Aux Aygalades, les eaux souterraines sont polluées au chrome depuis 2013

Info Marsactu
le 23 Déc 2019
3

Depuis 2013, les eaux souterraines du quartier des Aygalades sont polluées au chrome VI, substance cancérogène. En cause, une fuite dans la cuve d'une entreprise de peinture et traitement de surface de l'aéronautique. Si les autorités se veulent rassurantes, les riverains s’inquiètent de la contamination des sols.

Photo : NH
Photo : NH

Photo : NH

“Là c’est le grenadier, ici le néflier, et là-bas, le pamplemoussier”, détaille Émilie en pointant les arbres fruitiers de son jardin. Avec son compagnon Guillaume, ils ont acheté en 2012 cette petite maison – “une ruine à l’époque” – sur les hauteurs des Aygalades. Le lieu a de quoi séduire : dans leur écrin de verdure perché sur une butte, entouré d’autres maisons avec jardin, on a un peu l’impression d’être à la campagne. “Et, par beau temps, on voit la mer !”, sourit Émilie, trentenaire et maman d’une petite fille de 4 ans, en regardant en direction de la tour CMA-CGM qui émerge de la grisaille. “Cet été on s’est régalés avec les courgettes, les tomates et les fraises du jardin. Comme l’automne a été doux, on a encore des fraises, mais maintenant, on ne les cueille plus.”

C’est un courrier de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), reçu fin novembre, qui la fait douter des fruits du jardin. La lettre de ce service de l’État leur a en effet appris que la nappe phréatique se trouvant sous leur quartier était polluée par du chrome hexavalent ou chrome VI, considéré comme cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer. Inhalé ou ingéré à fortes doses, ce composé chimique peut être à l’origine de cancers du poumon, mais aussi provoquer des irritations nasales, des éruptions cutanées, des atteintes du foie, des reins, ou des altérations génétiques.

Une pollution qui remonte à 2013

La Dreal désigne clairement, dans cette lettre, l’entreprise de traitements de surface et peintures pour l’aéronautique Protec Métaux d’Arenc (PMA) comme responsable de la pollution. Mais elle précise aussi : “Cette pollution n’impacte en aucune manière le réseau d’eau potable”. L’objectif de la missive est donc d’informer les riverains de la situation, et surtout de recenser les puits en activité dans le périmètre d’un kilomètre autour du site de l’usine PMA. Les propriétaires de puits ou forages en activité sont ainsi invités à prendre contact avec l’entreprise “afin qu’elle mandate à ses frais une société spécialisée” pour faire analyser l’eau.

La “zone tampon” d’un kilomètre où les puits doivent être recensés.

“Ce courrier se veut rassurant, mais moi je le trouve plutôt inquiétant… Les informations qu’on nous donne sont vagues. Qu’est-ce qui est pollué exactement ? Est-ce que ces eaux souterraines peuvent remonter et contaminer le sol de nos jardins ?”, se demande Emilie. Comme ses voisins, elle a appris via ce courrier de la Dreal que le maire de Marseille a pris en mars un arrêté restreignant l’usage des eaux souterraines dans ce fameux périmètre, “pour prévenir tout risque d’exposition pour les populations”. “Mais on n’était même pas au courant !”, s’exclame Guillaume, le compagnon d’Émilie. En faisant une recherche rapide sur internet, les jeunes parents ont par ailleurs découvert que cette pollution au chrome remontait à… 2013. “Évidemment personne ne nous en a informés quand on a acheté cette maison, ni après. On a l’impression qu’on nous prend pour des idiots”, s’agace Émilie.

De l’autre côté de la rue, même son de cloche chez leur voisine Véronique, qui vit là avec deux de ses enfants et sa belle-mère. La maison “construite par l’arrière-grand-père italien”, est aussi entourée d’un jardin. “Jusqu’à récemment, on nourrissait la famille avec le potager. J’ai arrêté il y a quatre ans, à la mort de mon mari”, raconte-t-elle. Elle se dit “en colère”. Dans le quartier en revanche, la plupart des habitants ne sont pas vraiment inquiets. “On est en hauteur, donc ils pensent que l’eau contaminée ne peut pas remonter. Mais lorsqu’il y a des fortes pluies, que se passe-t-il ? Je n’en sais rien, je ne suis pas experte, mais j’aimerais bien qu’on m’explique”.

Enquête et réunion publique

Un temps “d’explication” est justement en cours, sous la forme d’une enquête publique destinée en premier lieu à identifier les puits et forages. “Du 20 décembre au 24 janvier, et le commissaire enquêteur sera présent les 8, 13 et 17 janvier en mairie”, fait-on savoir à la mairie des 15e et 16e arrondissements. Une réunion publique à ce sujet est par ailleurs programmée pour le 10 janvier. Gérard Marletti, président de la fédération des comités d’intérêt de quartier du 15e, a bien noté la date dans son agenda. “On va essayer d’y être en nombre… C’est quand même fou qu’on apprenne la nouvelle en 2019 alors que c’est connu des autorités depuis 2013 !”

