Après l’incendie au 9, rue Mireille, retour dans une copropriété symbole du mal-logement
Le décès d'une résidente lors d'un feu d'appartement lundi a mis à nouveau en lumière l'état de dégradation de cette petite copropriété du quartier Périer. Des logements pour certains à la limite de l'indignité habités par une population vulnérable.
Une femme est morte lundi 16 mai dans l'incendie d'une des chambres de bonnes de cette copropriété. (Photo C.By.)
Il y a ces bouts de fenêtre et de volets qui jonchent encore le sol de la cour, l’odeur âcre qui prend à la gorge et la suie grasse qui a tout recouvert dans le couloir. Petite copropriété hors du temps dans le quartier Périer (8e), le 9, rue Mireille vient de connaître un drame. Ce lundi 16 mai en début d’après-midi, une résidente a trouvé la mort dans l’incendie de la chambre numéro 6, dans laquelle elle logeait. Une enquête a été ouverte pour déterminer les causes du décès.
Le 9, rue Mireille : deux immeubles tout en longueur qui se font face. Deux rangées d’une vingtaine de garages que surmonte une trentaine de chambres de bonne. Ces chambrettes ont fait l’objet d’un article dans Marsactu en février 2020. Puis, dans la foulée, de l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Marseille pour “conditions d’hébergement contraires à la dignité de la personne” (voir encadré).
346 euros pour neuf mètres carrés
Parce qu’au 9, rue Mireille, au cœur des beaux quartiers marseillais, les propriétaires louent des mini-studios exigus. Entre 9 et 10 m² dans lesquels, outre un lit une place, un bac à douche, un évier et son plan de travail, et parfois des toilettes doivent trouver leur place. En 2020, lors de la publication de son enquête, Marsactu relevait l’état d’indignité de certaines chambres – vétustes, sans aération, moisies par endroits – et le mauvais état général des parties communes. Ce qui n’empêche pas ces chambres d’être louées entre 250 et 400 euros par mois.
Jean-Pierre soupire. Il revient chercher des affaires. L’immeuble où a eu lieu l’incendie a été vidé de ses habitants. Il ne sait pas quand il pourra réintégrer son studio. D’ici-là, il squatte chez son beau-frère et sa sœur. Le 9, rue Mireille, il y vit depuis presque deux ans. Non, ce n’est pas le luxe, sourit-il. “Mais j’ai été à la rue. Alors cette chambre je m’y sens bien”, glisse ce quadra qui fait la plonge pour gagner sa vie. Avant de s’installer, l’homme a “fait propre”, dit-il. “J’ai repeint et mis des pièges à cafards. Depuis, c’est nickel.” Chaque mois, il s’acquitte de 106 euros directement à son propriétaire, tandis que la caisse d’allocations familiales (CAF) abonde à hauteur de 240 euros. 346 euros pour neuf mètres carrés. Ces chambres étaient vendues entre 10 000 et 30 000 euros ces dernières années. Difficile d’imaginer meilleur rendement locatif.
Ils nous ont promis que tout allait changer. Mais non, ils ont juste un peu repeint les couloirs. C’est pas pire, mais c’est pas mieux.
Un locataire
Jean-Pierre a les pieds dans la flaque d’eau poisseuse et noirâtre qui stagne devant les boîtes aux lettres. Au premier, les peintures mauves et passées du couloir, toujours aussi lépreuses qu’en 2020, ont été noircies par l’incendie. Jean-Pierre ne connaissait la victime, “la pauvre dame”, que de vue. “Je ne suis pas une bazarette moi. Je bosse, alors les voisins je les vois peu, je ne leur parle pas trop.”
Un homme, casquette et claquettes, déboule dans la cour. Il vit ici, aussi, depuis plusieurs années. Il a l’air très agité parce qu’il ne peut pas rentrer chez lui. Il parle vite, fort, va et vient. Et finit par donner un coup de pied dans la porte verte qui s’ouvre sur la cage d’escaliers. “Ici, c’est toujours un peu le bordel. Ça crie. Des fois, il y a des bagarres.” Il se souvient qu’il y a deux ans “les flics et tout le ramdam sont venus”. Lorsque l’enquête préliminaire est ouverte, la copro décatie voit défiler le parquet, les services municipaux, des agents de la CAF et la police… “Ils nous ont promis que tout allait changer. Mais non, ils ont juste un peu repeint les couloirs. C’est pas pire, mais c’est pas mieux”, souffle l’homme que l’irritation rend agressif.
