Au Merlan, les habitants impatients et inquiets face à la refonte du réseau de bus
La métropole mène une concertation sur le terrain pour construire son futur réseau de bus, attendu en 2025. Reportage à mi-parcours dans le 14e arrondissement, où l'on attend du nouveau plan qu'il "comble les trous". Et les inégalités.
Stand de la concertation sur le réseau de bus au Merlan, le 2 février. (Photo : CMB)
Un “gros point blanc”. Il saute aux yeux sur le plan de bus affiché en grand format jeudi dans la halle du centre commercial du Merlan, dans le 14e arrondissement. Entre le centre-ville, quadrillé par des dizaine de lignes, et ce secteur des quartiers Nord, c’est un “gros point blanc”. Un coin du 3e arrondissement tient lieu de passage obligé, avec seulement quatre bus pour rejoindre le centre depuis le Merlan ou Sainte-Marthe : les 31, 32, 33 et 34. Quatre numéros qu’ici, “tout le monde connaît” et qui sont synonymes de “pleins à craquer”.
Dans le cadre de la refonte du réseau de bus de la RTM, la métropole organise une concertation dans chaque arrondissement de Marseille ainsi qu’à Septèmes-les-Vallons, Allauch et Plan-de-Cuques. Le 2 février, l’agence Sennse mandatée par la collectivité pour ces rencontres est repartie du Merlan avec “une soixantaine” de doléances, écrites ou orales. Celles-ci devront permettre à la métropole de réajuster son projet de refonte, dévoilé en novembre par Marsactu et aujourd’hui consultable sur un site dédié à la concertation. Jusqu’au 28 février, les usagers sont invités à exprimer leur avis en ligne.
En juin 2023, le futur réseau sera fixé, pour une mise en service en 2025. “Une des plus grandes révolutions que notre ville va connaître, j’en suis sûre”, prophétise très sérieusement une habitante de passage au Merlan ce 2 février. Le 14e arrondissement est parmi les plus vastes mais ne compte aucune station de métro. La refonte du réseau de bus est donc déterminante dans le secteur qui doit être “décloisonné”, de l’aveu d’une habitante.
Terminus centre-ville
Dressé à l’intérieur du centre commercial, le stand de la concertation n’attire pas la foule, mais un timide flux continu de passants. Sous la tente, les deux plans de bus, l’actuel et le “futur-provisoire”, se font face. Fayssoil, un jeune postier qui habite le “gros point blanc” de Bon-Secours, n’est pas venu les mains vides. Une consultante de Sennse s’enthousiasme : “il vient de nous remettre un document de plusieurs pages avec toutes ses suggestions. Pour nous, c’est de l’or en barre ! On le remonte direct à la métropole.”
[Ce plan] est prometteur mais il laisse des zones de côté ici, par exemple dans les hauteurs de Sainte-Marthe.
Fayssoil, habitant de Bon-Secours
Pour Fayssoil, très au fait sur la politique des transports à Marseille, le futur réseau de bus “est prometteur mais il laisse des zones de côté ici, par exemple dans les hauteurs de Sainte-Marthe.” La concertation permet à chacun d’y aller de sa critique, mais certaines inquiétudes reviennent plusieurs fois ce jour-là au Merlan. Parmi elles : le futur d’une autre ligne incontournable dans l’arrondissement, la 89, qui serait rebaptisée B10. Conservée dans le projet de la métropole, elle partirait toujours du Centre-Bourse pour s’étirer jusqu’aux Aygalades, mais éviterait en chemin la cité Jean-Jaurès, 440 logements, qu’aucun autre bus ne dessert. “Ce n’est pas possible”, souffle-t-on.
Autre critique : les centre commerciaux du Merlan et de Bourse ne seraient plus reliés par un bus direct. Le 32 actuel serait remplacé par le B8, qui bifurquerait à Saint-Charles pour s’élancer vers la Timone. De nouvelles dessertes qui créent autant de réjouissance que de craintes chez les usagers croisés au Merlan. Une dame âgée s’interroge : “tous les numéros de lignes vont changer, les arrêts vont être déplacés… C’est bien de mettre de la nouveauté mais là, est-ce qu’ils ne vont pas perdre les séniors ?”
Justice et injustice de la concertation
“Elle n’est pas là, Catherine Pila ? C’est trop loin pour elle, le Merlan.” Cette habitante qui interpelle la présidente de la RTM et vice-présidente (LR) chargée des transports à la métropole se présente comme une ancienne militante de son parti, “déçue par toutes les histoires parce qu’au final, personne ne s’occupe de nous. Martine Vassal, vous savez qu’elle veut faire un tramway sur la Corniche pendant qu’ici, il y a des trous partout ?” La pique en inspire d’autres sur le stand du Merlan. “Pourquoi est-ce que la métropole prévoit un bus à la demande à Septèmes et pas chez nous ?”, lance une femme. Plus tard dans l’après-midi, une mère et sa fille renchérissent : “il a l’air bien ce nouveau plan. Surtout pour Allauch et Plan-de-Cuques… Comme d’habitude.”
Face à toutes ces critiques qu’elle recueille religieusement, Coline Bris, consultante chez Sennse, tente de philosopher : “c’est à la fois la justice et l’injustice de la concertation. L’avis d’un habitant du 8e arrondissement compte autant que l’avis d’un habitant du 14e.” Après quoi elle ajoute souvent : “c’est pour cela qu’il faut que vous donniez votre avis !” en tendant un formulaire papier à son interlocuteur.
“Le formulaire en ligne, on n’y comprend rien.” La critique ne vient pas d’une usagère tout à fait anonyme, mais d’une adjointe à la mairie de secteur de passage au Merlan et qui ne souhaite pas être citée. Smartphone en main, la jeune femme se lance dans une démonstration très critique à l’attention des consultantes de Sennse. “Le site n’est pas du tout adapté au portable. Regardez, je clique où, là ? Si je vais sur la carte, je vois plus le lien pour donner mon avis. Il faut partir du principe que les gens ne savent même pas ce que c’est une concertation. Et là, ça donne pas envie !”, s’agace cette élue de la majorité droite du 13/14.
Public sénior
“Peut-être que les jeunes participeraient plus si on faisait la concertation sur TikTok ou Youtube ?”, s’interroge Fayssoil, le jeune postier, qui est toujours sur le stand. Les jeunes de son âge ne sont pas nombreux à s’y arrêter, ou repartent timidement avec un formulaire à remplir. “La moyenne d’âge sur les stands de concertation est assez élevée”, concèdent les consultantes de Sennse. Face à elles, plusieurs présidents de CIQ défilent. L’un d’eux emporte sous le bras un paquet de formulaires en papier. Il grommelle : “Bon-Secours, ça va toujours pas”.
Le futur réseau permettra aussi de toucher des quartiers mal desservis, comme les collines de Château-Gombert, où la population est vieillissante.
Marion Bareille, maire (DVD) des 13/14
Marion Bareille, la maire divers-droite du secteur, vient d’arriver. Un homme murmure : “et ça part en meeting politique. On a failli y échapper.” Sans s’éterniser sur place, elle déclare : “la concertation est très bien perçue, surtout la perspective d’augmenter les fréquences le soir et le weekend. Le futur réseau permettra aussi de toucher des quartiers mal desservis, comme les collines de Château-Gombert, où la population est vieillissante.”
Devant le stand, un tableau blanc est noirci par les suggestions des usagers. Extraits : “La 123 entre Plan-de-Campagne et Grand Littoral, ça ne marchera pas, elle sera toujours blindée.” ; “Bon-Secours est complètement oublié !” ;”Élargir les horaires des lignes locales.” “Pourquoi il n’y a pas plus de bus de nuit ?”.
Pédagogie pas tout-terrain
Le projet de refonte des bus prévoit d’augmenter la fréquence et l’amplitude horaire des lignes principales (les futures B1 à B22), mais à moyens constants. Sur ce réseau “renforcé”, selon l’expression de la métropole, les bus devraient circuler de 4 h 30 à 1 h du matin, avec une fréquence de 6 à 10 minutes aux heures de pointe. Mais la promesse ne convainc pas tout le monde. “De nombreuses lignes vont être allongées, et cela inquiète des usagers qui pensent que la fréquence ne sera pas tenable, précise Coline Bris. D’autres aimeraient redéfinir l’amplitude des heures de pointe. Le personnel hospitalier qui travaille en horaires décalés, par exemple.”
Sur la fin de journée, une aide-soignante s’arrête au stand. “J’habite à Saint-Barthélemy et je travaille à la Timone. Quand je finis à 20 h 30, j’ai tout essayé, je n’ai pas d’autre choix que de marcher depuis la place Burel”, là où le bus de nuit s’approche le plus de chez elle. Une vingtaine de minutes marche. “Avec les futures amplitudes horaires, vous n’aurez plus ce problème”, assure Coline Bris par souci de “pédagogie”. Les consultantes de Sennse prennent note sur leurs carnets même lorsque les usagers ne remplissent pas le questionnaire.
Mais la “pédagogie” ne passe pas partout. À Septèmes, le stand de la concertation a rencontré des usagers très hostiles au projet. La commune elle-même voit dans le projet de la métropole “un risque réel de recul de l’offre de service en transports publics”. De la “désinformation”, pour Sennse, qui conseille là aussi à la métropole de répondre à coup de “pédagogie”. Contactée, l’institution précise que 3100 formulaires ont été remplis en ligne à ce jour et invite “les gens inquiets à s’exprimer”.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Bonjour marsactu
Il y a aussi le B3A
Qui relie Saint Jérôme à malpassé
On est d’accord que c’est peu…
Se connecter pour écrire un commentaire.
Aaaah, la demi-ligne B3a, cet ersatz de BHNS qui devait être relié en 2015 à l’autre demi-ligne, la B3b, et le sera peut-être un jour, on ne sait pas quand : https://marsactu.fr/les-deux-kilometres-de-bus-que-la-metropole-va-payer-deux-fois/.
Si la refonte du réseau de bus pouvait être l’occasion de créer de *vrais* BHNS (site propre sur la majorité du trajet, priorité aux feux, exploitation à la fréquence… : c’est-à-dire les modalités d’exploitation d’un tramway) plutôt que de baptiser pompeusement ainsi de simples bus articulés aussi peu performants que les autres, on aurait fait un pas concret.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Fayssoil, dont il est question dans cet article, est aussi très actif sur Twitter où il intervient souvent sur les questions de transport. Je me souviens qu’à l’époque des cartes participatives proposées par Marsactu lors des élections municipales de 2014 et de 2020, il avait fait un paquet de propositions pour améliorer la desserte en bus des quartiers qu’il connaît.
C’est assez impressionnant : quand on s’en donne la peine, on trouve chez les citoyens une expertise d’usage extrêmement riche, insuffisamment exploitée en général. Plutôt que de se gargariser de taux de satisfaction de “89 %” à la suite d’enquêtes orientées, la RTM pourrait périodiquement écouter les propositions de ses usagers.
Et pour celles et ceux qui voudraient voir le projet de futur réseau de bus et apporter leur contribution, ce n’est pas trop tard : https://participer-bus-2025.ampmetropole.fr/
Se connecter pour écrire un commentaire.