Marseille et la mer

UN AVENIR ÉCONOMIQUE FONDÉ SUR LA MER

Billet de blog
le 4 Juin 2017
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Un événement récent pousse à réfléchir sur l’avenir économique de la mer et, de cette façon, sur ce que pourraient être les voies qui s’offrent à Marseille pour une renaissance de son activité maritime, en lui faisant retrouver ce que l’on peut appeler l’économie de la mer

L’activité des croisiéristes

Hier, au Havre, était baptisé le « M.S.C. Meraviglia », plus gros paquebot de l’armateur suisse M.S.C., de 167 000 tonneaux (Un tonneau, unité de mesure du volume des bateaux, représente 2, 83 m3), qui peut accueillir plus de 5700 passagers. Sans doute s’agit-il du plus gros paquebot en circulation aujourd’hui. Il s’agit du plus gros paquebot européen. À titre de comparaison, le « France », qui fut, de 1962, date de son lancement, à 2003, le plus gros paquebot du monde, avait un tonnage de 66 300 tonneaux et pouvait accueillir 2032 passagers. Cet événement, qui représente une activité importante pour l’industrie navale française, mérite d’être signalé, mais il faut aller au-delà, et réfléchir, à partir de ce lancement, sur ce que l’on peut appeler l’avenir économique de la mer et ce qu’il représente pour l’avenir économique d’une ville comme Marseille.

Ce qu’il faut noter, d’abord, c’est que ce sont les croisières, désormais, qui constituent l’activité la plus importante du marché de la mer. C’est une mutation considérable qui s’achève ainsi. En effet, cela marque une forme de réorientation de l’activité maritime, et, au-delà, de l’industrie navale, qui s’inscrit, désormais, ainsi, dans le domaine des loisirs et du tourisme et non plus dans le domaine de l’activité que représentait ce que l’on appelait auparavant la marine marchande. Ou plutôt disons les choses autrement : la marine est toujours une marine marchande, inscrite dans l’activité économique du marché, mais cette activité marchande ne sert plus à transporter des personnes en cours d’activité économique, elle ne sert plus de moyen de transport au travail des acteurs de l’économie, mais elle sert, désormais, à leurs loisirs. Si ce sont les croisiéristes qui dominent désormais l’activité marchande de la mer, c’est que les transports maritimes ont changé de statut ou de place dans l’économie : ils s’inscrivent désormais dans la part de l’économie qui est celle du loisir.

La conteneurisation des marchandises

Mais cette mutation de la signification économique du transport maritime des personnes accompagne une autre mutation économique de la mer : celle du transport des marchandises. Dans la marine marchande, ce sont les porte-conteneurs qui occupent désormais la place la plus importante des navires de commerce. Cela a trois significations qu’il importe de relever. La première est une forme d’anonymisation ou d’invisibilisation des marchandises transportées, et, au-delà, une sorte de neutralisation des spécificités des marchandises. Finalement, dans le cas des porte-conteneurs, peu importe ce qui est transporté, on ne voit pas ce qui est transporté : ce que l’on voit, ce sont des conteneurs, que l’on peut tout juste dénombrer, sans en percevoir le contenu. La deuxième signification de la conteneurisation est l’inscription de la mer dans des cycles de transport et de déplacements. En effet, les conteneurs quittent les bateaux pour être transportés, à leur arrivée, par des camions ou par des trains, voire par des avions : la mer est, ainsi, reliée immédiatement aux autres voies de transport. Enfin, les conteneurs font perdre la spécificité des bateaux et des ports et les particularités de leurs installations et de leurs activités, dans une universalisation du déplacement des marchandises. Sans doute, d’ailleurs, l’usage du terme « logistique », emprunté dans les années soixante au lexique militaire et stratégique pour désigner l’activité économique du transport représente-t-il un aspect de cette évolution de la place du transport et du déplacement dans l’économie. Finalement, la conteneurisation des marchandises implique un déplacement de la valeur : aujourd’hui, le déplacement et le transport font autant partie de la valeur des marchandises que leur production ou leur usage.

La place de la mer dans l’économie et dans la ville

C’est ainsi, finalement, la place de la mer dans l’économie et, en particulier, dans l’économie d’une ville comme Marseille, qu’il importe de repenser. On suggérera ici quatre pistes pour cela. La première est, sans doute, qu’il importe de ne pas trop céder aux sirènes du loisir, des croisières et du tourisme et de ne pas y réduire l’activité économique de la mer. Pour cela, sans doute importe-t-il de tenter de penser la façon dont inscrire de nouveau les parcours maritimes dans l’économie et dans les échanges. La deuxième piste qui permettrait d’imaginer un renouveau économique de la mer serait de mieux articuler l’activité maritime, le changement climatique et l’évolution des usages de l’énergie. Une troisième piste consisterait dans l’élaboration d’une activité de culture et de recherche liée à la mer. Marseille pourrait, ainsi, être le lieu où s’instituerait une structure d’échanges et de circulations des médias, des savoirs et des cultures liés à la mer dans les pays méditerranéens. Une dernière piste de réflexion, propre à Marseille, sera, sans doute, de repenser l’économie de la Méditerranée. Il est temps, désormais, de ne pas laisser la Méditerranée se partager entre la guerre et les croisières, mais de chercher ce que pourrait être son identité économique.

Sans doute s’agit-il là d’un projet qui pourrait nourrir le débat lié aux élections législatives, et, au-delà, aux élections municipales à Marseille, qui devront bien engager le débat sur l’avenir de la métropole et sur son identité économique.

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