Les procès-verbaux des assemblées générales de la copropriété confirment, eux, l’inaction des propriétaires des biens. Lorsqu’à l’AG de mai 2020, il leur est proposé de voter un diagnostic technique global du 9, rue Mireille, les copropriétaires (60% sont présents) refusent à 57%. Quant aux travaux de ravalement et d’isolation, les copropriétaires de l’immeuble de gauche les refusent, ceux de droite les ratifient. Mais ils n’ont jamais été réalisés. Une personne présente à ces réunions soupire : “Si les travaux d’isolation et d’aération ne sont pas faits, les biens ne pourront plus être loués. Au regard de la loi Elan, ils deviendront de fait indécents.” Et donc impossibles à louer.
“Ce n’est pas un drame du mal-logement”
À voir les couloirs rongés ici ou là par l’humidité, les branchements électriques chaotiques, ces sanitaires sordides et repoussant de saleté au bout du couloir, il apparaît que le confort des locataires n’est peut-être pas la préoccupation première des propriétaires. Aucun ne vit évidemment dans ces chambrettes. Certains ont réuni deux chambres de bonnes pour n’en faire qu’une.
C’est le cas de Jacques Ansquer, ancien président de la Banque alimentaire, puis pilote des Assises de l’habitat voulue par la présidente de la métropole Martine Vassal, mis en cause dans notre premier article. Dans la cour baignée de soleil, Jacques Ansquer est justement de passage. Il a possédé là jusqu’à sept chambres et un garage. Il a vendu, promet-il, toutes ses chambres. Ce n’est pas tout à fait vrai : il en conserverait une.
Le petit oubli n’est pas de grande importance. Le septuagénaire tient à assurer “que s’il y avait des marchands de sommeil, avant, au 9, rue Mireille, il n’y en a plus”. Surtout, dit-il, “il ne faut pas faire de cet incendie tragique, cette catastrophe humaine, un drame du mal-logement. Certes, ici, tout n’est pas parfait mais le nécessaire a été fait.” Il poursuit : “La situation est complexe. Notamment parce que les copropriétaires – ceux qui ont des chambres et ceux qui ont des garages – ont évidemment des différences de vue sur les travaux à réaliser.” Ce que confirme le bureau du syndic : “Le règlement de copropriété date de 1948. Il est obsolète, les garages y pèsent plus lourd que les chambres. Nous avons donc missionné un avocat pour en rédiger un nouveau.”
Personnes vulnérables
D’ici-là, le temps s’écoule au 9, rue Mireille. Dans les chambrettes, plus ou moins décentes des deux immeubles, se relaie une population précaire et très souvent vulnérable. Comme l’occupante de la chambre numéro 6. Selon les voisins, la victime souffrait de problèmes d’ordre psychologique qui ne lui ont pas permis de sauter par la fenêtre – à 3,50 m du sol. Jacques Ansquer l’atteste : “Oui, ce sont des personnes fragiles que nous envoient directement les services hospitaliers ou des assistantes sociales. Mais s’ils ne viennent pas ici, où iront-ils ? Pour moi, on a un partenariat qui tient la route avec l’AP-HM. Ce modèle économique est viable. En faisant des travaux, on a les moyens de rentabiliser la copro pour les locataires comme les propriétaires.”
Refaire les façades, les planchers des garages et les toitures – pour assurer une isolation décente des lieux -, installer des VMC pour leur juste aération… Les propriétaires du 9, rue Mireille sont-ils tous prêts à engager les fonds nécessaires ? Pas sûr. Une source qui connaît bien le dossier synthétise : “Une grande partie de ces chambres de bonne n’aurait jamais dû devenir des logements. Pour tout remettre en ordre, cela va coûter une fortune.” Même pour un loyer de 346 euros pour neuf mètres carrés, le jeu n’en vaut pas forcément la chandelle. Et les locataires sans solution de relogement, n’ont d’autre choix que d’attendre.
