Aix Marseille, capitale de l’innovation : un label, des espoirs et des limites

Actualité
le 14 Déc 2022
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La métropole Aix-Marseille a remporté le prix de capitale de l'innovation remis par la Commission européenne. Un titre qui permet de mettre en valeur le territoire dans sa course à l'attractivité, mais qui ne gomme pas ses manques structurels.

Didier Parakian, vice-président de la métropole, Martine Vassal, présidente de la métropole, Arnaud Mercier, conseiller délégué à l
Didier Parakian, vice-président de la métropole, Martine Vassal, présidente de la métropole, Arnaud Mercier, conseiller délégué à l'innovation, et Laurent Choukroun, fondateur de l'Épopée. (Photo : RB)

Didier Parakian, vice-président de la métropole, Martine Vassal, présidente de la métropole, Arnaud Mercier, conseiller délégué à l'innovation, et Laurent Choukroun, fondateur de l'Épopée. (Photo : RB)

Il y a eu la capitale européenne de la culture, puis celle du sport et même une autodésignation pour la gastronomie. Les mauvaises langues diront qu’avec toute cette ingéniosité ce n’est pas étonnant que Marseille remporte cette fois le prix de la capitale européenne de l’innovation, ou “iCapital”. “C’est un peu notre coupe du monde“, se réjouit Didier Parakian, vice-président de la métropole délégué aux relations internationales. C’est lui qui s’est rendu à Bruxelles le 7 décembre pour recevoir ce prix de la Commission Européenne. Le trophée, une sorte de grosse brique transparente, est moins beau que celui de Jules Rimet, mais qu’importe. Pour l’élu qui ne croyait pas dans la victoire, “il représente l’Europe qui nous regarde à notre juste valeur, il nous fait passer de l’ombre à la lumière“.

Parmi les six précédents vainqueurs se trouvent notamment Barcelone, Amsterdam, Athènes et Paris. “Il récompense les villes européennes qui ont une ambition de développement et de promotion d’un écosystème d’innovation attirant, au bénéfice des citoyens“, présente par visio Jean-David Malo, directeur du conseil européen de l’innovation. Voilà pour la présentation formelle. “L’objectif réel de ce prix est de connecter les métropoles européennes entre elles“, poursuit le représentant européen. Les gagnants intègrent le réseau iCapital qui appartient lui-même à un autre réseau mondial. Le but étant de nourrir les échanges et donc de permettre à chacun de s’inspirer des autres. “Depuis jeudi, nous croulons sous les félicitations et les demandes de villes”, assure Didier Parakian.

Un rapide coup de projecteur

In fine, “ces rencontres nous permettent d’être plus visibles et nous aident beaucoup pour attirer des investisseurs étrangers”, résume avec un vif intérêt Mathieu Vis, délégué à l’international et la stratégie au sein de l’agence de développement économique Provence Promotion. La pastille iCapital attire l’œil certes, mais ne garantit rien. L’effet loupe ne dure pas éternellement non plus. “Nous allons travailler vite, il y a un momentum”, reconnaît Mathieu Vis. Du côté des élus, on espère “surfer” sur l’évènement. “Il est encore un peu tôt pour parler de la suite, mais j’espère que la métropole va annoncer une année de l’innovation“, glisse Didier Parakian en se tournant vers Martine Vassal, la présidente de la collectivité.

Le prix s’accompagne d’une enveloppe d’un million d’euros.

L’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (Agam) pointait déjà dans une analyse de janvier 2021 baptisée “état des lieux de l’écosystème de l’innovation métropolitain” l’enjeu d’animer cet écosystème “au-delà des scènes ponctuelles de conversation et des réseaux personnels“. Reste à déterminer comment. Le prix européen s’accompagne d’une enveloppe d’un million d’euros, il s’agit toutefois d’une goutte d’eau dans le budget d’Aix-Marseille métropole (AMP).

Des projets innovants perdus de vue

L’intérêt du prix convainc, même si le processus de désignation reste plus flou. “Des évaluateurs externes pour garantir toute indépendance” épluchent les dossiers, explique Jean-David Malo. Ce sont eux qui choisissent le vainqueur des différents prix parmi 250 candidats. “Ce qui a retenu leur attention, c’est le très fort engagement dans l’économie sociale et solidaire, l’ouverture vers l’arc méditerranéen et les ambitions de créer un écosystème où l’innovation n’est pas qu’en laboratoire mais aussi sur le terrain“, développe le représentant européen.

Le constat peut étonner. L’étude de l’Agam sur la stratégie métropolitaine en termes de soutien à l’innovation pointait au contraire le “lien à renforcer entre innovation et territoire“. Le document d’une trentaine de pages cite le Labex Entreprendre, une structure de Montpellier, qui qualifie de nécessaire “la définition de nouveaux indicateurs de performance en phase avec les objectifs politiques et la réalité sur le terrain“. L’étude liste deux autres “attentes” autour de ce sujet, celui de clarifier le rôle de chacun des acteurs et d’articuler un accompagnement de A à Z, de l’incubation à la croissance, en langage start-up. Depuis cette étude, la métropole a réalisé une plateforme qui centralise les appels à projets.

Le directeur du conseil européen de l’innovation doit se rendre à Marseille dans les mois à venir.

Cet outil figure dans les initiatives ou structures du dossier marseillais présenté à l’Europe et correspond au portrait dressé par Jean-David Malo. Le technopole de l’Arbois, le tiers lieu l’Épopée ou encore la ferme urbaine Capri font aussi partie des projets mis en avant. Plus surprenant, les exemples du Lab des Possibles ou Quartier Libres dont on ne trouve plus aucune trace de vie active. Une visite de Jean-David Malo est prévue pour le premier semestre 2023 à Marseille. Ce sera peut-être l’occasion de prendre des nouvelles de ces innovations perdues de vue.

