Mardi 27 juillet 2021

L’étreinte des guerrières

Billet de blog
le 28 Juil 2021
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Le sacre de la judoka française Clarisse Agbégnénou a donné lieu à un moment d’émotion rarissime, quand elle a serré dans ses bras à l’issue du combat son éternelle adversaire, la Slovène Tina Trstenjak, redevenue aussitôt son amie.  

L’une des deux porte-drapeaux de la délégation française, Clarisse Agbégnénou, est une judoka qui marque l’histoire, et elle a prouvé une nouvelle fois qu’elle était aussi une personne exemplaire. Elle affrontait en finale une rivale redoutable, qu’elle a battue régulièrement lors de ses nombreux titres, mais qui l’avait dominée à Rio en finale du tournoi olympique des moins de 63 kg.

A Tokyo, elle a pris sa revanche, obtenant le seul titre qui lui manquait, à l’issue d’une finale magnifique. Agbégnénou a prouvé qu’elle savait tout faire : éviter les attaques percutantes de Trstenjak qu’elle transformait aussitôt en pièges grâce à la qualité de son travail au sol. Puis quand la fatigue a diminué le venin de son adversaire, elle a placé le mouvement qui lui a donné le point victorieux dans la prolongation.

Aussitôt qu’elle a réalisé son rêve, elle a voulu partager sa joie avec l’autre guerrière, la prenant dans ses bras, puis la soulevant pour lui rendre hommage. On a pensé sur le coup qu’elle était gonflée de négliger ainsi la déception de la championne en titre. Puis que sa joie rayonnante était parvenue à faire glisser le masque de déception de la Slovène.

En définitive, il est apparu que ces deux-là cultivent une longue et véritable amitié, qui les grandit toutes les deux si c’est encore possible. Malgré les mémorables peignées qu’elles se sont infligées depuis des années, elles s’étaient encouragées dans une première étreinte juste avant de se retrouver sur le tatami du Nippon Budokan, comme nous l’apprend le quotidien « Libération ». Clarisse et Tina s’appellent régulièrement pour se féliciter de leurs succès respectifs, et elles envisagent de se retrouver quelques jours en Slovénie quand la folie olympique se sera calmée.

De telles amitiés sont exceptionnelles chez les champions, en particulier dans les sports de combat. Sans grandiloquence, leur relation est à mettre au niveau de celles qui unissaient l’Américain Jesse Owens et l’Allemand Lutz Long, adversaires aux JO de Berlin en 1936. Ou encore le Tchèque Emil Zatopek et le Français Alain Mimoun, rivaux sur les pistes d’athlétisme de 1948 à 1956.

Clarisse Agbégnénou est une championne de haute altitude. Elle a su dominer le stress accompagnant de telles favorites, et auquel n’a pas su résister Miku Tashiro, la Japonaise engagée dans cette catégorie, battue dès le deuxième tour.

Chez les hommes, Takanori Nagase s’est imposé en moins de 81 kg, apportant au Japon son titre quotidien. Son adversaire en finale n’était pas inconnu. Saeid Mollaei avait attiré l’attention quand ses dirigeants iraniens l’avaient contraint de renoncer à ses chances en demi-finale du Mondial 2019 pour ne pas avoir à affronter ensuite l’Israélien Sagi Muki. Il avait même dû saborder la possibilité d’une médaille de bronze pour ne pas avoir à le côtoyer sur le podium. Mollaei a renié le régime iranien. Il combat désormais pour la Mongolie, qu’il fait profiter de son talent, et il a retrouvé Muki, devenu son ami.

Ce exemple détestable de boycott sournois a été suivi à Tokyo par un Algérien et un Soudanais. Le mouvement olympique s’honorerait -mais en est-il seulement capable ?- en sanctionnant durement les pays qui bafouent ainsi la trêve, et non pas simplement les individus  concernés. Les médiocres tyrans qui agissent en sourdine n’ont qu’à jouer entre eux, dans leurs arrière-cours de prisons, que même la Corée du Nord consent à ouvrir tous les quatre ans.

Le Japon ne réussit pas ses Jeux dans tous les sports, mais il a obtenu le titre olympique de softball face aux Etats-Unis, une douceur qui ne lui est pas inutile en ces temps. Les basketteuses nippones ont battu les Françaises, pas encore remises de leur échec en finale de l’Euro. Mais elles ont perdu dans le nouveau format du 3 x 3, ce qui envoie les Françaises en quart de finale.

L’arrivée des sportives professionnelles, appâtées par la perspective de médailles, dans des compétitions qui ne les voient jamais le reste du temps, n’est pas souvent couronnée de succès. La boxeuse française Maiva Hammadouche (moins de 60 kg), pourtant titrée dans une des innombrables catégories pros, a été sortie au premier tour du tournoi dont elle ne possédait visiblement pas tous les codes. Après les éclatants succès salués à Rio, les boxeurs tricolores auront plus de peine à Tokyo. Leurs mérites sont pourtant les mêmes, quand ils perdent. lls continueront de faire honneur à notre pays en 2024.

Le contexte n’est pas tout à fait le même dans le VTT féminin, mais les deux Françaises qui se voyaient promettre un doublé, ont été dominées par de plus anonymes spécialistes venues de Suisse qui ont réalisé un triplé retentissant. Plutôt que d’invoquer la malchance ou la malveillance de ses adversaires, Pauline Ferrand-Prévot (29 ans ; classée 10e) devrait s’interroger sur la succession des problèmes qui l’accablent lors des épreuves olympiques. Loana Lecomte (21 ans ; 6e) faisait meilleure figure à l’arrivée. En se recentrant sur les exigences de cette discipline magnifique, et en étudiant la préparation des Suissesses, les deux Tricolores garderont leurs chances de réussir à domicile dans trois ans.

VIGNETTES

¤ La France ne participait pas au tournoi féminin d’épée par équipes, qui a été remporté par la Corée du Sud devant l’Estonie. Les gymnastes françaises ont terminé 6es du concours par équipes (exploit!) et auraient pu obtenir le bronze si elles avaient réédité leurs notes des qualifications. Les temps changent…

¤ La présence de compétiteurs français dans les premiers tours nous permet d’apprécier les vertus du tennis de table et du badminton, deux disciplines spectaculaires, exigeantes, et très populaires au-delà de nos frontières. A l’inverse, le bronze obtenu par Althéa Laurin contraint le public, qui n’avait rien demandé, à s’infuser l’amère potion du taekwondo. Cette année, on s’est particulièrement intéressé aux déplacements et aux mouvements de l’arbitre, la seule à faire un peu d’exercice dans cette galère soporifique.

¤ Une haltérophile française, Dora Tchakounté, a frôlé la médaille de bronze en moins de 59 kg, dont elle a été privée par Mlle Andoh, la concurrente japonaise. Elle est âgée de 26 ans, et mérite vraiment qu’on l’aide pour s’illustrer à Paris. Ce sport historique peine à se redonner une image vertueuse, malgré ses mérites indiscutables et son côté spectaculaire insoupçonné.

¤ L’Australienne Jessica Fox n’a terminé qu’à la troisième place l’épreuve de slalom en kayak monoplace remportée par l’Allemande Ricarda Funk. Jessica Fox est née à Marseille, du couple multititré constituée par la Française Myriam Jerusalmi et le Britannique Richard Fox. Ce pédigrée prestigieux et son talent indiscutable (elle avait dominé les qualifications) en avaient fait la grande favorite. Mais sa fougue lui a fait accumuler quatre pénalités fatales. On espère la revoir à Paris.

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