Après la pollution aux Aygalades, l’arrivée de l’usine Satys inquiète les Marignanais

Actualité
le 10 Sep 2021
6

Après avoir repris le site pollué au chrome des Aygalades, l'usine de peinture pour l'aéronautique Satys doit déménager sur la ZAC des Florides à Marignane en 2022. Mais l'arrivée de cette activité utilisant toujours du chrome VI inquiète plusieurs associations, élus et habitants. L'enquête publique sur le projet vient d'être prolongée de quinze jours.

L
L'avis d'enquête public a été placardé à l'entrée du terrain. Celle-ci a été prolongée de 15 jours. (Photo LA)

L'avis d'enquête public a été placardé à l'entrée du terrain. Celle-ci a été prolongée de 15 jours. (Photo LA)

La discrète entrée sur le futur site se fait par le chemin sinueux des Aiguilles, sur l’avenue Lino-Ventura dont les entrepôts, carrosseries et magasins de bricolage se répartissent sur les communes de Gignac et de Marignane.

Sur le côté, un panneau jaune prévient timidement de la tenue d’une enquête publique depuis le 9 août sur le projet de halles de logistique et de traitement de surface, porté par la société Barjane pour être ensuite occupé par l’usine Satys. Le terrain envisagé est situé quelques mètres plus loin, dans la zone d’aménagement concerté (ZAC) des Florides, au milieu des herbes jaunies et des chardons séchés. Il est à proximité immédiate d’Airbus Helicopters et de l’usine de métaux Daddi, dont les grues s’activent dans un bourdonnement continu.

Satys, repreneur de l’usine polluante PMA aux Aygalades

André Debart, Sophie Legrenet et leur cousin sur le terrain où ils vivent près du futur site de Satys.

À l’ombre du peu d’arbres restant dans la zone, André Debart et Sophie Legrenet s’inquiètent de l’arrivée prochaine de cette usine de peinture pour l’aéronautique. Gens du voyage, ils vivent depuis cinq mois sur un terrain à quelques mètres du futur site. “Ça ne se fera pas, c’est tellement dangereux en termes de pollution qu’il y aura une grande mobilisation, veut croire André, artisan paysagiste. On manifestera s’il le faut. Mais si cette usine vient, nous partirons”.

Comme de nombreux habitants, associations et élus, le couple associe la venue de cette usine à d’importants risques pour l’environnement et la santé humaine. Le parallèle avec la pollution au chrome VI par l’usine Protech Métaux Arenc (PMA) des eaux des Aygalades est dans toutes les têtes. Dans le quartier Saint-Louis à Marseille (15e), cette usine de peinture avait pollué une partie significative des eaux souterraines suite à une fuite dans une cuve. L’affaire a été rendue publique notamment par Marsactu en 2019.

En mai dernier, l’usine a été reprise par le groupe Satys, via sa filiale Satys Surface Treatment Marseille. Désormais chargé de la dépollution du secteur, Satys ne souhaite cependant pas rester sur le site marseillais et prévoit de mettre en route sa nouvelle usine en 2022, sur la ZAC des Florides à Marignane. C’est l’objet même de cette enquête publique.

Le chrome VI une nouvelle fois au cœur des inquiétudes

Un nouveau site pour de nouveaux procédés de production ? Pas exactement, puisque Satys va continuer d’utiliser le chrome VI, un produit utilisé pour prévenir l’oxydation, classé comme cancérigène et encadré par la réglementation européenne. Le projet, également producteur d’émissions d’acide chlorhydrique, est soumis au statut d’installation Seveso, en raison de la “toxicité aiguë pour les voies d’exposition par inhalation et via la règle de cumul concernant les dangers pour la santé”.

“Satys a racheté la poubelle de Marseille et veut maintenant faire de l’Est de l’étang de Berre la poubelle de l’aire marseillaise !”, s’agace Mireille Quintavalla, administratrice de l’association environnementale Étang Nouveau. Elle craint de possibles rejets dans la nappe d’eau située sur le terrain, proche de l’étang de Bolmon, du marais des Paluns, de nouveaux secteurs récemment urbanisés et de zones classées Natura 2000.

