Métèque et Mat
Métèque et Mat
J’avais rapidement évoqué l’histoire de ma famille dans ce billet de blog sur mon frère Smaïn qui avait été au cœur de l’actualité pour des accusations de misogynie et de séparatisme que je persiste à trouver absurdes.
C’est une fois de plus l’actualité qui me fait réagir. Une énième attaque contre les musulmans ou assimilés musulmans qui ne semble pas émouvoir grand monde.
Dans cette vidéo diffusée sur le compte Twitter Le Figaro TV, Pierre Manent « alerte » sur le danger des musulmans qui deviendraient trop nombreux au point d’être une menace sérieuse pour la laïcité si la tendance n’est pas renversée. Pendant cet extrait d’une soixantaine de secondes, il développe en toute détente son raisonnement sans qu’aucune contradiction ne soit apportée. Sans que personne autour ne lui rappelle que le racisme est un délit, pas une opinion.
Bien que je ne sois même plus choquée par cette islamophobie banalisée, je reste toujours ébahie par la créativité de ceux qui font désormais carrière sur la théorie du Grand Remplacement et qui n’hésitent pas à aller chaque jour encore plus loin dans l’immondice sous couvert de liberté d’expression.
Pour eux et leurs soutiens je ne serais pas française. Ou bien que de papier et mes croyances ne seraient pas compatibles avec les valeurs de la République qui consisteraient à boire du vin, manger du saucisson et porter une minijupe. M’aurait-on menti à l’École de la République ?
Ma famille est en France métropolitaine depuis 1946.
Mon grand-père a participé à la reconstruction du pays après la Grande Guerre comme d’autres personnes issues d’autres vagues migratoires. Il a fondé avec ma grand-mère une famille d’onze enfants dont est issu mon père, second de la fratrie et premier à être né à Marseille.
Mon père a été commerçant quasiment toute sa vie. Amoureux de livres et de cinéma, il a toujours épaté par sa culture et son bagout. Même avec sa maladie d’Alzheimer sa mémoire de pur marseillais est restée intacte. Il est toujours capable de nous montrer où il est né, où il a grandi et de nous raconter des tas d’anecdotes sur les vingt-six siècles d’histoire de notre ville.
Ma mère, elle, est arrivée en juin 1980. Elle parlait déjà français puisqu’elle était allée à l’école des sœurs près de Tlemcen. Comme elle n’a pas d’accent on me croit difficilement quand je dis qu’elle est née en Algérie. J’ai réalisé quand je vivais dans le Nord que ma mère a en fait un accent bien chantant.
Ils ont eu ensemble trois enfants : Smaïn, ensuite moi puis Sofia. Nous trois sommes français, plus précisément marseillais.
Notre éducation a été somme toute classique avec des valeurs et des règles assez communes : bien travailler à l’école, ne pas tomber enceinte à 15 ans et ne pas ramener la police. J’ai eu le droit d’avoir des amis, de sortir, de m’amuser, de m’habiller comme je veux et de ne pas me cacher pour vivre. Mes parents sont de bons vivants, très sociables et appréciés par ceux qui les côtoient.
Les deux sont pratiquants : les cinq prières quotidiennes, le ramadan, la zakat et même un voyage à la Mecque. Pourtant j’aurais pu me mettre en couple avec une femme ou un témoin de Jéhovah. Leur amour aurait été exactement le même.
Je ne compte plus les souvenirs avec mes tantes, mes oncles qui ont participé de manière active à ma construction. Autour de moi gravitaient tous ces gens qui fréquentaient des portugais, des grecs, des arméniens, des italiens, des français bien cocorico, des cathos, des juifs, des athées, des anars, des artistes… des marseillais. C’était ça, ma normalité.
C’est grâce à celle qui était de loin ma tante préférée que j’ai pu intégrer un collège plutôt huppé. Rabiha était en couple avec Denis qui sera mon prof de maths en 4e. Il lui avait expliqué qu’une dérogation était possible à condition que je fasse russe en LV1.
Et je n’ai pas été particulièrement dépaysée en changeant de secteur. Même avec une année d’avance j’ai toujours su coexister avec d’autres personnes qui n’étaient pas comme moi. Je découvrais le tcheurek et le laffa en même temps que je nouais mes premières amitiés avec des personnes avec lesquelles je suis restée en contact.
J’ai continué dans cette lancée dans ma vie adulte. J’ai parfois été la première amie arabe, musulmane à travers laquelle on découvrait qu’il n’existe pas un bloc uniforme arabo-musulman. J’ai parfois déçu en n’étant pas l’exotisme orientaliste auquel on aurait pu s’attendre.
L’arabe qui parle bien, l’arabe trop bien intégrée pour être comme ces autres arabes sauvages. Ou la musulmane qu’on tolère parce qu’elle n’essaie pas d’islamiser son prochain. Qui semble ouverte d’esprit parce qu’en couple avec un français. Même si ce n’est pas la forme la plus violente de racisme, cela n’en reste pas moins blessant. Je ne suis pas une exception. Et j’ai encore moins envie d’en être une pour des raisons aussi ridicules.
Toutes ces armes qu’on m’a donné font que je n’ai jamais eu honte de mes origines, de mes croyances, de tous ces morceaux qui font celle que je suis. Je suis même très fière de mon identité et ne compte pas changer pour plaire à des gens qui, dans tous les cas, s’obstineront à s’enfoncer dans leur bêtise crasse.
Alors à ceux qui ne voient en moi qu’une terroriste en puissance qui n’a qu’à rentrer dans son pays en Musulmanie si elle n’est pas contente : l’Arabe, elle t’emmerde. Et quelles que soient tes sensibleries JE PARTIRA PAS.
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