Aix veut toiletter son centre-ville grâce à la préemption commerciale

Décryptage
le 24 Juil 2023
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Face à la raréfaction des commerces indépendants et inquiète de la hausse du nombre de snacks, la municipalité aixoise va se doter d'un droit de préemption commerciale pour pouvoir influer sur l'offre de boutiques en centre-ville.

Aix veut toiletter son centre-ville grâce à la préemption commerciale
Aix veut toiletter son centre-ville grâce à la préemption commerciale

Aix veut toiletter son centre-ville grâce à la préemption commerciale

De la librairie de Provence sur le cours Mirabeau, il ne reste plus que l’enseigne, conservée sur le haut de l’immeuble qui a abrité cet institution jusqu’en 2019, comme un vestige d’une autre époque. Quelques mètres plus loin sur la célèbre artère aixoise, la librairie Goulard tient, elle, encore bon. “J’ai beaucoup de confrères qui ont dû fermer car ils ne faisaient plus assez de chiffre d’affaires pour payer leur loyer”, déplore son gérant Mathieu Collomb. Parmi eux, la librairie de Provence où les bouquins ont maintenant laissé place à une extension de la boutique Monoprix dédiée à la restauration rapide en mode “snack”.

Cette disparition aurait été l’élément déclencheur qui a motivé la maire Sophie Joissains à instaurer un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat, selon un entretien accordé à La Provence en juin. Un mois plus tard, vendredi 21 juillet, le conseil municipal a voté les contours de cette mesure. Elle s’appliquera sur un diamètre d’environ un kilomètre, couvrant le centre historique, étendu au quartier du Faubourg, ainsi qu’à quelques axes au sud. Dans ce secteur, la Ville sera alertée quand un fonds de commerce sera mis en vente et aura la possibilité d’intervenir dans le processus pour reprendre le bail.

“Répondre aux besoins quotidiens”

“Nous avons vu des changements commerciaux avec des grandes chaînes habituellement présentes dans les galeries commerciales qui se rapprochent maintenant du centre-ville”, détaille Sophie Joissains devant le conseil municipal. La délibération votée ce vendredi justifie ainsi la mise en place de ce dispositif par les “difficultés croissantes en matière de diversité commerciale”. Elle les met en opposition avec “l’orientation progressive de l’offre en faveur des visiteurs extérieurs du territoire” et “la disparition des commerces dont ont besoin les habitants en centre-ville pour répondre à leurs besoins quotidiens”.

Une étude, en annexe du rapport, réalisée en avril 2023 par le cabinet de conseil AID et commandée par la Ville, met en scène cette évolution. Le taux de rotation s’élève par exemple à 39 %, marquant la difficulté pour les commerces à se maintenir dans le temps. Dans 18 % des cas on observe également un changement d’activités. Ces roulements profitent principalement aux snacks rapides qui sont en forte hausse alors que les restaurants traditionnels ne représentent plus que 50 % de l’offre, contre 57 % en 2018.

Le périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité avec les commerces recensés en 2023. (Source : cabinet AID)

Ces changements s’observent directement dans le centre-ville. “Maintenant on est les seuls sur le marché car la boutique de l’hôtel de Ville a fermé il y a quelques mois”, raconte ainsi Agnès, de la papeterie Michel sur le cours Mirabeau. Il existait une autre enseigne rue Thiers à Aix-en-Provence, mais elle a également mis la clé sous la porte il y a deux ans. “Maintenant il n’y a plus que des magasins d’optique, des banques, des agences immobilières ou des chaînes de restaurations qu’on voit déjà partout, analyse la vendeuse de carnets et fournitures en tout genre. Tous les centre-ville se ressemblent alors que c’étaient les petits commerces qui faisaient le charme d’Aix-en-Provence.”

Sur l’avenue des Belges, du côté de la Rotonde, de nouveaux magasins ont émergé ces derniers mois avec l’installation de l’enseigne d’électroménager Boulanger, ainsi que l’animalerie Animalis. “Les clients nous disent que ce type de commerce manquait en centre-ville, assure le patron du magasin vendeur de croquettes et d’accessoires pour les animaux. Ils prenaient le bus ou devaient commander.” Il assume : le but de cette adresse est de prendre le relais en centre-ville des plus grosses franchises situées à l’extérieur du cœur historique d’Aix-en-Provence, ici à Plan de Campagne.

