Aux Cèdres, la mosquée se fait une place dans le futur quartier rénové

Actualité
le 24 Août 2016
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Alors que tout le quartier de Malpassé vit au rythme des démolitions, des pelleteuses et des bâtiments sortis de terre, la mosquée du quartier suit le mouvement. Le projet, porté par une association avec à sa tête un homme bien décidé et ambitieux, avance en parallèle de la rénovation urbaine.

Les travaux de la nouvelle mosquée des Cèdres se font au rythme des donations. (LC)
Les travaux de la nouvelle mosquée des Cèdres se font au rythme des donations. (LC)

Les travaux de la nouvelle mosquée des Cèdres se font au rythme des donations. (LC)

Les Cèdres, c’était la résidence, enfilade de petits immeubles au cœur du vallon de Malpassé, dans laquelle une mosquée de quartier vivait à l’étroit dans un petit local depuis 1984. La nouvelle mosquée est aujourd’hui en train de prendre forme à quelques dizaines de mètres de là, rue de Marathon, qui serpente depuis l’hôpital Lavéran. Le nouveau bâtiment aux dimensions impressionnantes garde pour l’heure le nom des Cèdres, bien qu’il soit désormais plus près de la barre des “Genêts”, et même, des “Cyprès”, dont la tour a été détruite en juillet dernier. Le lieu de culte musulman a été pris dans le tourbillon de la rénovation urbaine, comme le reste du quartier.

Car c’est bien la destruction des Cèdres prévue dans le projet de rénovation qui aura été l’élément déclencheur de cette construction d’envergure. Pour l’heure, il ne s’agit que d’une très grosse structure de béton rectangulaire, 3 niveaux au dessus du sol, plus un toit-terrasse. Amar Messikh, président de l’association cultuelle de la mosquée des Cèdres, la fait visiter avec fierté. “On nous a demandé de respecter certaines règles architecturales, ce sera donc une mosquée contemporaine”, explique-t-il avec un grand sérieux en évoquant les prescriptions urbanistiques de la Ville.

Le projet final d'entrée principale, pensé par les architectes de CBF studio.

Le projet final d’entrée principale, pensé par les architectes de CBF studio.

800 personnes pourront être accueillies dans ce futur lieu de culte. Un salle de 250 m² sera dédiée à la prière des hommes, un autre niveau sera réservé aux femmes avec un espace de 135 m² ainsi qu’une partie conviviale avec cuisine. Aux étages inférieurs, une salle polyvalente et d’autres espaces dédiés à l’enseignement devraient prendre forme. Enfin, dernière touche, le parvis portera un fronton ouvragé spectaculaire reproduisant l’appel à la prière. “Il n’y aura pas de minaret, on sait que c’est interdit”, regrette notre guide. En réalité, la loi n’interdit rien, mais le parcours d’autorisation peut s’avérer fastidieux.

Un projet négocié avec le bailleur

Le terrain qui accueille la construction est dans un creux, suivant la toponymie du vallon. L’entrée principale se fera donc sur le côté, à hauteur du deuxième étage, juste à l’endroit où s’arrêtent les bus RTM. L’emplacement a été proposé par le bailleur majoritaire dans le quartier, Habitat Marseille Provence (HMP), pour remédier à la destruction de l’ancien local. “C’était notre devoir de trouver une solution de rechange, explique Didier Raffo, en charge de la rénovation urbaine chez HMP, et nous avons tout mis en oeuvre pour que cela se passe bien. Comme nous l’aurions fait pour tout autre lieu de culte ou pour des familles.”. Le bailleur a vendu le terrain à l’association pour la somme de 31 200 € après une estimation en bonne et due forme. Désormais propriétaire, elle est donc responsable de la maîtrise d’ouvrage de A à Z.

Tout à droite, l'ancienne mosquée, bientôt démolie, est tout ce qu'il restait de la résidence des Cèdres. (LC)

L’ancienne mosquée située porte de droite, bientôt démolie, est tout ce qu’il restait de la résidence des Cèdres. (LC)

Pour autant, une convention lie toujours les deux parties pour que l’ancienne mosquée puisse continuer à être exploitée en attendant que la nouvelle soit praticable, théoriquement jusqu’à fin 2016. “Mais le bâtiment est entouré de gravats, les fidèles ne veulent plus y aller”, reconnaît Amar Messikh, qui a donc pris sur lui de rompre la convention et d’organiser depuis plusieurs semaines les prières dans le bâtiment en construction, au sous-sol. Cet espace qui deviendra le parking, mais est accessible depuis la rue sans emprunter d’escaliers. L’ancienne mosquée, dernier bout survivant de la barre d’immeuble des Cèdres, va donc être prochainement détruite confirme HMP, pas mécontente de pouvoir boucler le chantier de démolition. “D’ici à l’hiver, on a à peu près 4 mois pour essayer de fermer les espaces pour le froid”, prévoit le président d’association. Au vu de l’état actuel du chantier, une arrivée tardive des premiers froids serait tout de même souhaitable pour les fidèles. Actuellement, ils prient dans une salle nue dont toute une paroi n’est coupée de l’extérieur que par des palissades.