Et aussi de voir comment la métropole compte surfer sur un prix qui ne résoudra pas les problèmes de fond. Car les maux sont toujours les mêmes : un réseau de transport en commun sous-développé, une transition environnementale en deçà des attentes, voire un retard des entreprises dans le numérique. De quoi espérer d’autres titres de capitale.

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    Et une médaille en chocolat de plus !

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  2. kukulkan kukulkan

    beurk. Ils en sont encore là, coincés dans de vieilles logiques néo libérales. En Europe on devrait plannifier le développement équilibré des territoires et stoper d’urgence l’hyper concentration des emplois ! toujours plus de métropolisation au détriment des autres territoires, mais pourquoi ??

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    • Félix WEYGAND Félix WEYGAND

      C’est ça kulkulkan : on devrait émietter encore un peu plus pour accentuer le mitage urbain, les problèmes d’assainissement, de transport et d’autres infrastructures de réseaux pour accroitre le gaspillage des ressources ! Bonne idée !

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    • petitvelo petitvelo

      @Félix
      Il y a d’autres trajectoires possibles que des métropoles entourées de déserts sauvages, ce qui oblige au passage à reconstruire de l’habitat alors qu’il en existe ailleurs. Un modèle de vie avec des villes de 10 à 50 000 habitants, plus proche de ce qui existe en Allemagne avec plus de PME … Et puis autant le dire, on vit majoritairement mal dans une métropole.

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    • Félix WEYGAND Félix WEYGAND

      Petit vélo, je ne veux pas dire qu’il n’y a pas un équilibre à trouver entre une concentration totale et un mitage total. En France c’est surtout l’énormité de Paris par rapport au reste du territoire qui est une bizarrerie.
      Mais si on vit souvent mal dans les métropoles, c’est bien que faire la (grande) ville confortable et durable est sans aucun doute l’un des principaux enjeux de la lutte et de l’adaptation au changement climatique ET de la résorption des inégalités (https://en.wikipedia.org/wiki/Doughnut_(economic_model). Disperser les humains et leurs activités sur le territoire coûte cher en ressources, pollue et appauvrit la biodiversité, et ne génère pas nécessairement plus de bien-être pour les populations (voir ce qui a motivé la colère des “gilets jaunes”).
      L’Allemagne, deux fois plus dense que la France, a 1/3 de sa population dans des villes de plus de 100 000 habitants (près de 2 fois plus de villes de plus de 10 0000 que la France). Hambourg ou Munich sont l’équivalent d’Aix-Marseille en population, Berlin le double. Mais effectivement le modèle allemand peut être riche d’enseignement.

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  3. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    Oui et non, Brallaisse… C’est un petit million d’€, donc pas de quoi pavoiser mais ce n’est pas la peine de cracher dessus non plus. C’était un concours où il y avait d’autres candidats sérieux, donc tant qu’à faire, autant que ce soit Aix-Marseille qui le gagne.
    Les vrais problèmes sont bien ceux évoqués par l’article : la capacité d’innovation, scientifique, technique, humaine, imaginative existe très fortement sur notre territoire (je regarde mes étudiants en train de composer en même temps que j’écris : je l’ai sous les yeux !), mais elle a beaucoup de mal à diffuser et à produire du développement économique et social endogène. On sait pourquoi : les acteurs sont en désaccord et sont plus attachés à faire des coups (dont ce prix) qu’à travailler au long cours pour résoudre les “problèmes de fond” : transport, dispersion et non qualification des sites, construction d’une politique territoriale de ressource humaine dès l’école (de la trentaine d’étudiant-e-s sous mes yeux, je crois qu’aucun n’est issu de la métropole ni n’a l’intention d’y rester quand ils seront diplômés dans 9 mois…)

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    • Alceste. Alceste.

      Comment leur donner tort ?
      Depuis que je suis tout petit j’ai entendu que notre ville ( métropole) avait des atouts formidables, des ressources immenses, des potentialités énormes avec des “Marseilles” capitales de ceci ou de cela.A la sortie, Nada,Nibe,Niente, sinon une politique de développement basée sur le ” bronze cul” et la venue de croisieristes déguisés en ” marcel”.
      Alors oui,comment leur donner tort.

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  4. ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

    Des promesses et du vent. Ah ca oui Vassal mérite son prix. En innovation du m’enfoutisme elle est championne.
    Et Parakian, c’est quoi sa contribution ? La multiplication des lots à construire sur la Corniche ? ou la location a prix d’ami de sa villa pour les séries Netflix ?

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  5. Alceste. Alceste.

    Cher Félix, il faut vraiment relativiser de relativiser le montant du prix ,1 million d’euros.
    La mémoire ne vous fait pas défaut, mais je vous rappelle au passage le chèque de Vassal au profit de la Barben 2 300 000 euros .
    Alors le million cela contribuera à payer les frais de déplacements des guignols présents sur la photo.

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  6. Marc13016 Marc13016

    Dans ce petit monde feutré du soutien à l’innovation, on aurait avantage à se tourner aussi vers les innovations sociales : par exemple, l’après M, scopti. Ces genres d’initiatives sont de vrais innovations. Mais elles ne savent pas “racler” les aides européennes. Le personnel qui a décroché le prix devrait aller les voir et monter des dossiers. C’est leur boulot, l’habillage aux couleurs européano-innovantes.

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  7. petitvelo petitvelo

    Si c’est un prix sur dossier sans trop regarder derrière les pancartes “ici bientôt …” , c’est donc plutôt un “prix d’intention” : on devrait le gagner pendant 50 ans facile ;o)

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