LE PIÉTON À MARSEILLE

Billet de blog
le 27 Avr 2024
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La semaine dernière, nous avons proposé une critique de la place de la voiture particulière dans les transports et les déplacements urbains à Marseille. Penchons-nous aujourd’hui sur le complément de cette réflexion : quelle est la place du piéton dans la ville ?

LE PIÉTON À MARSEILLE
LE PIÉTON À MARSEILLE

LE PIÉTON À MARSEILLE

Aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement de réflexion, mais aussi de revendication

Il est temps de revendiquer des droits du piéton marseillais. La place du piéton dans l’espace urbain à Marseille n’est pas seulement un objet de réflexion et de critique : il convient de lire cette chronique comme une revendication pour que le piéton se voir enfin reconnaître les droits dont il est privé à Marseille – dans l’espoir que les choses changent avec les nouvelles municipalités présente et à venir. D’abord, il faut noter que l’espace urbain de Marseille n’est pas adapté aux piétons. Dans la reconfiguration de l’urbanisme d’après la guerre, trop de place a été laissé aux grandes artères « à l’américaine », et la place du piéton dans les déplacements n’a pas fait l’objet d’une réflexion et de choix suffisants. Le rêve des « « autoroutes urbaines », à Marseille comme à Lyon sous la mandature de L. Pradel, qui, à Marseille a pris la forme des rocades et des boulevards, a été le modèle dominant, qui a privé les piétons de leurs droits et de leur place dans la ville.

 

Les piétons semblent avoir déserté les rues de Marseille 

Marseille a chassé les piétons de ses rues. À la fois parce que les grandes voies de circulation se sont multipliées et parce que les réseaux de transports ont été conçus pour une métropole sans vie urbaine, les piétons n’ont plus eu leur place dans la ville. L’espace public a été conquis par les voitures, et c’est seulement à présent, notamment grâce aux incidences de cultures politiques comme celle de l’écologie, mais aussi en raison des constats de pollutions de toutes sortes, que les piétons commencent à se voir reconnaître un statut et une place dans la ville. Le rapport entre piétons et voitures est devenu un rapport de forces. Il s’agit, à la fois, d’une confrontation à l’issue de laquelle il faut bien qu’il y ait un vainqueur et un vaincu, et d’une conception de la vie urbaine fondée sur l’indistinction entre la ville et ses périphéries qui a, par exemple, conduit à l’exil des commerces vers les périphéries sous la forme de « centres commerciaux » ; au-delà de leurs conceptions du commerce, ceux-ci ont changé profondément la forme et la place des échanges dans l’économie politique de la ville.

 

Que faut-il faire pour rendre leur place aux piétons ?

Dans l’immédiat, il importe d’organiser un véritable réseau de voies piétonnes. Seuls quelques quartiers disposent de voies piétonnes, et, de plus, en quantité insuffisante. Il importe d’imaginer des procédures d’élaboration du réseau des rues associant les pouvoirs municipaux à de véritables concertations avec les usagers, sans oublier une réflexion indispensable sur la question de la circulation des enfants. À moyen terme, il faut aller plus loin et réserver les rues du centre aux piétons, aux bus et aux taxis. Les « voies piétonnes » ne devraient plus être l’exception, mais, au contraire, la norme des conceptions du réseau des déplacements dans l’espace de la ville. Par ailleurs, il importe de réguler le stationnement et de rendre les trottoirs aux piétons. Trop de voitures envahissent les trottoirs sans que la police ait véritablement les moyens – en particulier en termes d’effectifs – pour agir dans ce domaine. D’une manière générale, la police urbaine doit permettre aux piétons de retrouver leurs droits dans un souci d’égalité.

