Alexandre Medvedowsky aux abois à l'Arbois ?

Alexandre Medvedowsky aux abois à l'Arbois ?

Y a-t-il eu un deal entre les deux Alexandre ? C'est en tout cas ce que semble désormais soupçonner le juge d'instruction Charles Duchaine dans l'affaire tentaculaire des marchés publics potentiellement trafiqués. Saison 3, épisode 2. Après La Ciotat, Marseille, Salon, c'est maintenant du coté d'Aix-en-Provence que la série se poursuit, avec un nouveau casting. Et l'entrée d'Alexandre Medvedowsky, dit "Medvé", le poulidor des municipales d'Aix, qui malgré plusieurs tentatives n'a jamais réussi à bouter Maryse Joissians de son bel hôtel de la place d'Albertas. Pourtant le CV de Medvé en impose : énarque, conseiller d'Etat, associé du cabinet de lobbying parisien ESL Network, et surtout président du technopôle de l'Arbois, un établissement public dont les "actionnaires" principaux sont le CG13 et la communauté d'agglo du Pays d'Aix, ce qui lui vaut aujourd'hui quelques soucis.

Car, dans les heures et les heures d'écoutes téléphoniques d'Alexandre Guérini, les gendarmes en charge de l'enquête ont repéré qu'il s'était occupé de très, très près de la gouvernance de ce technopôle public dans lequel  il n'avait absolument aucune fonction. Medvé souhaitait se débarrasser au plus vite de son directeur général, un dénommé Jean-Louis Jaubert, pour le remplacer par un certain Olivier Sana déjà en poste à l'Arbois. Un choix qui n'avait semble-t-il pas l'air de trop plaire au DRH virtuel du technopôle, et qui souhaitait que Jaubert, 64 ans, puisse être maintenu encore un an à son poste, notamment pour des histoires de retraite, comme le montre cet extrait d' écoute entre Alexandre Guérini et Olivier Sana : 

Olivier Sana : J'avais bien eu ton message donc j'avais transmis à Alexandre (Medvedowsky), heu lui ce qu'il propose, eh bon il a bien compris. Le problème à l'égard de Jean-Louis Jaubert… Hein donc heu, qu'il fallait le garder un an de plus pour régler ses problèmes de retraite, donc ce qu'il propose c'est qu'on le garde un an de plus mais pas au poste de directeur général, euh à ma place. 

Alexandre Guérini : Et ouais, mais c'est ce que j'ai dit. Jean-Noël m'a dit : "on le laisse et dans un an on met Olivier."

Olivier Sana : Alexandre Medve ne sera pas d'accord là dessus hein. Lui est prêt à faire un geste, à le garder un an de plus si nécessaire, mais pas au poste de directeur général, il n'a aucune confiance en lui, il nous fait que des … Enfin je ne vais pas refaire tout le tableau, hein !

Un dossier que Jean-Noël Guérini semblait également suivre comme le lait sur le feu, comme l'indique Alexandre Guérini un peu plus loin dans sa conversation téléphonique avec Olivier Sana toujours écoutée par les enquêteurs :

Ouais, mais écoute moi , j'en ai parlé à Jean-Noël et Jean-Noël m'a dit : "Bon ben, je lui ai dit, écoute Olivier, c'est comme nous, donc tu peux lui faire confiance". Il m'a dit : "eh bien moi je m'en occupe d'Alexandre et toi tu t'occupes d'Olivier". Mais j'ai dit Olivier c'est comme moi, c'est comme nous, c'est comme toi, comme moi, Alexandre c'est pareil, il dit "ben alors ne me cassez pas les couilles, gardez le pendant un an et puis après on met Olivier à sa place et on le garde pendant encore un an comme directeur technique de mes deux là et puis on s'en libère" Alors faites ça et….

Mais malgré ces sympathiques pressions, Medvé continue de vouloir se débarrasser le plus rapidement possible de ce pauvre Jaubert, comme le révèle un extrait d'une autre écoute cette fois entre Rémy Bargès le directeur de cabinet de Jean-Noël Guérini et le frère de son patron :

Rémy Bargès : Oui Alexandre, bon heu, ton frère vient de rentrer là d'Aix, je viens de lui en parler, il m'a dit il est fou, il est, on a pris en engagement de la parole, il passe en force donc, il me dit vous m'appelez Medvé, vous lui dites " très bien, très bien, tu licencies Jaubert, tu fais ce que tu veux, on t'avais donné des consignes, tu ne les suis pas, mais moi je lance un audit, je me retire de l'Arbois, je lance un audit sur l'Arbois, et euh voilà…" Bon alors je ne sais pas si c'est la bonne procédure, en tout cas, je vais l'appeler là pour lui mettre un peu la pression. Voilà.