“Ce serait un transfert de risque sur un site avec des enjeux environnementaux très forts”, complète Christophe Cornuel, président de l’association Ensuès-la-Redonne Protection Environnement. “Ce n’est pas cohérent ! Satys devrait se concentrer sur la réhabilitation du site marseillais”, estime-t-il, en soulignant également des risques en cas d’incendie, du fait de la proximité entre les deux halles et d’un accès au site par une voie unique.

Il faut interdire ce type d’activité et trouver un autre site.

Christian Amiraty, maire de Gignac

Pour Christian Amiraty, maire de Gignac-la-Nerthe, le jeu n’en vaut pas la chandelle : “On nous dit que les risques présents dans le 15e ne vont plus exister, mais on maintient les mêmes procédés de production ! Je suis pour marier développement économique et respect de l’environnement, mais là les critères ne sont pas réunis. Il faut interdire ce type d’activité et trouver un autre site.”

Des incertitudes en cas d’accident

Du côté du groupe Satys en revanche, on maintient fermement que le groupe n’a “rien à voir” avec la pollution sur le site marseillais, survenue des années avant le rachat de l’usine. Satys dit continuer à utiliser le chrome VI car ce produit est “le seul efficace à 100% pour l’instant”. Si l’étude d’impact réalisée pour l’installation sur le terrain conclut à “l’absence de risques significatifs majeurs de l’exploitation des installations”, Satys prévoit toutefois plusieurs mesures pour éviter de répéter l’incident des Aygalades. Sont notamment prévues une formation du personnel aux risques d’accident et une surveillance des émissions de chrome VI et d’acide chlorhydrique, ainsi qu’une captation des émissions en provenance des cabines de peinture. Des bassins de rétention et de récupération devront également être installés pour prévenir d’éventuels rejets accidentels. Le groupe souligne que 15 millions ont été investis pour ces mesures censées faire de cette nouvelle usine celle “du futur”.

Malgré ces efforts, dans son avis du 6 mai 2021 la mission régionale d’autorité environnementale pointe du doigt des “imprécisions” dans cette même étude d’impact. Notamment au sujet des procédures envisagées en cas de rejets accidentels, dus par exemple à des défaillances des bassins de rétention. Le groupe Satys reconnaît sur ce point que “les procédures à suivre en cas d’accident ne sont pas totalement arrêtées”, mais dit s’y engager dès qu’il aura davantage de visibilité sur son calendrier. “Nos systèmes de sécurité sont fiables, y compris en cas d’incendies. Après, si vous voulez le risque zéro, il faudrait fermer toutes les usines”, grince Jean-Christophe Giesbert, chargé de la communication du groupe.

Le terrain de près de 3 hectares censé accueillir l’usine est à la lisière entre Marignane et Gignac. (Photo LA)

“Un enjeu fort pour la santé humaine”

De son côté, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) note dans son rapport de fin d’examen relatif à la demande du bailleur Barjane “un enjeu fort pour la santé humaine” du fait de la “mauvaise qualité de l’air” dans cet environnement. Elle considère toutefois dans sa conclusion que “dans les conditions normales, l’exploitation n’est pas de nature à générer des atteintes significatives“. Une décision qui étonne le maire de Gignac : “Je ne comprends pas cet avis des services de l’État. Si on accepte cette usine, c’est qu’on peut accepter n’importe quel projet et qu’il n’y a plus qu’à tirer le rideau”. Sollicitée, la mairie de Marignane nous a redirigés vers la métropole, qui n’a pas donné suite dans les délais impartis à la publication de cet article.