L’enquête classée sans suiteL’article de Marsactu sur les chambrettes du 9, rue Mireille déclenche en 2020 l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Marseille pour “conditions d’hébergement contraires à la dignité de la personne”. Plusieurs points sont relevés – l’absence de ventilation et de chauffage – qui selon le règlement sanitaire départemental (RSD) signent un logement indigne. Mais c’est surtout la taille des pièces louées qui interpelle les enquêteurs. Elles font autour de neuf mètres carrés. Soit le minimum légal pour louer une chambre en France. Une question se pose alors. Faut-il retrancher de la superficie totale le bac à douche et le plan de travail de cuisine qui s’y trouvent ? Auquel cas, les logements visités feraient moins du minimum requis et seraient donc impropres à l’habitation. La réponse dépend du texte sur lequel on se base. Dans les Bouches-du-Rhône, le RSD spécifie que “pour l‘évaluation de la surface de chaque pièce les parties formant dégagement ou cul–de–sac d’une largeur inférieure à deux mètres ne sont pas prises en compte“. Quand, par exemple, le RSD des Hauts-de-Seine, plus détaillé, décrit : “Tout logement doit comprendre une pièce de 9m2 au moins, cette superficie étant calculée sans prise en compte des salles de bains ou de toilette.” Un arrêt du 17 décembre 2015 de la Cour de cassation s’appuie sur ce point précis du texte. Il confirme une décision de cour d’appel dans laquelle la surface du bac de douche doit être exclue de la surface habitable du logement. Face à cette “lacune” du texte qui pose le cadre des règles sanitaires dans notre département, le parquet n’a pas pu caractériser l’infraction. D’où un classement sans suite acté le 3 novembre 2020.
Commentaires
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et la caf continue de payer même en s’étant rendue sur place
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Si la Caf s’arrêtait de payer, le locataire pourrait-il s’y substituer? Ces habitations sont dans des “zones grises” des règlementations, ce qui explique le non-lieu. Ces bailleurs, tous bien propres sur eux, semblent bien les connaître, ces zones et s’opposent à toute remise en état, sachant que leurs locataires ne sont ni ne seront en capacité de l’exiger. On stigmatise “les marchands de sommeil de Belsunce” mais pas ceux de Perrier. Peut-être que la misère serait moins pénible au 8°?
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Bien vu. Ces “zones grises” profitent à des gens qui ont les moyens de payer d’une part des comptables pour euh… organiser leurs comptes en fonction du maquis des règles du fisc, avec force “défiscalisations”, et d’autre part des juristes pour euh… organiser leur impunité en fonction des difficultés pour les victimes de constituer des preuves. Et avant tout cela, un rôle décisif revient à ces parlementaires actifs dans l’introduction de projets de loi et d’amendements discrets et bien placés organisant ces zones grises elles-mêmes. Pareil pour la fiscalité des entreprises, on a pas loin d’ici un bon exemple de ce genre de député.
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en plus des garants il va falloir prouver que l’on est en mesure de sauter par la fenêtre pour louer en étage maintenant non mais quelle hypocrisie !
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Déléguer au secteur privé la gestion du droit fondamental au logement avec si peu de contrôle et de leviers peut-il encore être considéré comme une solution d’avenir ? ou même compatible avec les impératifs climatiques ?
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60 chambres qui coûtent à la CAF 180 000 euros/ an, et bien que somme serve à la réhabilitation des lieux et que les propriétaires ne reçoivent rien tant que les lieux ne sont pas aux normes.
Maintenant, les étudiants vivent aussi dans des chambres de 9 m2 avec douches, cuisine commune et toilettes sur le palier dans certaines cités universitaires et au même prix voire plus chères et suivant les cités, c’est plus ou moins décrépi et plus ou moins crasseux !
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Avicienne dont la bonne et la seule solution pour en finir avec l’enfer des copropriétés dégradées : que la CAF verse les allocations sur un compte spécial du syndicat de copropriété bloqué au profit des travaux. Je ne sais pas si c’est prévu dans le programme de la NUPES ?
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On a le droit d insulter?
Non parce que là , j ai plus les mots.
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