L’écologie urbaine à Marseille (suite)

VOIR LE PAYSAGE URBAIN

Billet de blog
le 2 Juil 2017
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Il y a quelque temps, nous avions engagé, pour « Marsactu », une réflexion sur ce que pourrait être une écologie urbaine à Marseille. Nous poursuivons aujourd’hui cette réflexion en abordant la question du paysage urbain.

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Un paysage, c’est une approche esthétique de l’espace, c’est un espace qui ne se donne pas seulement à habiter et à utiliser, qui n’a pas seulement une dimension économique ou politique, mais qui a la dimension d’une image, d’une scène, que l’on regarde – et que l’on prend plaisir à regarder. C’est, d’ailleurs, ce que disent les anglais en parlant, à propos du paysage, de « scenery », comme s’il s’agissait d’une mise en scène.

Un paysage urbain n’est pas tout à fait comme un paysage naturel ou comme un paysage de campagne, de montagne ou de mer, car c’est un paysage entièrement construit, et, donc entièrement mis en scène. Un paysage urbain est un paysage entièrement social et culturel, qui appartient entièrement aux logiques de pouvoir qui régulent l’espace et lui donnent ses valeurs, ses formes et ses codes.

L’architecture et les constructions

Le paysage d’une ville est fait, d’abord, d’architecture. Ce sont les maisons et les monuments qui façonnent la paysage de la ville, et, en ce sens, il s’agit bien d’un espace construit. Le paysage d’une ville est construit par la main des hommes qui habitent la ville, il est mis en scène par les monuments qui y expriment des logiques politiques artistiques permettant de comprendre la ville. C’est ainsi que l’on peut lire l’histoire de Marseille en parcourant les époques de sa construction dans la multiplicité de ses paysages, de la Marseille antique dont on découvre les restes des paysages derrière la Bourse ou sous le chantier récent du boulevard de la Corderie, à la Marseille du Moyen Âge ou de la Renaissance dont il reste quelques vestiges dans le quartier du Panier, puis à la Marseille des XVIIème et XVIIIème siècles qui peut se lire dans des hôtels particuliers, dans des quartiers ou dans l’Hôtel de Ville. La Marseille du renouveau économique du XIXème siècle, du commerce et de son port se lit dans les paysages de la Joliette, de la Bourse ou de la rue de la République, tandis que la Marseille contemporaine se lit dans l’incroyable désordre architectural des constructions et des aménagements de nos derniers temps.

Les réseaux et les parcours de la ville

Par ailleurs, le paysage d’une ville, ce sont des rues et des vois de circulation. Du réseau en treillis des petites rues du Panier aux rues larges de la Marseille du XIXème siècle et aux rues contemporaines qui reflètent dans les circulations le désordre de l’architecture et de l’aménagement, on peut suivre l’évolution de l’économie, des métiers et des relations sociales à travers l’aménagement des voies de circulation et les modèles qu’elles suivent, de la même façon que l’on peut lire ces logiques et ces normes à travers les réseaux des transports en commun qui se succèdent les uns aux autres, sans finalement changer de structures profondes. Mais, surtout, ce qui est important dans l’aménagement de ces parcours, c’est qu’ils imposent, finalement, des sortes de contraintes et de normes à l’usage de la ville. C’est ainsi, par exemple, que la rue de la République a imposé, au XIXème siècle, la coupure de l’espace urbain du Nord du Vieux-Port en deux espaces séparés l’un de l’autre par la voie d’accès la Joliette qui devenait le centre économique de la ville, ou que, dans le Sud, le tracé de la rue d’Endoume qui serpente à travers les quartiers urbains de Saint-Victor à la mer, permet de suivre l’histoire de l’aménagement de cette part de l’espace urbain.

Les codes et les significations des paysages de la ville

On s’en rend compte en le parcourant ainsi, un paysage urbain est peuplé de significations que le regard cherche, consciemment ou inconsciemment, à lire et à comprendre. La mer est sans doute le code le plus ancien à comprendre. Le code le plus important car il est permanent à Marseille et il est sans doute le plus ancien est la façon dont la mer s’inscrit dans la ville en lui imposant des orientations, des tracés et des parcours. Finalement, la mer est le code qui permet de comprendre à la fois l’histoire de la ville et les aménagements successifs de l’espace urbain. Mais on peut aussi comprendre l’histoire de la ville en lisant les différents usages de la mer dans l’espace urbain – de la mer commerciale à la mer de la pêche à la mer des bateaux de tourisme ou de voyageurs.

Le paysage urbain de Marseille a aussi une signification économique et politique. C’est ainsi que le paysage urbain connaît des déplacements des centres de la ville : situé autour du Vieux-Port, en particulier par l’Hôtel de Ville et la Bourse, le paysage urbain connaît un déplacement des lieux de pouvoir vers la Joliette et vers la rue de Rome et la préfecture, pour connaître, aujourd’hui, de nouveaux déplacements, en particulier vers le Sud avec le Prado ou vers le Nord avec les usages des quartiers de la presse ou de certains partis politiques. Mais ces déplacements des usages des quartiers de la ville s’accompagnent de transformations de l’aménagement des paysages urbains.

C’est ainsi que les codes des paysages urbains, à Marseille, s’ordonnent autour de quatre éléments qui permettent de comprendre leur signification. Le code de l’habitation permet de comprendre la succession des installations des maisons, de leur construction et de leur disposition dans l’espace. Le code des transports permet de comprendre la succession dans les lieux et le temps des usages sociaux de l’espace. Le code de l’économie permet de comprendre la succession des valeurs de l’espace et la dimension professionnelle des usages des lieux de la ville. Enfin, le code du politique permet de comprendre comment les paysages de Marseille permettent de lire les lieux des pouvoirs et celui des oppositions à eux, qu’il s’agisse des pouvoirs institutionnels ou des pouvoirs religieux, qu’il s’agisse des contre-pouvoirs des partis et des syndicats ou des contre-pouvoirs des oppositions de tous ordres.

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