Un chantier qui avance au fil des dons

“Le gros oeuvre est fini, maintenant c’est l’habillement qui va commencer”, commente celui qui chapeaute tout le projet depuis ses balbutiements en 2010. Financé uniquement à partir de dons, le chantier de la mosquée, débuté en juin 2015, dépend donc de l’afflux de ces derniers. Dans un préfabriqué accolé au chantier, l’association a établi son poste de pilotage. Des appels aux dons saturent la paroi extérieure, tandis qu’à l’intérieur, une documentation importante recouvre les murs. Sommes perçues, sommes dépensées, permis de construire, dessins d’architecte, versements à la Caisse des dépôts ou encore photos du chantier depuis les premiers travaux de terrassement. Dans le quartier comme sur le web, la stratégie de communication choisie par Amar Messikh est la transparence.

“Tout ça, c’est du concret, du réel, on n’est pas dans l’abstrait. Les gens n’ont pas confiance sinon. Malgré tous les dons, elle est où la grande mosquée ?”, interroge-t-il en faisant allusion à un autre projet ambitieux situé à Saint-Louis mais toujours pas sorti de terre. Pour celle des Cèdres, près de 800 000 euros ont déjà été collectés, mais au moins 500 000 euros seront nécessaires pour boucler les travaux. Amar Messikh a tous les chiffres en tête. “Nous musulmans sommes obligés de nous justifier, il faut de la discipline”, affirme celui qui se dit farouchement opposé aux financements étrangers comme aux financements publics.

Faire sortir l’islam des “caves et des garages”

Si la mosquée des Cèdres se doit d’être exemplaire, c’est aussi parce que son aura ne se limitera pas au seul vallon de Malpassé. Amar Messikh espère bien prouver que les musulmans à Marseille peuvent sortir “des caves et des garages”. “J’espère que notre mosquée va appeler d’autres mosquées”. 

Pour Didier Raffo d’HMP, ce projet ambitieux doit beaucoup à la persévérance du personnage. “Avec une capacité d’accueil pareille, elle va rayonner bien au-delà. Elle va forcément participer à une nouvelle approche du quartier”, analyse-t-il. Bien qu’il tienne à préciser que le projet de rénovation a simplement du “composer avec”, il se félicite de voir naître un “ouvrage de belle qualité”  en parallèle des autres améliorations en cours. Amar Messikh ne dit pas mieux, heureux de “contribuer à la rénovation” de Malpassé.

En attendant la fin des travaux, les fidèles prient au sous-sol du bâtiment, dans ce qui deviendra le futur parking. (LC)

En attendant la fin des travaux, les fidèles prient au sous-sol du bâtiment, dans ce qui deviendra le parking. (LC)

Dans d’autres cités visées par des plans de rénovation urbaine, des lieux de cultes musulmans sont en projet ou en construction, en général suite à la démolition de leurs anciens locaux, notamment à Picon-Busserine et au Plan d’Aou. Dans les services de la Ville, on évite toutefois d’en faire la publicité, “vu le contexte”. “Il y a un volet positif, qui est de mettre un terme à ce qu’on a appelé l’islam des caves, de permettre des situations de plus grande dignité, mais on ne manquera pas de nous le reprocher, de nous qualifier de “grand constructeur des mosquées””, redoute une source interne, inquiète à la fois de ces critiques mais aussi de la fiabilité des interlocuteurs associatifs, “qui pourraient subir des pressions de la part de groupes salafistes aujourd’hui ou dans les années qui viennent”. Dans tous les cas, la mairie dispose d’une “cellule culte” en charge de se tenir informée sur les interlocuteurs religieux. Cette même source assure qu’“il n’y a pas de schéma général de planification, on essaye simplement de trouver des solutions de relogement, comme avec tous les occupants. Ensuite, c’est à l’association de mener et financer son projet”.

Amar Messikh a bien intégré la leçon de la discrétion et du consensus. Il serre volontiers la main de tous les politiques qui lui rendent régulièrement visite et prône le “vivre ensemble”. Même quand il reçoit le maire FN du secteur, Stéphane Ravier, avec qui il assure avoir des rapports courtois. Désignant de la main les ouvriers du chantier, il se vante même d’avoir recours à “une entreprise juive”, ainsi que d’avoir reçu “des dons venus de chrétiens”. “La mosquée sera ouverte à tout le monde”, promet-il. Une fois les derniers échafaudages disparus, il restera toutefois aux fidèles un second chantier : donner assez de gages pour faire taire les critiques et les méfiances.

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Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    Et à la fin, tout le monde pleure, ils s’aperçoivent que dieu n’existe même pas !

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  2. Jean Pierre RAMONDOU Jean Pierre RAMONDOU

    Il n’y a rien qui interdit de construite un minaret.

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    • Lisa Castelly Lisa Castelly

      C’est en effet ce que nous indiquons dans l’article : “la loi n’interdit rien, mais le parcours d’autorisations peut s’avérer fastidieux”.

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