Un ancien temple suisse offre un espoir d’expansion à l’école Chabanon

Actualité
le 28 Nov 2017
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Rue Chabanon, l'école primaire est à l'étroit et les parents d'élèves voient arriver avec effroi les classes de CP dédoublées à la rentrée prochaine. Une solution d'extension de l'école existe avec la vente possible d'une parcelle d'une association protestante. En son sein, un temple témoigne de l'histoire des Suisses de Marseille.

Un ancien temple suisse offre un espoir d’expansion à l’école Chabanon
Un ancien temple suisse offre un espoir d’expansion à l’école Chabanon

Un ancien temple suisse offre un espoir d’expansion à l’école Chabanon

L’école Chabanon est une des écoles des enfants de Noailles. Située dans une ruelle en pente du même nom, quartier préfecture (6e), l’école primaire publique est pourtant assez éloignée du quartier populaire, lui-même dépourvu de tout établissement scolaire public. La rue est étroite, les entrées et sorties débordent largement sur le trottoir. Un projet d’aménagement de la rue doit permettre d’en apaiser les abords dès cet été, “si la prévision se transforme en réalité”, espère le maire de secteur (LR) Yves Moraine. Mais, à l’intérieur aussi, les enfants poussent les murs.

Prévue à la rentrée 2018, la perspective du passage au CP à 12 élèves affole la communauté éducative. L’école est inscrite dans le réseau d’éducation prioritaire (REP) et devra donc diviser par deux les effectifs de ces classes. En 2019, ce sera également le cas des CE1. “Or, l’école est loin d’être assez grande. Lors du dernier conseil d’école, le directeur nous a dit qu’il serait obligé de supprimer la salle des maîtres et la bibliothèque, explique Assia Zouane, de l’association de parents d’élèves. On s’est battu pour l’obtenir cette bibliothèque, avec notamment un don de la réserve parlementaire de Patrick Mennucci alors entendre qu’elle pourrait disparaître, cela nous a fait bondir.” Le conseil municipal présent ce jour-là au conseil d’école, Guillaume Jouve, sort alors de sa manche un atout-maître : la possibilité d’extension de l’école Chabanon dans un local situé juste en face.

Drapeau anglais et cours de langues

Il s’agit là du siège de l’association familiale protestante Guillaume-Farel. Elle est facilement reconnaissable au drapeau anglais qui orne sa façade et au livre ouvert en pierre qui surplombe son porche. Ses bénévoles y délivrent des cours de français langue étrangère. Elle abrite également une association de formation en anglais (d’où le drapeau) et quatre locataires. Elle compte également parmi ses administrateurs, un autre adjoint municipal, Jean-Luc Ricca. De quoi faciliter les discussions en cours. Car discussions, il y a. “L’association est installée de longue date à cette endroit et envisage de réorienter ses activités, explique l’intéressé. Nous recherchons une solution qui serait profitable à tout le monde. Quand je vois ma collègue Danièle Casanova se débattre pour trouver des solutions aux écoles du centre-ville, cela paraît raisonnable d’y installer une école”.

“Cela entre parfaitement dans notre projet, complète le président et pasteur Olivier Raoul-Duval. L’assemblée générale de l’association a acté le principe d’une vente de la parcelle. Et nous souhaitons pouvoir installer un local associatif en centre-ville où les besoins sont importants en poursuivant notre travail auprès des familles, des associations de scoutisme ou d’associations protestantes comme la Cimade. L’argent de la vente si elle a lieu, nous le permettrait.” Pour cela, l’association ne souhaite pas brader son bien même à la municipalité.

Cour arborée et phase d’études

“Pour l’heure, nous en sommes encore à la phase d’études, prévient Danièle Casanova, l’adjointe aux écoles. J’ai visité les lieux qui offrent des possibilités intéressantes avec notamment une belle cour arborée. J’attends un retour des services pour savoir si le lieu est adapté”. Le maire de secteur, Yves Moraine, confirme avoir lui-même reçu les responsables de l’association “il y a un an environ”. Le destin scolaire du lieu est donc suspendu à l’issue de l’étude technique et financière “votée au conseil municipal de rentrée en octobre et qui doit nous offrir une aide à la décision”, précise-t-il. Or, il subsiste en fond de cour, un vestige méconnu de l’histoire de Marseille avec lequel il va falloir compter.

La parcelle propriété de l’association protestante rejoint la rue Bel-Air (6e). On y trouve un ancien temple protestant de style néo-byzantin dont subsiste quelques beaux vitraux et une façade ornée aux fenêtres scellées. “Nous avons dû fermer le temple depuis qu’il a servi de squat à un groupe de migrants en 2016, détaille le pasteur. L’intérieur est très abîmé et nous avons très vite mis fin à cette occupation pour cette raison”.

“L’église suisse ou allemande”

Communément appelé “l’église suisse” ou “l’église allemande”, le lieu est un vestige de la présence suisse germanophone à Marseille, pan parfois oublié de l’histoire locale. Une part des grandes familles de négociants de la ville sont protestants et ont des origines suisses qui remontent au XVIe siècle. Ils sont rejoints au XIXe siècle par une foule d’ouvriers qui fuient la misère en rejoignant l’industrieuse capitale coloniale. “Les Suisses forment alors la deuxième communauté étrangère de la ville après les Italiens“, peut-on entendre sur les ondes de la Radio télévision suisse qui consacre une émission à Marseille en 2013.

Ils étaient mêmes réputés pour leur qualités professionnelles comme artisans voire comme domestiques au sein de la bourgeoisie locale. Il devient même du plus grand chic d’avoir un Suisse parmi son petit personnel dans le Marseille du XIXe. “C’était l’aristocratie de la domesticité à Marseille”, explique la chercheuse Renée Lopez-Théry au micro de la RTS.

Ces Suisses de Marseille ont laissé des traces dans l’horlogerie, la confiserie (dont les calissons aixois), l’hôtellerie… Mais aussi en construisant des temples. D’abord, accueillis dans celui de la rue Grignan, ces Suisses protestants et germanophones ne tardent pas à construire leur propre temple, rue Bel-Air. “Il faudra cependant attendre 1890 pour voir s’élever le temple de la rue Bel-Air. Les sept fondateurs, en 1846, voulaient répondre au besoin des protestants suisses germanophones. alsaciens, germaniques et scandinaves toujours plus nombreux depuis 1801, d’avoir un culte en langue allemande”, note ainsi Pierre-Jean Collomb, dans son ouvrage La Provence historique.

Façade classée

“Ces offices en allemand ont duré jusqu’au début du XXe siècle, explique Olivier Raoul-Duval. Après la première guerre mondiale, l’allemand était devenu moins populaire en France.” Plus tard, le temple sera cédé par legs à l’association qui l’occupe aujourd’hui. “Mais le temple n’est plus utilisé depuis 12 ans”, reprend le pasteur.

Sur sa façade, le panneau d’un permis de construire témoigne d’un projet plus récent d’installation d’un foyer d’accueil qui devait y être bâtie par une filiale de la Logirem. “Le permis de construire avait été accordé par la Ville malgré l’opposition de l’architecte des bâtiments de France, poursuit le pasteur. Cela a créé un vrai déchirement au sein de la communauté protestante et le permis en est resté là”. Entre temps, le plan local d’urbanisme a été adopté avec une liste précise d’éléments patrimoniaux isolés protégés dont la façade et la toiture de l’endroit.

Extrait de la fiche consacré au temple de la rue Bel Air dans le règlement du plan local d’urbanisme.

“Ce n’est pas commun de construire une école publique dans un ancien temple, reconnaît Danièle Casanova. Mais si cela peut permettre d’agrandir l’école Chabanon tout en protégeant le patrimoine, alors on le fera”. En revanche, cette particularité devrait ajouter un brin de complexité au projet d’aménagement scolaire. Pas certain que l’école suisse soit prête en septembre 2018 pour l’arrivée des CP à 12.

Actualisation le 1er décembre à 10 H 42 : corrections des termes impropres dans le cadre du culte protestant.

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Commentaires

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  1. andre fournel andre fournel

    Je vois que parfois on sait anticiper au sein de la municipalité Gaudin. Mais le plus souvent, ce n’est pas le cas. Noailles manque cruellement de locaux scolaires (il n’y en a pas!), et une belle opportunité a été manquée il y a deux ans : les locaux de St Thomas d’Aquin, qui abritaient une école confessionnelle alors fermée, auraient parfaitement convenus. L’association Noailles Ombre et Lumières en avait alerté la Mairie, Mais comme souvent à Marseille, dès qu’un espace se libère, un projet immobilier l’occupe….

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  2. Trésorier Trésorier

    Les protestants et les suisses ont en effet joué un rôle important dans le passé à Marseille : bourgeoisie, banque, Olympique de Marseille,….

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