Sortie BD.
Mes châteaux d’If: Monsieur Léon
Mes châteaux d’If: Monsieur Léon
Vous connaissez Valentine Véron ? Non, et bien vous y gagneriez. Cette attachée de presse m’assomme littéralement, me presse d’envois de la maison d’édition pour laquelle elle travaille. Elle veut que je travaille ou quoi ?Tenez, fin d’été, je rentre à peine d’un stage de torse nu en Meuse que j’ai reçu pas moins de quatre nouvelles sorties de bande dessinée. Moi qui tout petit déjà était grand lecteur de Fluide Glacial dans un pays où je voulais juste rire et harceler mes copains avec un tube de stylo bic vide tant on s’ennuyait en classe, je relisais électriquement Pervers Pépère et me pliait en deux lors des passages de gags, comme le personnage de Gotlib. J’ai dû relire , allez sans mentir, mille et une fois les Idées noires de Franquin, à chaque fois, je criais au génie, mais qu’est-ce que j’ai pu rire. Et penser. Merde alors. J’ai dû attendre que Michel Constantin, l’armoire à glace qui tient un resto dans les films avec Ventura, comme Ne nous fâchons pas, s’éclipse pour voir son remplaçant, l’immense Daniel Prévost dans l émission Anagram, pour me dire que dans ce monde, il existait autre chose que la triste réalité, ou qu’un fou avait pris le contrôle de la télévision française. Anagram était un canular qui revenait tous les soirs. Une prise d’otages par l’armée du rire. Daniel Prévost débarquait après les sombres cours scolaires où aucun prof n’avait la moindre idée de ce que l’humour pouvait apporter au genre humain, sauf un, mon prof d’ histoire géo qui mouchait les jeunes fachos de ma classe.
Voyez le tableau. Donc Fluide, merci pour tous les fous rires donnés contre quelques piécettes que j’échangeais à la maison de la presse de mon quartier où les revues cochonnes binaires (Ah! le souvenir du playboy avec Pierrette Le Pen en soubrette en 1987) jouxtaient les Mickeys unisexes.
En lisant les aventures de Monsieur Léon, m’est revenu tout ça. Cette vie dont on ne sait pas quoi faire, qu’on trace pour nous. Monsieur Léon, le personnage, est un modeste employé qui a une vie secrète sous fond de Covid et de catastrophes sociales et environnementales. Quand il rentre chez lui, un autre univers s’ouvre, derrière le rideau lugubre de la société, en couleur, où il danse le tango, écoute du Pedro Vargas qui chante des rengaines populaires comme on chante de l’opéra, un poquito de tu amor.
Cha-cha-cha , Mambo, Léon n’est pas un rebelle mais un passant qui s’en fout, qui feint de ne pas être au courant de nos libertés confisquées sous épidémie ou sous mouvement social. Car ce que montre Monsieur Léon, c’est l’absence de liberté quelque que soit le prétexte. Certes le scénariste n’est pas remonté aux dix dernières années où nous avons passé une grande partie de notre temps sous régime spécial, entre attentats, loi travail, cassage d’ongles chez les Kardashian…pour culminer après la secousse Gilets jaunes par la plus grande opération de police mondiale réussie et avec consentement (le mot est à la mode). Il préfère ne pas comme Bartleby de Melville mais lui le vit bien. « L’inertie contre la marche du monde », raconte Arnaud le Gouëfflec, le scénariste brestois. (avec ce nom là, vous vous êtes dit qu’il avait peu de chances de vivre à St Cannat) Heureusement il existe des millions de Léon et lionnes qui refusent d’accélérer, de produire et qui se contentent de randonner, de goûter un café au col du Festre en regardant de si belles arrêtes, de si aimables paysages verdoyants. M. Léon lui se contente d’être amoureux. Nous, on se dit : Qué café, mi vida ! en rêvant du mexsique.
Monsieur Léon a un ami de métro qui sonde la période actuelle, Monsieur Léon circule dans un monde peuplé de Gilets Jaunes, d’un préfet de police qui tente de se suicider avec une enclume mais qu’il sauve en lui faisant fumer un joint. L’actu est là mais en fond, un décor dans lequel Monsieur Léon n’aspire qu’à revoir Mademoiselle Sophie. Un nouveau Gaston Lagaffe mais qui ne gaffe pas. Un Gaston plongé dans la glu des idées noires de Franquin.
Monsieur Léon, Julien Solé et Arnaud le Gouëfflec, Fluide Glacial, 2022. 13,90 Euros. Sortie le 7 septembre.
Merci aux attachées de presse qui font un super boulot pour faire valoir les auteurs.
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Et une nouvelle sortie BD…chez fluide Glacial. Monsieur Léon.
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