Après le ferry, les Ukrainiens de Marseille hébergés dans un ancien Ehpad
Pour continuer d'héberger plusieurs dizaines d'Ukrainiens à Marseille après la fermeture de l'accueil sur le ferry Méditerranée, un ancien Ehpad du 14e arrondissement a été choisi par les services de l'État. Sans pour autant assurer de réponse sur le long terme.
L'ancien Ehpad La Simiane dans le 14e arrondissement accueillent maintenant des Ukrainiens. (Photo : ML)
Ils ont connu le vrombissement des moteurs du ferry Méditerranée à la Joliette. Les Ukrainiens arrivés à Marseille pour fuir la guerre découvrent désormais le chant des cigales du quartier de La Simiane. Quatre-vingt-six personnes originaires d’Ukraine – anciens résidents du navire – ont ainsi été installées dans un ex-établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) du 14e arrondissement.
Le 10 juin l’État mettait fin aux mesures exceptionnelles prises à Marseille pour accueillir les Ukrainiens à bord du ferry. Certains sont alors dirigés vers d’autres régions françaises. D’autres rejoignent des logements individuels trouvés avec l’aide des travailleurs sociaux sur le navire. Mais plusieurs dizaines de ressortissants sont directement pris en charge par la préfecture sur ce nouveau site provisoire, loin de l’agitation du centre-ville.
“C’est bien mieux que sur le bateau”
Sur place, les Ukrainiens apprécient le calme de l’ancien Ehpad et les familles ont défait leurs valises. Le jour de leur arrivée, Inna et sa mère s’approprient leur nouveau logement comme elles le peuvent. Les deux femmes posent en guise de décoration un tableau représentant Marseille à côté d’un évier neuf. Les Ukrainiennes se débarrassent ensuite de la poussière accumulée dans les lieux inoccupés, avec des lingettes pour bébés. Elles utilisent du papier toilette pour distribuer à la ronde des morceaux de pastèque découpés grossièrement en l’absence de matériel de cuisine.
“C’est bien mieux que sur le bateau”, commente néanmoins Inna. La jeune femme parle anglais et se retrouve à jouer les traductrices pour toutes les autres familles ukrainiennes de l’étage. Chacune dispose de son propre studio individuel avec salle de bain et cuisine indépendante. L’ambiance est loin du brouhaha ambiant du ferry. “Il y avait beaucoup trop de monde regroupé dans des petites pièces sans fenêtre”, se souvient Inna. “Ce n’était pas propre et des maladies commençaient à circuler“, affirme-t-elle.
À La Simiane, les Ukrainiens bénéficient de plus d’indépendance que sur le bateau. Ils achètent et cuisinent leur propre nourriture là où, auparavant, ils prenaient leurs repas à la cantine commune. Les enfants continuent quant à eux de suivre leur scolarité démarrée il y a quelques semaines et certains adultes se rendent à leur nouveau travail. Le ferry stationné à La Joliette permettait un accès facile au centre-ville. La Simiane, en revanche, bien qu’accessible en bus reste très excentrée.
Des membres de l’association départementale pour le développement des actions de prévention des Bouches-du-Rhône (Addap 13) sont chargés de l’accompagnement social. Ils viennent environ deux fois par semaine. “S’il y a un problème on peut appeler la réception”, indique également Inna. Au rez-de-chaussée, un salarié du propriétaire des lieux s’assure que la cohabitation se passe bien. “Ils sont tranquilles et ne dérangent pas”, commente la femme assise dans sa loge.
Une simple étape
Les résidents de l’Ehpad de La Simiane ont quitté les bâtiments il y a plusieurs mois avec le déménagement de la structure. Quelques décorations et messages d’information accrochés aux murs témoignent encore de leur passage. Un particulier a racheté le site pour en faire une résidence hôtelière et l’État a signé une convention avec cette structure pour y mettre des personnes à l’abri à partir de début juin pour une durée encore à déterminer. Joint par Marsactu, le propriétaire des lieux indique que cela durera “tant qu’il y en aura besoin”.
