Algérie : les devoirs (de mémoire) à l’école des Aurès

La Cinémathèque de Marseille présente « la Chine est encore loin », un documentaire algérien de Malek Bensmaïl. Ce film a reçu le grand prix du festival international du documentaire de Munich en 2009.

Le réalisateur a rejoint pendant une année scolaire les élèves du village de Ghassira, au nord-est de l’Algérie. Cette immersion sur les bancs de l’école fait référence à un événement datant des débuts de la guerre pour l’indépendance de l’Algérie. Le 1^er Novembre 1954, un attentat a causé la mort de Guy Monnerot et blessé sa femme Jacqueline, tous deux étant un jeune couple d’instituteurs français. Plus de cinquante ans après, l’école existe toujours. Le réalisateur a choisi ce lieu de tournage comme point d’attache à l’histoire d’une région. Il va ensuite à la rencontre des habitants qui ont vécu ces événements, introduisant au cœur du documentaire une enquête quasi journalistique. Les témoins de l’époque coloniale, tout comme les écoliers, sont interrogés sur leur rapport à l’histoire. Ce qui permet à Malek Bensmaïl de dresser le portrait d’une Algérie contemporaine. Entre la mémoire, le présent et le futur, il soulève des points importants du rapport actuel à la France.

La bataille entre les langues

Malek Bensmaïl décrypte l’un des passages du film : « lorsque les enfants sont appelés à répondre en arabe littéraire à la question « qui d’entre vous a un grand-père qui a fait la révolution ? », ils ont tous des réponses, ils voudraient tous participer, explique-t-il, mais puisque ce n’est pas leur langue maternelle, les élèves de primaires ne peuvent pas. Ils sont bridés, bloqués ». Dans la région du tournage, les habitants des Aurès parlent un dialecte berbère appelé le Chaoui. Malek Bensmaïl explique qu’après la décolonisation, le pouvoir politique algérien a souhaité que les enseignements soient à nouveau dispensés en arabe pour « régler ses comptes avec le français ». Or selon lui, il aurait fallu affirmer une identité multiple : « L’Algérie a connu une conquête arabe, mais également la conquête Ottomane pendant quatre siècle et la colonie française. On peut enseigner l’arabe, mais on ne peut pas réduire les autres langues et surtout il faut officialiser le dialecte algérien ».

« Recherchez le savoir, jusqu’en Chine s’il le faut »

Le réalisateur, quant à lui originaire de Constantine, insiste sur le fait que le documentaire a été réalisé non pas « sur » mais « avec les gens du réel ». Ce qui lui a permit de développer d’autres sujets comme le poids de la religion ou encore le sort fait aux femmes. Quant au titre « la Chine est encore loin » pour ce documentaire qui aborde davantage le rapport entre l’Algérie et son ex-colonisateur, cela fait référence à un hadith (une parole sainte) du prophète Mohamed qui dit « recherchez le savoir, jusqu’en Chine s’il le faut », en écho avec une actualité, à savoir la présence de la Chine et des Chinois dans l’économie algérienne.

Projection ce mardi 7 Juin à partir de 19h à la cinémathèque de Marseille (31, boulevard d’Athènes). Tarifs : 5€/4€.

Le blog du film