L’Insee modifie le bulletin de recensement pour proposer des dosages ethno-raciaux locaux
L’Insee modifie le bulletin de recensement pour proposer des dosages ethno-raciaux locaux
Port ouvert sur la méditerranée et lieu d’immigration depuis des générations, Marseille, qui vante régulièrement sa diversité, pourra bientôt dresser la cartographie ethnoraciale de ses quartiers car l’Insee prépare une évolution du bulletin individuel du recensement qui permettra de calculer ces dosages ethnoraciaux au niveau local. Voilà le sens des modifications que l‘Insee et l’Ined ont présenté au conseil national de l’information statistique* le 2 décembre dernier.
La formulation de la nouvelle question numéro 7, qui demande le lieu de naissance des parents de la personne recensée (voir supra), ne doit pas faire illusion. Ce n’est pas le département de naissance de tous ceux qui sont nés en France qui intéresse l’Insee mais le seul pays de naissance des nés à l’étranger que l’institut veut collecter. L’argumentaire présenté au Cnis est limpide sur le sujet. Il doit être mis en relation avec le référentiel utilisé pour diffuser les résultats de l’enquête Trajectoires et Origines de l’Insee et de l’Ined, classification qui distingue notamment un soit-disant “groupe majoritaire”, des originaires d’Afrique Subsaharienne et des originaires d’Afrique du Nord, succédané du triptyque Blanc/Noir/Arabe que l’Ined avait tenté d’imposer au milieu des années 2000. Reste à savoir si l’Insee évaluera la véracité des réponses à partir des noms et des prénoms qu’il nous demande de mentionner sur les bulletins, car si, officiellement, l’identité n’est demandée que pour s’assurer de l’exhaustivité de la collecte et de l’absence de doubles comptes, les prénoms servent déjà à s’assurer de la qualité du repérage des couples de même sexe.
Pourquoi cette évolution qui ne résulte d’aucune demande politique explicite de la part du législateur ou du gouvernement ? Pourquoi mobiliser le support du recensement qui doit servir avant tout à servir d’appui aux politiques des collectivités locales ?
Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet pour souligner le rôle majeur de l’Institut national d’études démographique (Ined) et plus particulièrement de François Héran, son ancien directeur, et de Patrick Simon, chercheur militant, engagé en faveur des politiques de quotas ethno-raciaux à l’anglo-saxonnes. Dans un rapport de 2010, commandé par Nicolas Sarkozy, François Héran préconisait déjà cette évolution du bulletin du recensement à la suite des travaux d’un pseudo comité pour la mesure de la diversité et de l’évaluation des discriminations (Comedd), aux membres habilement choisis. Fidèle à son honnêteté intellectuelle et à son souci de transparence sur les sujets sensibles, François Héran avait préféré mettre en avant avec lyrisme son opinion, plutôt que de souligner les points de consensus et les points de dissensus.
Pour ces identitaires de gauche, comme pour les identitaires de droite, la lecture raciale de la société constitue l’alpha et l’oméga de l’analyse sociale, au nom d’une théorie d’un racisme systémique post colonial bêtement décliné des théories post esclavagistes à la mode de l’autre côté de l’Atlantique. Peu leur importe que leur théorie, qui n’admet aucun critère de réfutabilité, soit, de ce fait, plus proche de l’idéologie que de la science. Peu leur importe la complexité du réel que leur théorie efface. Quid par exemple, dans leur logique, des conséquences de l’esclavage dans l’Empire Ottoman subi pendant des siècles par des Noirs et des Chrétiens de la part de population que les théories post coloniales placent désormais du côté des minorités ? Quid des conséquences de siècles de colonisation ottomanes en Europe de l’Est ? Sans parler des Roms, que ces pourfendeurs des discriminations oublient très souvent, sans doute parce qu’ils détonnent dans leur clivage Noir/Blanc importé des plantations d’Amérique et des Caraïbes.
Pour ces gens, une inégalité statistique vaut discrimination. Jadis, François Héran expliquait que les bonnes pratiques scientifiques en la matière supposaient de mettre en oeuvre des analyses dites “toutes choses égales par ailleurs”, par exemple pour tenir compte des différences d’origines sociales ou de parcours scolaires : les écarts qui persistent “toutes choses égales par ailleurs” peuvent alors être suspectés d’être le signe de discriminations potentielles. Mais si de nombreuses grosses enquêtes structurelles de la Statistique publique permettent de telles analyses, il n’en est rien du recensement où le nombre de questions est limité par le recto-verso du bulletin individuel. Jamais, par exemple, l’origine sociale des personnes recensées n’a été collectée, mais il faudrait pouvoir identifier leur origine raciale…
A quoi cela va-t-il donc servir ? De façon évidente, à documenter le Grand Remplacement. François Héran aime se mettre en scène en pourfendeur des idées reçues sur l’immigration mais grâce à son lobbying, la part des Français assignée à une origine étrangère augmentera mécaniquement en ajoutant aux personnes immigrées, les enfants d’immigrés. De con côté, Michèle Tribalat, prédécesseuse de Patrick Simon à l’Ined, trouvera enfin les chiffres qu’elle réclame pour étudier le Grand Remplacement à l’oeuvre dans certains quartiers populaires bien choisis pour s’inquiéter de la France de demain.
L’assignation à des origines dans le recensement permettra bien davantage car depuis la mise en oeuvre du règlement général sur la protection des données (RGPD), l’Insee est autorisé à introduire un identifiant crypté dérivé du numéro de sécurité social dans ses fichiers et dans les fichiers administratifs que la Statistique publique utilise, afin de procéder plus facilement à des rapprochements de fichiers. Par dérogation aux principes généraux du RGPD, les services statistiques d’Etat n’ont pas besoin de définir à l’avance les utilisations possibles de cet identifiant, ni les rapprochements envisagés. Une fois l’identifiant crypté introduit dans les fichiers, tous les champs des possibles sont ouverts en fonction des besoins qui viendraient à surgir demain, sans qu’il ne soit nécessaire de les envisager aujourd’hui.
De ce fait, les informations collectées dans le recensement pourront, à termes, être rapprochées de tous les fichiers administratifs utilisés par les services statistiques d’Etat, permettant de racialiser leur lecture, que ce soit la connaissance des parcours scolaires, de l’insertion sur le marché du travail, mais aussi celle du bénéfice des allocations familiales et des minimas sociaux, ou celles de la délinquance. De quoi donner de l’eau aux moulins des stéréotypes qui fertilisent les discriminations.
Cela étant, plusieurs années devront s’écouler avant la diffusion des premiers résultats locaux, car les résultats locaux du recensement sont produits avec cinq enquêtes annuelles successives. Voilà qui laisse donc du temps à la LDH, à SOS Racisme, à la Licra, au Mrap et à tant d’autres pour s’interroger sur les risques de la manoeuvre en cours et voir s’ils pensent nécessaire d’inciter les uns et les autres à ne pas répondre au recensement, ou seulement au strict nécessaire pour les finances locales : le nombre de personnes occupant le logement. Dans sa note présentée au Cnis, l’Insee indique savoir que l’évolution qu’il propose n’est pas consensuel. Il est donc conscient des risques.
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* Le conseil national de l’information statistique (Cnis) est une structure non indépendante, pilotée par l’Insee, qui permet à la Statistique publique d’afficher une “écoute de la demande sociale”, dont l’effectivité est fortement dépendante de la conscience professionnelle des responsables des enquêtes de la Statistique publique.
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