​Confrontés à ces écoutes lors de leur dernière audition dans le bureau du juge Duchaîne le 2 mars dernier, Rémy Bargès a expliqué ignorer pourquoi Alexandre Guérini  s'intéressait à cette affaire, comme il l'a indiqué sur le PV de confrontation que nous avons pu consulter :

Question du juge : En quoi Alexandre Guérini est-il concerné par cette affaire ?

Réponse de Rémy Bargès : Je n'en sais rien, si on s'intéresse à cette affaire, c'est parce qu'elle a une dimension politique  et que nous sommes dans un bras de fer avec Alexandre Medvedowsky au sujet des municipales partielles d'Aix-en-Provence. J'ignore pour quelle raison profonde Medvedowsky veut virer Jaubert ou pour quelles raisons Alexandre Guérini veut qu'il soit maintenu.

Question du juge : En gros, vous insinuez que vous demandez à Medvedowsky de garder Jaubert s'il veut compter sur votre soutien pour les élections municipales partielles d'Aix-en-Provence ?

Réponse de Rémy Bargès : Non, les choses n'ont pas été dites comme ça/

​De son côté Jean-Noël Guérini, confronté également aux questions du juge, a démenti toute intervention sur ce sujet

Question du juge : En quoi êtes-vous, vous -mêmes et votre frère surtout, concernés par les problèmes de retraite de Jean-Louis Jaubert ?

Réponse de Jean-Noël Guérini : Je n'étais absolument pas au courant de ces problèmes de retraite de Jaubert, et je n'avais pas été amené à me prononcer sur le maintien ou non de cette personne dans son poste de directeur général. Ces décisions ne relèvent pas de mon niveau et sont prises par leurs conseils d'administration qui sont autonomes ( …) Rémy Bargès me rendait compte de l'ensemble de la situation de l'Arbois en présence de la DGS, comme nous le faisons très souvent et nous avons évoqué les grandes évolutions et perspectives à venir de l'Arbois. J'ai demandé un audit et lorsqu'on a évoqué l'avenir en terme de personnel et de direction générale, j'ai indiqué que c'était de la compétence du président du conseil d'administration. Cette position vaut pour l'Arbois comme pour l'ensemble des Sem et autres syndicats de gestion. Medvé est une forte personnalité, on ne lui impose rien, c'est un magistrat à sa manière.

​Ces réponses n'ont pas forcément convaincu le juge d'instruction, qui semble penser que in fine Medve aurait cédé à la pression des Guérini's brothers en conservant un an de plus Jean-Louis Jaubert, contre l'investiture PS aux élections municipales partielles de 2009 à Aix-en-Provence qui venaient d'être annulées. Medve a donc été entendu la semaine dernière par les douaniers en charge des affaires financières  qui sont venus renforcer la gendarmerie dans l'enquête de Duchaîne, et a jugé ce scénario "absurde" comme il l'a déclaré ce matin dans La Provence.

Ce qui n'a pas empêché les gabelous de poursuivre cette piste en interrogeant hier le conseiller général PS André Guinde, qui aurait également pu prétendre à aller batailler contre Maryse Joissains lors de cette fameuse élection partielle, avant d'être remplacé par Medve. "Dédé" de son côté n'aurait pas semblé très surpris par ce "deal" et les extraits d'écoutes que lui ont fait lire les douaniers l'auraient confortés dans ce soupçon. En vieux routier de la vie politique, André Guinde a néanmoins bien l'impression d'avoir été le dindon de la farce. "Si tout ça est vrai, ce sont les péripéties de la vie politique, que voulez-vous que je vous dise ? Je ne serai jamais maire d'Aix, voilà", nous a déclaré le vice-président du CG, joint hier soir au téléphone. Un Dédé Guinde en tout cas pas rancunier envers son Président :

Pour autant je fais la part des choses. Il faut que l'institution continue de fonctionner, je voterai donc le budget vendredi. La démission de Jean-Noël, ça ne regarde que lui, c'est entre lui et lui. Je ne veux pas prendre les habitants des Bouches-du-Rhône en otage. 

​Une bonne nouvelle cette fois pour Jean-Noël Guérini qui doit faire voter son budget vendredi prochain, et qui pourrait être mis en grande difficulté si il n'était pas voté. Une fenêtre de tir donc idéale pour un putsch. Mais comme d'habitude, JNG semble avoir parfaitement verouillé  l'opération. Personne ne devrait moufter, y compris à la réunion du groupe PS qui doit avoir lieu ce matin au paquebot bleu pour préparer la plénière de vendredi, même si beaucoup pensent que cette nouvelle affaire aixoise commence à faire un peu beaucoup. Réponse vendredi.