Il assure que les vieilles maisons situées sur le “côteau” de Saint-Louis disposaient toutes d’un puits, ainsi que la plupart de celles du noyau villageois des Aygalades. “Après, je ne sais pas s’ils sont toujours utilisés”. Il a pour le moment identifié deux résidences, la Dauphine et la Rigaudière – où il habite, qui arrosent leurs pelouses avec des eaux de forages. “Heureusement, ce ne sont que des pelouses. Mais beaucoup de gens ont des potagers aussi dans le secteur, et parfois des puits non déclarés…”

Pour ce qui est des jardins ouvriers des Aygalades (jardins du cheminot, situé dans le périmètre concerné, et jardins du Castellas, à la limite), ils sont alimentés en eau via le réseau de la ville, rappellent les responsables des associations qui les gèrent. Tout en s’inquiétant de cette nouvelle pollution… Du côté de PMA, on assure que ces eaux “s’écoulent principalement vers la mer, mais le chrome y est en quantité très faible quand elles y arrivent, d’après nos prélèvements”.

Fuite dans une cuve

C’est une fuite dans une des cuves de stockage d’effluents chromés de l’entreprise, en 2013, qui a provoqué cette pollution. “La présence de chrome a d’abord été constatée par des agents SNCF lors de travaux de rénovation dans le tunnel ferroviaire du Soulat. Une fois identifiée, la cuve défaillante a été évidemment réparée. Puis nous avons tout fait pour empêcher que cela ne se reproduise”, affirme Eric Bonnans, le dirigeant de cette entreprise installée depuis 1983 au chemin de la Madrague-Ville, et qui emploie 180 personnes. “En 2013-2014, nous avons ainsi remplacé toutes nos cuves enterrées par des installations extérieures”, précise-t-il. Il ajoute que l’entreprise a été “récemment” condamnée à payer une amende sur cette affaire de pollution, pour avoir refusé de faire dépolluer “immédiatement” les eaux souterraines. Ce qui, selon lui, était impossible techniquement.

Nous avons enquêté et identifié quatre à six propriétés concernées depuis 2016. Suite à l’envoi des 8000 courriers de la Dreal en novembre, une dizaine d’autres personnes se sont manifestées

Eric Bonnans, patron de PMA

Mais deux arrêtés de la préfecture, en 2016 et 2018, constataient que “malgré la suppression de la source identifiée de pollution et la mise en conformité des capacités de stockage sur le site industriel, la pollution des eaux souterraines [persistait] sur le site et hors du site”. Les autorités ont donc ordonné de nouvelles campagnes de prélèvements, toujours financées par PMA, autour du site industriel, ainsi que la recherche des puits dans les “zones pavillonnaires” des environs. “Nous avons enquêté et identifié quatre à six propriétés concernées depuis 2016. Suite à l’envoi des 8000 courriers de la Dreal en novembre, une dizaine d’autres personnes se sont manifestées”, liste Eric Bonnans. Concernant la première enquête de voisinage, la préfecture précise qu’elle a “permis de condamner l’accès d’un puits et d’une fontaine
d’ornement”.

L’institution assure également que “la gestion (de cette pollution) a fait l’objet d’un suivi attentif par les services de l’État pour protéger la population contre un usage des
eaux souterraines pouvant porter atteinte à la santé”. Dans la même idée, le dirigeant de
PMA souligne que “les derniers prélèvements ont permis de constater la baisse de la concentration en chrome dans les eaux souterraines”.

La situation semble cependant toujours préoccupante, puisque la Dreal a le projet d’interdire totalement l’usage des eaux souterraines dans un périmètre d’un kilomètre autour de l’usine PMA, comme annoncé dans son courrier de novembre. Autant dire qu’au printemps, certains habitants des Aygalades risquent de regarder les légumes de leur potager avec circonspection.

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Alceste. Alceste.

    Franchement de quoi se plaignent ces gens là . L’air et le sous sol regorgent de particules ou de métaux lourds. Au prix que cela coûte ils devraient êtres satisfaits, ils ont une véritable fortune dans leur cadre de vie. Marseille Nord est une véritable mine de richesses et en plus cela n’est pas dangereux selon les autorités.

    De qui se moque t’on , c’est cancérogène , mais cela n’est pas dangereux. Mais pour le plaisir on recense pour recenser les endroits touchés.
    Du foutage de gueule en long en large et en travers, c’est honteux

    Signaler
  2. hyacinthe hyacinthe

    complément :
    “Le chrome III (par exemple dans son composé bichromate de potassium dans le ciment) peut provoquer une dermatite de contact allergique voire de l’asthme si la concentration inhalée est très élevée.
    Le chrome VI (chromates) est beaucoup plus toxique et peut s’accumuler dans le foie, les reins, la glande thyroïde et la moelle osseuse. Il entraîne des troubles respiratoires, des inflammations des muqueuses et des ulcères et autres atteintes gastro-intestinales, des cancers du poumon et des sinus.
    Référencement des maladies professionnelles :
    Tableau n° 10 : Ulcération et dermites provoquées par l’acide chromique et certains composés du chrome
    Tableau n° 10 bis : Affections respiratoires provoquées par l’acide chromique et certains composés du chrome
    Tableau n° 10 ter : Affections cancéreuses causées par l’acide chromique et certains composés du chrome”
    source : La prévention des risques chimiques des métaux et composés métalliques : http://www.officiel-prevention.com/protections-collectives-organisation-ergonomie/risque-chimique/detail_dossier_CHSCT.php?rub=38&ssrub=69&dossid=500

    Signaler
  3. LOU GABIAN LOU GABIAN

    bref tout va bien

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire