Au 15 rue de la Fare, la Soleam a détruit un immeuble qui n’était pas le sien
Photo : D.R.
Les habitants de Belsunce se souviennent sans doute de ce tas bleu cobalt qui, des semaines durant, signalait la présence de gravats amiantés au cœur même du centre-ville de Marseille. Plus d’un an après sa disparition, ce tas de gravats refait parler de lui, sous la forme d’un chapitre du rapport provisoire de la chambre régionale des comptes consacré à la Soleam que Marsactu a pu consulter.
Les rapporteurs de la chambre ont jugé bon de consacrer plusieurs pages à cet immeuble parfaitement exemplaire des errements de la municipalité dans la gestion du patrimoine public, surtout lorsqu’il est dégradé. Ils mettent en particulier le doigt sur un élément révélé par Mediapart en novembre 2018, sans que cela n’entraîne de réaction ni au sein de la municipalité, ni au sein de la Soleam, sa filiale. L’immeuble situé au 15, rue de la Fare n’était pas la propriété de la société publique locale mais bien de la Ville.
Risque d’effondrement imminent
Ce petit détail change beaucoup de choses : la municipalité ne pouvait pas prendre un arrêté de péril, le 17 novembre 2018 en se mettant elle-même en demeure de mettre fin aux désordres. Elle ne pouvait pas plus enjoindre la Soleam décrite comme son propriétaire, de le faire. Dès lors, la chambre s’interroge sur le silence de la direction de la société publique qui, lorsqu’elle est avertie par courrier de l’état de son bien supposé, ne vérifie pas si elle en est bien propriétaire.
Dès le 8 novembre, apprend-on sous la plume des magistrats, le maire écrit au président de la Soleam, Gérard Chenoz, pour l’avertir du danger potentiel que représente cet immeuble. Déjà, rue de la Palud, un autre immeuble où la Soleam est propriétaire d’un appartement menace de s’effondrer. Dans la foulée des effondrements dramatiques de la rue d’Aubagne, la psychose des arrêtés de péril commence à monter et il n’est pas de bon ton de laisser d’autres immeubles de propriété publique devenir des menaces pour la population.
Les cloisons menacent à tout moment de s’effondrer.
Un expert du tribunal administratif est dépêché rue de la Fare. Ce sont ses conclusions qui nourrissent l’arrêté de péril grave et imminent, signé quelques jours plus tard par Julien Ruas. Et les désordres constatés font frémir.
“Les cloisons (…) menacent à tout moment de s’effondrer entraînant une chute de la façade sur la rue”. À cela s’ajoute “la possibilité forte en cas de chute de la façade d’entraîner le bâtiment voisin du 13 rue de la Fare, par le mur mitoyen”.
Cela décrit bien l’état de décrépitude d’une partie du patrimoine municipal à cette époque et aujourd’hui encore. Dans le cadre de notre enquête commune, la Grande Vacance, réalisée avec le Ravi, La Marseillaise et Mediapart, nous avions retrouvé trace de cet immeuble parmi les biens acquis par la Ville puis laissé dépérir. En 2009, par voie d’expropriation, l’ancêtre de la Soleam acquiert un par un les différents appartements de l’immeuble. Ensuite, un an plus tard, dans le cadre de la clôture du périmètre de restauration immobilière (PRI) de Belsunce, les propriétés de la société d’économie mixte sont transférées à la Ville. Sur le document, une formalité hypothécaire, que nous avons pu consulter, il est inscrit en commentaire : “La mission du disposant arrivant à son terme, la Ville de Marseille exerce son droit de reprise”.
Un transfert perdu dans les limbes
En 2013, le transfert définitif à la Ville de Marseille a lieu. La société publique Marseille aménagement, prédécesseure de la Soleam (voir encadré) est officiellement dissoute à la même époque. Il est question alors de transférer ce bien à la Soleam qui est chargée dès 2011 de mener à bien l’opération “Grand centre-ville”.
Née sur les cendres de Marseille aménagementLa Soleam est depuis 2010 le bras armé de la Ville puis de la métropole dans la mise en œuvre de projets urbains d’aménagement, principalement situés à Marseille et dans quelques communes à l’échelle métropolitaine, voire départementale. Cette société au capital 100% public est né des cendres de Marseille aménagement, société d’économie mixte au bilan controversé dont la chambre a déjà étrillé le bilan. Dans le centre-ville de Marseille, la Soleam a poursuivi avec un succès tout autant mitigé le travail de rénovation du bâti ancien entrepris par la société qu’elle a fini par absorber.
La société publique était censée en faire du logement en accession aidée. Assez perfidement, les rédacteurs du rapport s’étonne d’une telle destination alors que le bâtiment est décrit comme une ruine “sans réhabilitation possible” par l’expert. À moins, ajoutent-ils non sans ironie, “que le fait de n’avoir réalisé aucun travaux de réhabilitation pendant cinq ans n’ait aggravé les choses au point de rendre l’immeuble impropre à toute utilisation”.
