Mes châteaux d’If: Bon grès, mal gré.

Mes châteaux d’If: Bon grès, mal gré.

Festival d’Avignon. Été 2022.  

C’est triste et beau une vie de vigile dans un centre commercial. Emmanuel Matte a juste la voix, juste, pour raconter sa vie d’avant. D’avant les Gilets jaunes. Sa voix nous transporte dans la vraie vie des gens, descommemoi, des Aziz et Mohamed, de lui, le seul blanc dans ses boulots de déclassés, jamais classés qui sont chargés de choper les pauvres quand ils volent de la marchandise.

Puis, il y a sa femme qui travaille à l’ abattoir. On dirait du Ponthus, A la ligne. Mais une femme qui se révolte. Et elles furent là, physiquement dans le mouvement Gilet Jaune, sans qu’une féministe ne le remarque. Pas le même monde que celui des féministes intellectuelles. Celui des caissières, infirmières, ASH, qui ont enfilé les gilets, préparé la tambouille, tenu les péages. Et c’est sa femme à lui, qui a plus de courage qu’il ne croit jamais en avoir. « Y a ceux qui bossent pour une ONG, qui ont le temps de changer le monde » Lui, il a sa bagnole. Il l’aime sa caisse. Il aime rouler. Là il est maître de sa vie. Marcher c’est un luxe. On entend Rachid Taha dans la voiture. « Une bagnole ne nous juge pas.» Il fait le plein. Sa fille veut faire inséminatrice. Un de ses nouveaux boulots de notre époque artificielle où les humains contrôlent les naissances scientifiquement. Lui prend son pain chez Paul. Sur ces paroles crues, simples, une musique électrise la tension. Au fond l’émeute gronde, la grande émeute bientôt étouffée par des tirs dans l’œil, par des embastillés et des condamnations qui pleuvent comme des matraques. Mais quelle fierté pour le peuple. Et pour nous l’amertume de ce moment de grâce.

Grès. (Tentative de sédimentation.) Avignon. Théâtre Raspail. Texte et mise en scène de Guillaume Cayet. Musique étonnante de Valentin Durup. Création vidéo Antoine Briot. Service de presse: La talentueuse Samantha Lavergnolle.