Une vacance limitée à 7 %

La ville ne souffre en tout cas pas, comme certains cœurs de villages marseillais, d’un problème de vacance. Le taux de commerces fermés n’est, selon l’étude du cabinet AID que de 7 %, alors que la moyenne nationale tourne entre 12 et 16 %. La hausse est légère, par rapport aux 5 % en 2018. Malgré la chaleur étouffante de l’été, rares sont en effet les commerces où l’on trouve porte close. Un ancien bistrot a baissé sa grille en haut du cours Mirabeau à l’angle de la rue d’Italie. Aux abords de sa terrasse vide, on nous rapporte que le local a déjà trouvé un repreneur, apparemment un restaurant de cuisine tex-mex.

Certains commerces louent quant à eux déjà, et parfois depuis longtemps, leurs locaux directement auprès de la Ville. C’est le cas de Crêpes à gogo, une adresse bien connue des Aixois dans le passage sous-terrain près de la Rotonde, entre l’avenue Victor-Hugo et le cours Mirabeau. Cette crêperie attire grâce à ces petits prix qu’elle doit, en partie, au faible loyer que leur fait payer la municipalité, propriétaire du passage Victor-Hugo. “Sinon ça ne serait plus des crêpes à 2 euros depuis longtemps”, ironise Léa, serveuse depuis 8 ans. Quelques mètres plus loin sur le cours Mirabeau il faut en effet débourser plus du double pour la même prestation.

L’employée ne souhaite pas partager le montant du loyer, mais elle affirme que “cela n’a rien à voir” avec les tarifs des propriétaires privés. “Moitié prix ?”, l’interroge-t-on. “Encore moins”, avoue la jeune femme. Il y a quelques années l’enseigne a pourtant cherché à déménager, pour récupérer un local en plein air cette fois-ci. “Mais la Ville ne voulait déjà plus d’un nouveau snack en centre-ville”, confie Léa. La crêperie est donc restée dans le passage sous-terrain, mais a pu récupérer un local plus grand de l’autre côté du tunnel. De quoi continuer à réaliser toujours plus de crêpes.

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Commentaires

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  1. MarsKaa MarsKaa

    Les commerçants, les habitants et les élus aixois seraient ils gagnés par la critique du capitalisme ?
    Les gros qui rachètent les petits, les chaînes et les grands groupes qui se deploient sur les lieux bankables, l’offre commerciale pour les touristes plutôt que pour les habitants, les loyers qui accompagnent la spéculation immobilière, money, money, money ! Liberté d’entreprendre, libre concurrence, la loi du marché, toussa toussa.. money, money, money ! On crève du capitalisme liberal.

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  2. Alceste. Alceste.

    La maire d’Aix-en-Provence ne veut tout simplement pas voir le centre ville devenir comme celui de Marseille. L’état de la Canebiere en est un résumé criant.

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  3. jacques jacques

    Me parle pas d’Aix, que des prétentieux !

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  4. Kitty Kitty

    Aix est une ville très étrange. D’un point de vue politique, son oligarchie familiale me parait insupportable (mais je ne suis pas aixois). Par contre, et lorsqu’on compare son économie à celle de Marseille, c’est quasiment humiliant. Ils ont tout : une énorme base industrielle, de la recherche, des étudiants, de la culture, du sport, des emplois de qualité, et des finances publiques correctement gérées. À tel point qu’ils sont réellement capables de tenir tête à la métropole ou encore à l’État.
    Le fait qu’ils veulent maîtriser leurs commerces de centre-ville ne m’étonne pas et ils en ont les moyens eux !

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  5. Marc13016 Marc13016

    Et si on parlait d’une tendance de fond dans le commerce : l’achat en ligne, suivi de la livraison ( souvent Express). C’est peut être le vrai danger qui menace nos boutiques de centre ville. Face à cette évolution, la réponse me semble tenir en un mot : proximité. Ou deux : convivialité. Ça doit pouvoir se traduire en : alimentations + restauration, quincaillerie + services de bricolage, pharmacie + yoga … Place à l’imagination, oublions le snack et de la malbouffe. Même à Marseille on doit pouvoir le faire !

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  6. Alexeï Mikhaïlovitch Alexeï Mikhaïlovitch

    Les joissains en business as usual.

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