Pitchu, le clippeur star de Félix-Pyat

Billet de blog
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le 11 Mai 2018
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Réalisateur de clips, passionné par le rap et la photo, Pitchu a grandi entre Mayotte et les quartiers Nord de Marseille. Autodidacte, il a abandonné une carrière dans la vente pour vivre de sa passion : tourner des clips et des vidéos. Pari réussi depuis trois ans, en attendant la prochaine étape : monter sa propre boîte de production.

Pitchu, le clippeur star de Félix-Pyat
Pitchu, le clippeur star de Félix-Pyat

Pitchu, le clippeur star de Félix-Pyat

 « Pitchu », surnom de Pokémon que ses amis lui ont donné en référence à sa pugnacité et sa petite taille, n’est pas facile à attraper. Il nous reçoit chez lui, en plein travail, dans une chambre obscure enfumée par une chicha qu’il termine. Entouré d’écrans et de matériel informatique, il jongle entre sa souris et un téléphone portable qui n’arrête pas de sonner. Posés sur le lit, face à l’écran géant, des accessoires de tournage, une kalashnikov en plastique et un drone. Le jeune réalisateur de 26 ans, affublé d’un survêtement mauve de l’OM, gardera les yeux rivés sur son écran pendant toute la discussion.

« J’ai eu le choix de m’orienter en vente, mécanique ou secrétariat »

Originaire de l’un des quartiers les plus pauvres de Marseille, la Cité Félix-Pyat (3ème), Pitchu s’est découvert un intérêt pour la photographie au collège lors des sorties scolaires. « On prenait des photos entre potes, pour le délire, à l’époque avec des appareils argentiques » rembobine-t-il. Un destin improbable selon lui. « Evidemment, si j’avais su qu’on pouvait se former dans ce domaine, je me serais lancé ». Devant le manque d’information, il s’oriente vers un Bac Pro commerce. « J’ai eu le choix de m’orienter en vente, mécanique et secrétariat, regrette Pitchu. « On ne m’a pas expliqué qu’il existait d’autres filières » soupire-t-il, tout en reconnaissant ne pas avoir posé de questions non plus.

Autodidacte

Après son diplôme, il commence à travailler. « Vendeur ce n’était pas fait pour moi, je suis incapable de rester planté debout toute la journée » résume-t-il. En parallèle, il se forme de manière autodidacte au montage vidéo avec des tutoriels sur internet. Il réalise ses premiers clips et des prises de vues pour Alonzo et la Guirri Mafia, un groupe de rap originaire comme lui de la cité Félix-Pyat à Marseille. Lorsque ses clips atteignent les premiers milliers de vues sur YouTube, il fait naitre des vocations dans le quartier. « J’ai formé des potes sur le tas, comme moi, ils ont vu que c’était marrant de faire de la vidéo » reprend Pitchu, qui travaille dorénavant en équipe sur les clips aux plus gros budgets. En parallèle, il se lance dans la production de films de mariage. Une activité lucrative qu’il ne parvient pas toujours à assurer. « Je reçois des demandes pour réaliser des vidéos tous les jours, explique-t-il en nous montrant les nombreuses sollicitations sur sa page Facebook, je dois même refuser des tournages ».

« J’aimerais réaliser un film »

Pitchu lève enfin les yeux de son écran pour nous parler avec entrain d'une idée de scénario et de sa rencontre avec une réalisatrice le matin même. « J'aimerais réaliser un film sur l’histoire de l’AfroDanse, ça n’a jamais été traité en France ». L’avenir ce serait plutôt des films ? « Non, non, je veux quand même continuer les clips et les films de mariage, tout mener en parallèle ». Le jeune réalisateur est insatiable. Il nous montre fièrement un extrait de son dernier clip qui semble avoir été tourné à Miami, ambiances jolies filles et grosses voitures. On peine à reconnaitre la Pointe-Rouge tant la prise de vue et les images sont soignées. « C’est à la commande, selon le souhait du client, se dédouane-t-il. Mais j’écris aussi le scénario s’ils n’ont pas d’idée particulière ».

Amateur professionnel

Pitchu considère toujours son activité comme un loisir. Pour se lancer définitivement, il aimerait créer son entreprise. Mais il trouve les démarches compliquées, il rencontre peu de modèle de réussite autour de lui et ne sait pas par où commencer. A la Cité Félix-Pyat, 50% de la population active est au chômage. « Ceux qui vendent des stupéfiants dans le quartier m’ont proposé de me financer mais je préfère bosser tranquille dans mon coin, chacun son boulot » plaisante Pitchu, au moins ça évite de se faire courser par la police ». Même s’il ne semble pas toujours y croire, le réalisateur dégage une certaine fierté de sa réussite, notamment aux yeux de sa mère, qui apprécie de ne pas le voir « trainer à rien faire au quartier ». A la différence des dealers en bas de son bâtiment, quand la police essaye d’attraper Pitchu, c’est parce qu’il réalise des prises de vues avec son drone. « Dans le quartier ça passe, mais en centre-ville, sans autorisation, ils te courent carrément après ! » s’amuse-t-il. Le réalisateur est interrompu par une énième notification sur son téléphone. « C’est des petits jeunes du quartier, ils veulent que je leur fasse un clip ». Il ne maîtrise pas encore les codes du business, mais sait déjà s’adapter au marché. « Ils n’ont pas un euro, je ne vais pas leur prendre cher ».

Manuel Tourrenc & Laetitia Lanfranchi  

Commentaires

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  1. JulieLM JulieLM

    Sujet top, beau portrait et super photo ! Lu et partagé, avec les deux autres articles 🙂

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