UN AN APRÈS LA RUE D’AUBAGNE : TROIS TEMPS SE RENCONTRENT

Billet de blog
le 3 Nov 2019
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Les élections municipales ont lieu demain

UN AN APRÈS LA RUE D’AUBAGNE : TROIS TEMPS SE RENCONTRENT

Trois temps se rencontrent en cet anniversaire : le temps des habitants, de celles et de ceux qui vivent à Marseille, qui, plus encore, vivent Marseille, qui connaît ces jours-ci le premier anniversaire de la disparition des immeubles de la rue d’Aubagne et de ceux qui y demeuraient, le temps de la municipalité, qui est dans l’attente des élections municipales qui auront lieu en mars, et puis un troisième temps, le temps de la ville, le temps de la mémoire de Marseille et de son histoire, qui est un peu le temps long dont parle l’historien de la Méditerranée, Fernand Braudel. Il nous fait nouer ces trois temps, aujourd’hui.

 Un an après : le temps de ceux qui vivent Marseille

Le 5 novembre, après-demain, il y aura donc un an, deux immeubles s’effondraient, rue d’Aubagne, dans le quartier de Noailles, en plein centre de Marseille. D’abord, tout simplement, il n’était pas possible de ne pas évoquer cet événement dans ces propos du dimanche, dans Marsactu. C’est un peu une façon de rendre un hommage d’anniversaire à celles et à ceux qui ont péri dans cet effondrement, et de témoigner de la solidarité à l’égard des autres victimes, de celles et de ceux qui ont perdu leur maison, leur foyer, et qui sont encore à la recherche d’une nouvelle habitation. Mais, un an après, le temps de l’anniversaire est aussi le temps du bilan, le temps de pleinement se demander ce qui a été véritablement entrepris.  Force est de constater que rien n’a été véritablement engagé, sinon, bien sûr, les mesures immédiates. C’est le temps de l’urgence qui a dominé les jours qui ont suivi la catastrophe, mais aussi l’année qui s’achève. Mais le temps de l’urgence n’est pas le temps politique : le temps de l’urgence n’est pas celui du politique, car il est le temps des mesures immédiates, des mesures que l’on prend pour parer au plus pressé. Ce n’est pas le temps du politique car ce n’est pas le temps du débat et de la réflexion, ce n’est pas non plus le temps du politique car c’est un temps que l’on ne maîtrise pas. Mais ce temps de ceux qui vivent Marseille n’est pas compris par les acteurs du pouvoir, qui n’en prennent pas véritablement la mesure : en cherchant à « reloger » les habitants de Noailles chassés de chez eux par la disparition de leur immeuble, les acteurs des pouvoirs leur font comprendre qu’ils vivaient dans des lieux sans valeur, que l’on peut remplacer par d’autres, ils ne cherchent pas à comprendre le sens que ces immeubles pouvaient avoir pour ceux qui y vivaient, car ils n’ont pour seule réponse que celle du sparadrap sans donner de sens à la blessure. Mais, dans le temps de ceux qui vivent Marseille, et, à cet égard, il s’agit, bien sûr, de ceux qui vivent à Noailles, mais aussi de l’ensemble des habitants de la ville qui se retrouvent dans cet anniversaire, l’anniversaire est le temps des questions, des premières véritables tentatives de bilan et de compréhension, avec le commencement du recul, mais aussi, il le faut, avec le retour de la dignité.

Le temps de la municipalité et du politique

Il se trouve que ce temps de ceux qui vivent Marseille, frappé par les événements qui se sont déroulés il y a un an, est aussi, cette année et l’an prochain, le temps de la municipalité, celui des pouvoirs, car c’est le temps des élections municipales, qui ont lieu en mars. C’est toute la politique de l’urbanisme, de l’aménagement et du patrimoine architectural, en débat à l’occasion de ces élections et du remplacement de la municipalité, qui est nécessairement marquée par les événements de la rue d’Aubagne. C’est bien pourquoi, en plus de l’hommage que ces lignes entendent exprimer à l’égard des victimes des effondrements et des expulsions, ces quelques mots trouvent leur place dans l’ensemble des réflexions proposées ici à l’occasion des élections municipales. Trois questions sont, en particulier, posées en cet anniversaire, au cours du débat sur la politique municipale. La première est celle du patrimoine architectural et de la reconnaissance de sa valeur et de sa signification. Les immeubles et les constructions d’une ville ne se jettent pas comme on jette des vieux papiers : ils doivent faire l’objet d’un véritable entretien, à la fois pour que de tels événements ne se reproduisent pas et pour que la ville reconnaisse pleinement sa mémoire et son histoire, se les approprie réellement, que ces élections soient l’occasion de cette forme de reconnaissance. La seconde question est celle du projet architectural et urbain du centre de Marseille. Il importe que le temps de la municipalité soit aussi le temps du projet et le moment d’imaginer le futur du centre de la ville. Enfin, le temps politique et de la municipalité, celui des pouvoirs, est temps de la confrontation, voire de l’affrontement, entre les projets : au cours de ce débat, c’est toute une pluralité d’idées sur la ville qui doivent se rencontrer, pour que les citoyens choisissent ceux d’entre eux auxquels ils adhèrent.

Le temps de la ville

C’est le troisième temps qui se manifeste, un an après : il s’agit du temps de la ville, de sa culture, celui de sa mémoire, celui de son identité et de sa culture. Pour une ville comme pour tout le monde, la culture est l’expression de l’identité. C’est pourquoi, quand le centre de la ville est atteint comme l’a été celui de Marseille il y a un an, c’est toute l’identité qui est atteinte, qui est frappée, qui a à se reconstruire. Le temps de la ville est celui de son image, de ce qui la représente, à la fois pour elle-même et pour les autres, à la fois pour celles et pour ceux qui y habitent et pour celles et ceux qui la visitent. Le temps de la ville, à Marseille, est un temps qui se perd dans une forme d’infini, un temps qui remonte à l’Antiquité, un temps dans lequel Marseille comprend qu’elle est l’héritière de Phocée, qu’elle a toujours vécu dans un temps de voyages et de rencontres. Le temps de la ville – c’est ce qu’il importe de comprendre aujourd’hui, un an après les effondrements, est un temps qui, à Marseille, connaît une sorte de pérennité, qui survit à tous ces événements, et qui montre que la ville, un peu grâce à sa mémoire et à sa culture, est un temps de patrimoine et un temps d’histoire. C’est de cela que nous devons être pleinement conscients en cet anniversaire, c’est cela qui doit nourrir notre engagement : habiter Marseille a toujours, ainsi, un peu une signification politique.

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