Démolition en urgence
Tout ceci n’empêche pas la Ville de confier un mandat à la Soleam pour démolir le 15 rue de la Fare plus d’un mois après l’arrêté de péril. L’opération est lancée sans mise en concurrence au motif de “l’urgence impérieuse”. Une raison que la chambre régionale des comptes conteste, car pour elle, ce type d’urgence est dû à des phénomènes extérieurs “imprévisibles”.
Pour la chambre, c’est à cause de “l’inaction prolongée” de la Ville que l’immeuble s’est retrouvé dans cet état.
Or, dans le cas présent, “le phénomène n’était pas imprévisible puisque la commune détenait ce bâtiment inoccupé et destiné à être réhabilité depuis de nombreuses années”. C’est donc “son inaction prolongée” et la crise politique de la rue d’Aubagne qui l’incite à agir en urgence, quitte à s’asseoir sur les règles de mise en concurrence. Au demeurant, la Soleam ne sort pas trop mal de l’histoire puisque la Ville fixe pour l’opération un montant prévisionnel de 420 000 euros hors taxe dont 53 600 euros de rémunération.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En décembre 2018, les travaux de démolition ont produit d’importants gravats que la Soleam a cru bon de stocker dans un terrain nu dont elle est propriétaire. Les riverains s’inquiètent de la nature de ces déchets d’autant plus qu’un panneau annonce la présence d’amiante et que le tas de gravats est rapidement recouvert d’un fixatif bleu.
Le coût de l’évacuation, le suivi de chantier et les mesures provisoires dans l’attente de l’évacuation des gravats amiantés entraînent un surcoût de 300 000 euros, portant à plus de 700 000 euros la démolition de cette ruine municipale. Joint par Marsactu, le président de la Soleam d’alors, Gérard Chenoz assure “que tout a été fait dans le respect des règles”, renvoyant vers le directeur général, Jean-Yves Miaux, “pour les détails techniques”. Celui-ci s’est refusé à commenter le rapport avant qu’il ne soit présenté devant les assemblées de la Ville et de la métropole. Il déclare réserver ses réponses aux magistrats de la chambre.
Commentaires
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Une bande d’incapables et de bras cassés
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Monsieur Gilles,rassurez moi, c’est une blague ?
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Quand je pense que les clowns qui ont fait semblant de gérer cette ville pendant un quart de siècle ont tenté de faire peur aux électeurs sur l’incompétence et l’inexpérience supposées du Printemps Marseillais.
Des clowns incompétents malgré des années d’expérience, eux. Ils ne seraient pas allés au bout de leur période d’essai dans n’importe quelle entreprise soucieuse de sa pérennité.
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La démonstration que ces SPL conduisent à la confusion la plus totale en laissant croire à la population que la Ville ne peut pas tout faire. Rappelons quand même que le processus à l’origine des sociétés d’économie mixte était d’échapper au code des marchés publics… Une autre méthode pour alimenter les caisses des partis ?
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Encore une preuve de l’incurie de ces dirigeants d’alors, et des équipes qui ont accepté de travailler de la sorte
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Stéphane , vous faites fausse route , Vassal , Lionel et les autres ne font pas preuve d’incurie , bien au contraire , ils se soignent, ils s’activent avec soin . Ils sont intelligents dans cette activité. Nos amis neurologues nous disent aujourd’hui que notre corps est doté de deux systèmes de neurones . Celui du cerveau , et celui de la panse. Et bien , Vassal et ses comparses fonctionnent avec l’intelligence de la panse. La métropole et ses verrues sont un véritable gâteau, il faut donc avec leur philosophie de la panse se goinfrer. Ce qu’ils font depuis 20 années. Tout cela pour dire que ces gens là n’aiment pas Marseille, n’aiment pas les gens et ne bossent que pour leurs propres intérêts.
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On ne prête qu’aux riches. Dans cet océan d’incompétences et/ou de prévarication qu’était la ville de Marseille, il n’est pas étonnant que le « je m’en foutisme » ait conduit les politiciens de la ville à fourguer l’immeuble à la Soleam pour qu’elle s’en débrouille. Il est vrai que les SEM et maintenant les SPL et SPLA sont devenues pour les collectivités locales le bras armé pour faire des coups tordus. Il suffit d’y placer des responsables amis et complices.
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La “tête non pensante ” et” bien pansue” pour citer Brallaisse été remplacée ,mais le substrat, affligé de la même ambition est encore en place avec sa grande capacité de nuisance .
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Cela n’est pas drôle , mais de temps en temps la mairie se trompe de tombeau lors d’inhumation à Marseille , finalement quelle se trompe d’immeuble n’est pas surprenant. En revanche cette même mairie sous l’ère gaudifuneste ne s’est jamais trompée de poche.
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