Jeux, émoi

“Manha de Carnaval”

Billet de blog
le 5 Août 2016
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Sifflotée par un amoureux des sports depuis toujours, et des Jeux depuis 1960, cette chronique aléatoire vous propose de partager une promenade au milieu des épreuves de Rio, dont on espère qu'elles resteront belles et joyeuses. En gardant dans un coin de la tête que les Phocéens de Massilia ont peut-être participé aux Jeux Olympiques de l'antiquité, et qu'ils espèrent vaguement organiser une partie des épreuves des futurs Jeux de 2024.

“Manha de Carnaval”
“Manha de Carnaval”

“Manha de Carnaval”

Quand j’étais enfant, mon papa travaillait à l’installation d’émetteurs de télévision un peu partout en France. Ce qui nous procurait le privilège, à l’époque, de découvrir les premières émissions de sport en direct car le poste familial était souvent allumé pour vérifier si l’émetteur fonctionnait bien.

Ensuite, j’ai lu des journaux, qui faisaient monter les espoirs de consécration de tous mes favoris, pas tous Français. J’ai écouté la radio, tard dans la nuit, pour pleurer avec la France toute entière les espoirs envolés de Michel Jazy, dans le 5000 m des Jeux de Tokyo en 1964.

Puis la télé est passé en couleurs, pour les Jeux de Mexico, et là, la quinzaine olympique a pris toute sa place dans la vie de la planète.

La télévision, beaucoup, et le sport, souvent, m’ont bien déçu depuis. Mais je ne manque jamais la retransmission des Jeux Olympiques, ce qui me permet de me retrouver dans mes chaussons de petit garçon, découvrant des noms, des disciplines, des émotions qu’on ne retrouve jamais ailleurs avec une telle profusion.

Pourquoi se retirer du monde dans une pièce surchauffée, devant un écran, une zapette à la main ? La vie continue, les ennuis aussi. Il y a des paperasses à remplir, des invitations de copains un peu cruelles. Il est redevenu à la mode de conspuer le sport et ses poisons, et je me fatigue de nouveau à défendre le droit de chacun de gaspiller son temps devant des spectacles plutôt divertissants.

Le culte du corps, si répandu à Marseille, se nourrit de tatouages que les sportifs ont largement contribué à rendre visibles, sinon utiles. Et de constructions capillaires et ongulées, popularisées d’abord par les sprinteuses noires américaines du sorcier Al Joyner.

La France postule à l’organisation des Jeux de 2024, associant pour une fois Paris et Marseille, qui pourrait organiser les épreuves de voile. Pour l’instant, Marseille s’en moque encore assez, et la population ne sent pas forcément impliquée dans ce sport élitiste, qu’elle ne pratique jamais dans sa frange la plus modeste.

Marseille saura peut-être se souvenir qu’elle est la plus vieille ville de France, et le premier grand port de son histoire. Massilia, cette fille de Phocée, aurait atteint une telle puissance qu’elle avait construit un Trésor à Delphes, un petit temple rempli de statues et d’offrandes dans le principal site sacré de Grèce, ce que toutes les principales villes grecques de l’Antiquité n’étaient pas en mesure d’imaginer. Cela était le prétexte d’une belle exposition à la Vieille-Charité en 2013, quand Marseille était capitale européenne de la culture.

En cette lointaine époque, cinq siècles avant JC, il est probable que les Phocéens de Marseille participaient aussi aux Jeux Pythiques, qui se déroulaient tous les quatre ans à Delphes, voire aux Jeux Olympiques, si réputés qu’ils ont obtenu le droit de renaître. On espère que la tradition de la trêve olympique redeviendra à la mode, et pourquoi pas dès cette année.

Il est peu probable que les retransmissions de Rio montrent grand-chose des péripéties survenues dans les épreuves de voile, où on ne peut filmer correctement que les podiums. Il n’y aura pas grand-chose à y apprendre sur la façon de les organiser. Sinon apprendre à nettoyer la mer, ou à éviter d’y vider ses poubelles.

En mer, dans l’eau et sur la terre ferme, on gardera donc un œil sur les Marseillais et Provençaux, qui devraient s’illustrer, et on cherchera à garnir son placard à souvenirs, inauguré en 1960.

Rome, c’est d’abord l’image de l’arrivée solitaire du prodige éthiopien Abébé Bikila, vainqueur pieds nus d’un marathon mythique, couru la nuit pour éviter la chaleur, au milieu des vestiges de la Rome antique. C’est aussi la beauté de la sprinteuse américaine Wilma Rudolph, la Gazelle. Et les (rares) médailles des athlètes français, déjà largement issus de l’immigration ; argent pour Michel Jazy sur 1 500 m et bronze pour Abdou Seye sur 200 m. La récolte française avait été si médiocre (cinq médailles, et pas un seul titre) qu’elle a provoqué la réaction du général De Gaulle. Il a ordonné l’organisation d’une structure nationale pour encadrer le développement du sport en France.

L’athlétisme était alors la discipline reine. Les Américains dominaient les lancers, et les Européens le sprint. Rome, c’est aussi la révélation d’un boxeur au talent insensé, Cassius Clay, devenu plus tard Mohamed Ali.  Et la première victoire du Pakistan sur l’Inde, son éternel adversaire, dans le tournoi de hockey sur gazon. Depuis 20 ans, ces deux nations n’obtiennent plus de médaille dans le sport où elles ont longtemps brillé.

A Munich (1972), j’avais failli assister aux Jeux sur place (j’étais bien incapable d’y participer, hélas), et j’ai dû y renoncer in extremis. J’ai donc vu à la télé le début des gros tourments pour la fête olympique, tâchée de sang et des premiers gros soupçons de dopage. Je garde aussi en mémoire la photo magique du duel entre le blond Finlandais Vasala et le noir Kenyan Keino, coude à coude dans la même foulée gigantesque à l’entrée de la dernière ligne droite du 1500 m. J’ai conservé longtemps cette photo, puis l’ai égarée lors d’un déménagement. Le site de Presse-Sports, l’agence de photos du groupe L’Equipe, m’a enfin permis de la retrouver. Je rêve de la voir illustrer cette petite chronique futile.

En route pour Rio, en croisière plutôt dans un pays complexe et attachant, bouillonnant de passion comme une énorme Marseille. Une cérémonie d’ouverture carnavalesque nous attend ce soir et si on n’arrive pas à veiller tard (il faut pourtant s’entraîner pour la suite de la quinzaine), on regardera un résumé demain, en écoutant Stan Getz jouer « Manha de carnaval ».

 

Vignettes

# Les compétitions de football ont déjà commencé avant la véritable ouverture, comme pour monter leur nez avant de disparaître dans le flot des images d’autres sports, ceux qu’on ne peut voir que tous les quatre ans. Parce que le foot, hein, on n’en est pas privé. Les Brésiliennes ont bien commencé, ce qui attise la honte de leurs homologues masculins, restés impuissants devant les Sud-Africains. Ils semblent bien partis pour ajouter un nouveau désastre dans une compétition majeure organisée à domicile.

# Teddy Riner est en train de devenir définitivement le géant du sport français. S’il ajoute une deuxième médaille d’or à son palmarès déjà énorme, il méritera une louche d’admiration supplémentaire. Car il ne s’est pas précisément caché pour affuter sa préparation. Quelle générosité, quelle disponibilité !

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