Les associations ont obtenu quinze jours supplémentaires pour répondre à l’enquête publique. Elles entendent les mettre à profit pour mobiliser plus largement sur les communes de Marignane, Gignac, Ensuès, Saint-Victoret et Châteauneuf-les-Martigues. Plusieurs d’entre elles ont écrit ce 9 septembre aux mairies concernées pour obtenir une réunion publique. Elles comptent aussi lancer une pétition, avec le même but : empêcher l’arrivée de Satys.

Cet article vous est offert par Marsactu
Marsactu est un journal local d'investigation indépendant. Nous n'avons pas de propriétaire milliardaire, pas de publicité ni subvention des collectivités locales. Ce sont nos abonné.e.s qui nous financent.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. jacques jacques

    Comme d’habitude : pas chez nous, mais allez voir chez le voisin!
    PMA était une usine vétuste qui avait souffert de la baisse drastique de cdes d’Eurocopter dans les années 80, qui avait survécu par miracle et dont les investissements étaient proches de zéro.
    En bref, on veut la gare TGV mais pas les rails, les emplois mais pas les usines.
    Incorrigibles même si je comprends leurs craintes.

    Signaler
  2. BRASILIA8 BRASILIA8

    donc pour l’Etat ( la DREAL) quand tout va bien il n’y a pas de problème quelle perspicacité quelle profondeur dans l’analyse des risques ce qui est le but de ‘étude d’impact belle illustration de ce que disait un humoriste ce n’est pas parce que l’on a rein à dire que l’on doit fermer sa gueule

    Signaler
  3. 13agacé 13agacé

    Les craintes des riverains sont légitimes et nous serions tout autant qu’eux inquiets au regard du passé de cette entreprise. Mais qu’il est amusant d’entendre certains riverains qui ont bâti leurs habitations sans aucune autorisation préalable (et continuent d’ailleurs à le faire toujours – cf une grosse maison en bois en bordure de route départementale) contestés un projet, eux qui se sont affranchis de toute règle et les ont même piétiné ! Qu’il est beau notre Pays…

    Signaler
  4. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    l’emplacement de cette usine à proximité d’Eurocopter est parfaitement logique. Cela évitera des navettes entre le 15e arrondissement de Marseille et Marignane. Par ailleurs cela permettra d’employer de la main-d’œuvre peu qualifiée. Enfin on peut penser que les responsables du projet font tout pour protéger leur personnel ainsi que le voisinage contre les risques de pollution, ne serait-ce que pour éviter : les emmerdes .Nous ne sommes plus au XIXe siècle, même si certains employeurs tiennent le langage des patrons de cette époque. Enfin le paysage de cette friche agricole ou industrielle n’a rien de remarquable.

    Signaler
  5. Marie Claude gargani Marie Claude gargani

    En tant qu’élue d’opposition a la ville de Marignane je suis aller rencontrer le commissaire enquêteur pour exprimer mon avis défavorable, membre du parti communiste nous avons distribué un tract au marché de Marignane le 4 SEPTEMBRE invitant la population a s exprimer à l’enquête publique et en portant a la connaissance des gens les méfaits de cette entreprise.
    D’autre part Barjane a coté de l’emplacement de cette société met a disposition un local logistique . Cela DIT Qu”en cumulé avec la zac des aiguilles c’est presque des centaines de camions qui circuleront bonjour le CO2 au moment du rapport du GIEC? OUI DES SOLUTIONS EXISTENT
    – gratuité de transport pour les salariés
    – reflechir sur le rail d autant qu ils existent
    Comment financer interpeller le Maire de Marignane qui est aussi vice président du conseil départemental, vice Président de la métropole, Madame Colin adjointe a Marignane conseillère régionale et le député Monsieur DIARD ENSEMBLES ILS PEUVENT DEMANDER A LA BCE via le président MACRON.

    MARIE CLAUDE GARGANI

    Signaler
    • Alceste. Alceste.

      En bonne communiste toujours pour le nucléaire ?
      Mais vous avez raison , cela ne dégage pas de CO2.
      Vous avez l’écologie sélective.
      Allez donc interpeller , selon le jargon communiste.

      Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire