Sauveteurs en mer : la timide féminisation d’une activité d’hommes

Billet de blog
par Celsud
le 2 Fév 2022
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À Carro, près de Marseille, la société nationale des sauveteurs en mer ne compte que 4 femmes sur une équipe de 27 bénévoles, symptôme d’une mixité encore faible, même si elle progresse.

Sauveteurs en mer : la timide féminisation d’une activité d’hommes
Sauveteurs en mer : la timide féminisation d’une activité d’hommes

Sauveteurs en mer : la timide féminisation d’une activité d’hommes

 Article publié en partenariat avec le Celsa – Sorbonne Université, école de journalisme, et le projet Celsud, blog de reportages à Marseille des étudiants en Master 2. 

Elle est la seule femme sur le canot. Parée de l’emblématique parka orange des sauveteurs en mer, Natacha Mary, s’active sur le pont au milieu de ses coéquipiers de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). Elle s’inscrit ainsi dans la tradition familiale, alors que son père était déjà sauveteur en mer. La bénévole de 27 ans s’est engagée il y a quelques mois, après un incendie géant qui a ravagé les côtes de Carro, près de Marseille. “Quand mon père est rentré de cette intervention et qu’il m’a décrit les horreurs qu’il avait vu, les gens qui avaient tout perdu à cause du feu, je me suis sentie impuissante.”

Depuis, la mécanicienne de profession partage son quotidien entre les réparations de voitures et les exercices en mer. A chaque intervention, elle met ses compétences au service de l’équipe : ainsi, au retour du navire à quai, c’est elle qui change les essuie-glace du poste de pilotage. Habituée à travailler entourée d’homme, elle apprécie leur compagnie. Mais, elle l’avoue, elle aimerait que le nombre de femmes engagées parmi les sauveteurs en mer soit plus grand.

A Carro, seuls 4 sauveteurs opérationnels sont des femmes, sur une équipe de 27. Dans la station de Marseille, une seule femme travaille parmi 17 sauveteurs. Et à l’échelle nationale, uniquement 13 % des bénévoles envoyés au large sont de sexe féminin. Cela 12 ans après la première bénévole féminine, engagée à l’époque pour s’occuper de la boutique. La mixité a donc progressé à bord des cannots de la SNSM. Mais dans ce milieu d’hommes, la parité reste encore une utopie.

“Les régates, ce n’est pas féminin”

Si la société a évolué depuis l’ouverture de cette station, certaines habitudes demeurent: « C’est plus facile pour les hommes de quitter le foyer. On a davantage l’habitude que les femmes gardent les enfants », explique Nicolas Jarossay, patron de la station du Carro.

Beaucoup de ceux qui postulent sont issus du milieu du nautisme et « les régates, ce n’est pas féminin », ajoute Émilie Bourgeois, bénévole depuis deux ans. Parmi les quatre femmes opérationnelles de la station, aucune n’utilise d’ailleurs le féminin du mot “sauveteur” pour se définir.

En tant que bénévole, Natacha Mary s’occupe des interventions d’aide à la personne mais aussi de la mécanique sur le canot. Julia Courtois

Pourtant, la présence des femmes est nécessaire selon Emilie Bourgeois : « Un peu de femmes, ça aide à calmer les égos. » La mixité est même appréciée : « Quand on a une victime, le contact se fait beaucoup mieux de femme à femme. Si on doit la déshabiller parce qu’elle est en hypothermie, ça permet plus d’intimité », explique Nicolas Jarossay.

“Elles ne sont pas là pour faire le ménage”

La plupart des sauveteurs vantent même des qualités d’écoute et de compassion, davantage propres aux femmes selon eux. Et malgré les chiffres, la plupart estiment qu’il n’y a aucun problème de mixité. « Je ne me sens pas en minorité parce que les quelques femmes présentes sont très actives, assure Émilie Bourgeois. On laisse autant de place aux femmes et aux hommes. On nous propose les mêmes formations, les mêmes opportunités, le même accompagnement.»

Les efforts physiques à accomplir ne sont pas source de discrimination : « Je suis capable de faire autant que mes coéquipiers », assure la bénévole. « A bord, on ne fait pas de différence. Elles ne sont pas là pour faire le ménage », martèle Nicolas Jarossay. Le mot d’ordre reste inchangé : « La porte est ouverte à tous ceux qui le veulent. »

Un volontariat moins important chez les femmes

La porte vers le bénévolat à la SNSM est de plus en plus empruntée par les jeunes femmes, notamment via les formations de préparation au sauvetage sur les plages. Lors d’une séance à la piscine de Liourat à Vitrolles, Ludovic Laurie, formateur, ne remarque même pas que 5 des 15 élèves de son groupe sont des femmes.

Pour le directeur du centre de formation de Virolle, Patrick Cuillère, le frein ne vient pas de la sélection lors des tests physiques : « Tout le monde est logé à la même enseigne. Mais on remarque que le volontariat est moins important chez les filles. »

A la piscine de Liourat à Vitrolles, cinq jeunes femme s’entrainent parmi une dizaine de garçons. Lise Cloix

Cette hésitation se mesure au profil des candidates. Les filles semblent se sentir plus légitimes lorsqu’elles sont déjà nageuses, contrairement aux garçons, moins farouches à l’idée de se lancer dans la formation sans avoir pris de cours de natation, selon Flavien de Maisonneuve. « Sur dix filles on va avoir six nageuses. Sur dix hommes on ne va en avoir que deux. Les autres sont athlètes, judoka ou coureurs par exemple », explique le formateur.

“Si je me suis engagée, c’est uniquement parce que je savais que j’avais un bon niveau en natation”, raconte Victoria, 17 ans. La jeune femme en formation a été agréablement surprise : “Je pensais qu’il y aurait beaucoup plus de garçons.” Elle rejoindra l’été prochain les 30% de femmes bénévoles qui se sont engagées au sein de la SNSM dans la surveillance du littoral.

Lise Cloix

 

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