Soyons fous

Un matin, le chercheur immigré à Marseille se réveille et constate que le paysage a changé. Il y a quelques semaines encore, le jeu semblait figé. En toute morosité Macron allait à la présidentielle, main dans la main avec la bleue Marine et Darmanin en postillon d’amour. La romance était écrite de longue date, le président avait mis en bal musette toutes les obsessions de l’extrême droite. Marine voyagerait donc en wagon-lit au deuxième tour. Sur quoi Macron dirait «Moi, moi, moi ou le fascisme», pacte républicain et tralala, marche triomphale du Louvre, remake. Et cinq années de barbarie néolibérale en rab.

Mais voilà, se produisit (non, nous ne parlerons pas de l’affreux Zemmouri, soldat radicalisé de la multinationale Bolloré) une irrésistible remontada. Pas de l’apiculteur nationaliste mais du vieil instituteur. Consistance dans l’effort, parole à giorno, beaucoup de compagnons brillants (surtout des compagnonnes en réalité) et un programme en vibration avec le nouveau monde créolisé, c’est-â-dire avec le Vivant contre le capitalisme mortifère. Et on se surprend à penser que cela aurait de la gueule, une mêlée droite-gauche, Macron contre l’Union Populaire (« Ne criez pas mon nom, je sais qui je suis ! »). Fin de la monarchie. Rebaptisez la place de la Concorde. Vivement la 6ème République ! On n’ose pas encore y croire vraiment.

Mais le mérite de Mélenchon est là. Il a jeté une lumière crue sur ceux qui avaient usurpé l’histoire de la gauche. Heureuse clarification. La très neolibérale social-démocratie française (et autoritaire dans sa version catalano-suisse) sort de l’histoire. Il était temps. Et pas moins historique : l’écologie a laissé derrière elle EELV. Belle émancipation. En dépassant les Verts elle pourra enfin jouer son rôle décisif pour la survie de l’humanité.

Et puisque la droite, toutes nuances confondues, a entamé sa « recomposition », changeons de vocabulaire. Dire « la gauche » n’a plus beaucoup de sens si le terme inclut les restes du PS und les Verts pro-capitalistes. Disons plutôt: le parti du Vivant contre le parti de la Mort. Soyons fous. Votons le Vivant dès le premier tour.