“Tous les Ukrainiens en attente d’un hébergement sont allés dans l’Ehpad, précise à Marsactu une travailleuse sociale. Le jour du départ, c’était comme une fourmilière qui se vidait avec des gens qui criaient de partout.” En tout, 52 adultes et 28 enfants ukrainiens sont ainsi envoyés à La Simiane. Ils y posent leurs valises, sans passer par toutes les difficultés actuelles du 115, le numéro d’urgence saturé à Marseille pour l’hébergement d’urgence.
En revanche, ce lieu est à nouveau un habitat de passage. “Les personnes inscrites dans un parcours de soins ou professionnel ont à ce stade vocation à pouvoir rester à Marseille, indique la préfecture dans une réponse écrite à Marsactu au sujet des familles ainsi hébergées. Les autres se sont vues et/ou se verront proposer une orientation vers d’autres régions où les capacités d’accueil et d’insertion vers et par le logement sont moins en tension”. Si quelques-uns seront donc dirigés vers de l’habitat pérenne à Marseille, la plupart des Ukrainiens logés à l’ancien Ephad vont devoir quitter la ville.
Au début ils nous ont dit qu’on pouvait rester autant qu’on voulait. Le lendemain ils nous demandaient de partir sur le champ.
Inna, Ukrainienne à La Simiane
“Au début, ils nous ont dit qu’on pouvait rester autant qu’on voulait, raconte Inna. Le lendemain, ils nous demandaient de partir sur le champ.” L’accueil à La Simiane a été mis en place par la préfecture pour faire face, en grande partie, aux refus de certains Ukrainiens de quitter la ville lors de l’évacuation du ferry. “Au début, ce sont eux nous ont dit de venir à Marseille. Mais maintenant ils nous expliquent que la ville est plus que saturée”, déplore la jeune femme. “Les services de l’État n’ont pas envie de les intégrer dans la réalité marseillaise, car tous les services sont surchargés”, estime un travailleur social.
Même si elle vient juste d’ouvrir, la structure n’est pas exclusivement réservée aux Ukrainiens. Avec ses près de 300 places, l’établissement est voué à servir à toute sorte de mise à l’abri, nous assure-t-on. Des Algériens, Russes ou encore Égyptiens logeraient déjà à La Simiane. De quoi écarter, au moins en partie, les accusations de traitements de faveur réservés aux réfugiés d’Europe de l’Est au détriment d’autres populations.
Refus de quitter Marseille
“Quarante-six personnes ont été désignées pour rester sur Marseille”, annonce Yves Grognou, directeur général de l’Addap 13. Mais les autres, dont Inna et sa mère, refusent de quitter l’établissement. “Les travailleurs sociaux viennent régulièrement pour nous demander d’aller vivre à Lourdes, explique la jeune femme. Mais nous sommes fatigués de devoir toujours bouger. On veut juste un endroit où rester et dormir paisiblement. Et on est heureux ici.” Beaucoup évoquent aussi la peur de ne pas trouver d’interlocuteurs parlant anglais dans de plus petites villes.
Joseph Zimet, le préfet chargé de l’accueil des déplacés au niveau national, a évoqué dans un entretien accordé au Monde les difficultés sur Marseille. “Nous nous sommes retrouvés avec 300 personnes qui ne voulaient pas quitter la ville, alors que nous avions pourtant trouvé des logements en Nouvelle-Aquitaine, en Bourgogne, en Franche-Comté, indique-t-il. Le représentant de l’État déclare que “au bout de deux refus, nous ne pourrons ainsi plus les héberger”. Après le gymnase Ruffi, le ferry Méditerranée et l’ancien Ehpad La Simiane, l’errance des Ukrainiens à Marseille risque de se poursuivre.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Commentaires
0 commentaire(s)
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.