux mamans flanquées de landaus papotent. Des soucis depuis le déplacement du réseau ? Il faut plutôt demander à ceux qui ne vivent pas ici, répondent elles en substance. Juste à côté d’elles, les effets du cannabis commencent à se faire sentir chez les deux étudiantes restées à prendre un peu le soleil après les cours. “C’est clair, c’est pas normal. Imagine, ils se tirent dessus et on se prend une balle ?”, s’interroge l’une d’elles, le regard dans le vide.

Dans les bureaux du bâtiment d’en face, on trouve aussi cela anormal. Mais on ajoute : “Il ne faut pas partir, c’est un lieu emblématique, autant de services en plein cœur d’une cité, je ne suis pas sûre que ce soit très courant. Et ça marche ! Si on part, on lâche du terrain et eux en gagnent.” Des jours de cours en moins à l’Institut régional du travail et des horaires d’ouverture plus serrés à la Maison de la solidarité : le bras de fer est engagé.

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Commentaires

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  1. Gijomce Gijomce

    Attention paragraphe 2 : “La piste criminel” à mettre au féminin 😉

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    • Violette Artaud Violette Artaud

      C’est corrigé, merci pour votre attention.

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    • Fougère Fougère

      Merci pour cet article Mme Artaud. Je me permets également de faire part à la rédaction du constat de la présence fréquente d’erreurs d’orthographe et de coquilles dans Marsactu. Vous l’avez compris, je le déplore d’autant plus que j’apprécie votre journal ! Bien à vous.

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  2. Patafanari Patafanari

    Commode pour les étudiants de l’IRTS. Ils n’ont que quelques pas à faire pour les travaux pratiques et exercer ainsi leur savoir tout neuf en remettant sur le droit chemin les chenapans du voisinage.

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  3. saveria555 saveria555

    Tiens, tiens le président du Conseil Régional se soucierait des centres sociaux dont son institution a cessé de financer le fonctionnement depuis 2018!
    Beaucoup de bruit pour rien, aux Flamants, aucune objectivation , des “on dit “, des rumeurs…le réseau de revente de substances psycho actives a bon dos., et l’habitante interrogée est pleine de bon sens. Marsactu, essayez de ne pas hurler avec les loups, qui ne voient que l’arbre( le réseau) qui cache la forêt( la précarité, l’islamophobie et le mépris des habitants .D’ailleurs , le bailleur social, n’est il pas celui qui veut expulser de leur logement, les parents de jeunes impliqués dans les réseaux de revente?

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