 

L’idéologie de la voiture particulière face aux droits des piétons

Comme nous l’avons vu la semaine dernière, notre culture de la ville est dominée par l’idéologie de la voiture particulière. C’est cette conception de la ville et de la vie urbaine qu’il importe de dépasser pour reconnaître une véritable place aux droits des piétons dans l’espace urbain. Une véritable écologie urbaine se fonde sur l’aménagement d’espaces à parcourir à pied, car ce sont les déplacements à pied qui permettent d’éviter la pollution, à la fois parce qu’ils obligent à protéger les habitants et parce qu’en chassant, enfin, les voitures du centre, on rendra de nouveau la ville respirable. C’est, ainsi, tout un discours sur la ville, tout un récit de la vie urbaine, qu’il importe d’élaborer pour que Marseille retrouve sa signification et son identité : celles d’une ville d’échanges et de relations.

 

Les piétons dans la ville

Il faut ainsi imaginer une nouvelle économie politique urbaine du transport : les piétons ont une place importante dans l’économie de la ville, à la fois parce qu’ils favorisent un véritable commerce de la ville et parce qu’ils sont à l’origine d’aménagements de l’espace urbain dans le long terme. Par ailleurs, les piétons doivent pouvoir connaître un espace de sécurité, au lieu d’être toujours sous la menace de la violence de l’usage de la voiture particulière. Les enfants seront les premiers bénéficiaires de cette ville rendue aux piétons, car, en plus de la sécurité, ils y trouveront l’apprentissage de l’autonomie en pouvant se déplacer seuls, sans être soumis aux adultes et sans avoir besoin d’eux. C’est ainsi qu’il importe de penser le réseau des transports en commun pour les piétons au lieu de le penser comme un simple complément du réseau des transports en automobile. L’aménagement du réseau et l’amélioration de sa conception seront des compléments majeurs de la piétonnisation des rues du centre. Ne l’oublions pas : c’est à pied que l’on voit la ville, que l’on peut la découvrir, et non quand on est enfermé dans une voiture derrière ses vitres, c’est à pied que l’on peut pleinement construire une véritable culture urbaine dont on peut disposer en habitant l’espace urbain ou, simplement, en le parcourant et en le visitant. Ce sont les piétons qui donnent naissance à la culture urbaine en mettant en œuvre de véritables relations sociales et en découvrant un nouveau regard sur la ville : les piétons sont les yeux de la ville.

Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Il faudrait, dans cette ville, un schéma directeur de la “marchabilité”, qu’on aimerait appeler “plan piéton” (comme à Strasbourg) si, ici, le mot “plan” ne renvoyait pas invariablement à un outil de com dépourvu de tout moyen.

    Avant d’élaborer un réseau de rues piétonnes, faisons modeste : débarrassons les trottoirs actuels de tout ce qui les encombre, à commencer par le mobilier urbain qui y est planté n’importe où et n’importe comment, et parfois constitue des obstacles difficilement franchissables.

    Ensuite, créons de véritables trottoirs, en remplacement des aumônes qu’on a daigné octroyer aux piétons. Il est fascinant de voir, sur le Prado 1, qu’au pied des immeubles qui bordent cette véritable autoroute urbaine leur largeur ne permet même pas à deux personnes de se croiser !

    Puis, bannissons la voiture ponctuellement là où la sécurité des piétons est digne d’une attention particulière : je veux parler de la création des “rues scolaires”, où la circulation automobile est interdite devant les établissements scolaires aux heures d’entrée et de sortie des élèves. Depuis 2020, elles se multiplient partout… sauf à Marseille où l’on en compte deux, peut-être trois, grâce à l’inertie de tous ceux qui ne veulent surtout rien changer.

    Tant qu’on ne sera pas capables de respecter à petite échelle les piétons, simplement en leur offrant des trottoirs dignes de ce nom et en assurant la sécurité des enfants, souhaiter la multiplication des rues piétonnes restera un voeux pieux.

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    • Bernard LAMIZET Bernard LAMIZET

      Merci du commentaire.
      Je suis, bien sûr, d’accord avec tout ce que vous écrivez. Quand vous écrivez “soyons modestes”, je voudrais seulement dire que mon texte proposait un but, un horizon. Sur le Prado, où je me rends toutes les semaines, je suis frappé par cette autoroute urbaine. Je me rappelle qu’à Lyon, où j’ai vécu aussi, c’était un rêve du fameux maire qui a détruit le centre de Lyon, Louis Pradel.

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