Procès du drame de la rue d’Aubagne : la Ville doit faire face à sa responsabilité
À l’heure où la justice examine la responsabilité des personnes mises en cause dans les effondrements de la rue d’Aubagne, nos organisations — un Centre-ville pour tous, le Collectif du 5 novembre, la Ligue des droits de l’Homme Marseille et Marseille en colère — mobilisées en matière de lutte contre l’habitat indigne ont les plus grandes difficultés à comprendre les positionnements adoptés par la Ville de Marseille à cette occasion.
Une Municipalité victime et responsable d’un même drame ?
La première difficulté tient au choix de la Ville de Marseille de se constituer partie civile à ce procès. C’est-à-dire qu’elle y revendiquera le statut de victime des effondrements de la rue d’Aubagne. Un tel positionnement a sans doute surpris plus d’un·e Marseillais·e : beaucoup s’attendaient sûrement à voir plutôt la Municipalité sur le banc des accusés.
Il faut tout d’abord comprendre que la seule raison pour laquelle la Ville, en tant qu’institution, n’est pas poursuivie est que la loi instaure une irresponsabilité pénale des collectivités territoriales en matière de police administrative, telle que la police de la sécurité des immeubles.
Le fait que la Ville ne puisse pas voir sa responsabilité pénale engagée n’enlève donc rien à sa responsabilité réelle dans la survenance de ce drame, à côté de toutes les autres responsabilités individuelles qui y ont
concouru et que la juridiction cherchera à établir.
La posture adoptée par la Ville ne fait qu’apporter de la confusion dès lors qu’elle se présente comme victime de l’habitat indigne qu’elle a elle-même laissé prospérer. Cela participe également d’une déresponsabilisation de l’institution en la matière, comme si ce drame n’avait été causé que par quelques manquements individuels isolés. Cela témoigne enfin d’une démarche qui tend à gommer le caractère systémique de l’habitat indigne, en minimisant les causes structurelles, ce qui revient à vider le dossier de son caractère politique.
Faire œuvre de transparence ou clamer son innocence
La seconde difficulté concerne la ligne de défense choisie par Marseille Habitat. À l’annonce de la mise en examen du bailleur social municipal, sa présidente et adjointe au Maire, Audrey Gatian, déclarait : « Notre objectif est de faire toute la transparence sur ce drame. Nous sommes aux côtés de la justice. »
À l’aune de ces déclarations, nous étions en droit de nous attendre à ce que Marseille Habitat coopère pleinement avec la justice et œuvre à la manifestation de la vérité en communiquant tous les éléments en sa possession, à charge et à décharge, et que cette société laisse la juridiction apprécier si ses défaillances et ses manquements engageaient ou non sa responsabilité pénale et si elle devait être déclarée coupable.
Aussi, c’est avec stupéfaction que nous apprenions à l’ouverture du procès que Marseille Habitat plaiderait finalement non coupable.
Rappelons que Marseille Habitat est une société d’économie mixte de la Ville de Marseille, qui la dirige et la détient majoritairement. C’est donc la Ville de Marseille qui a fait le choix de soutenir la thèse de l’innocence de Marseille Habitat, orientant ainsi nécessairement les débats, plutôt que de s’en tenir à une démarche de transparence et de coopération avec la justice, tel qu’initialement annoncé.
Quand l’incohérence s’ajoute à l’incompréhension
Non seulement l’une et l’autre de ces positions sont difficilement compréhensibles pour nous, mais en les rapprochant l’une de l’autre, la situation devient alors totalement incohérente. Elles conduisent en effet la Ville à soutenir simultanément deux thèses contradictoires et opposées : la culpabilité et l’innocence de Marseille Habitat.
En tant que partie civile, la Ville de Marseille conclut à ce que Marseille Habitat soit reconnue coupable d’homicide involontaire, blessure involontaire et mise en danger délibéré de la vie d’autrui. Elle demande à ce que sa propre société soit condamnée à lui verser un euro symbolique au titre du préjudice qu’elle aurait subi.
Mais en tant que dirigeant de Marseille Habitat, elle soutient que cette société devrait être déclarée innocente de ces mêmes infractions.
Le procès historique qui s’est ouvert exige de faire face à ses responsabilités et de faire preuve de sincérité, de clarté et de cohérence. À cet égard, nos organisations ne peuvent que déplorer les choix stratégiques de la Ville de Marseille qui ne font qu’apporter de la confusion dans la procédure et alimentent une déresponsabilisation des pouvoirs publics en matière d’habitat indigne. Ces choix conduisent à brouiller le rôle et la place des services de la Ville de Marseille dans la lutte contre l’habitat indigne, en évacuant la dimension systémique et politique, pour mettre en avant les seules responsabilités individuelles.
Signataires : un Centre-ville pour tous, le Collectif du 5 novembre, la Ligue des droits de l’Homme Marseille, Marseille en colère
Commentaires
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Excellent communiqué !
Merci aux collectifs.
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En même temps je vois pas trop comment l’entité Morale Ville aurait pu plaisir coupable.
Et sa stratégie est claire : la Ville pas coupable, mais Marseille Habitat, oui.
Une société, il me semble, n’est pas la Ville même si elle lui appartient.
Elle est gérée différemment et par d’autres personnes.
Les élus de la majorité actuelle ne peuvent absolument pas reconnaître la culpabilité de la Ville, c’est à dire de ses fonctionnaires au risque de rendre la Ville insoutenable.
Il me semble que c’est justement toute la compkexite …
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A cette collectivité mal placée dans les parties civiles s’ajoute l’absence de nombreux propriétaires…
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