Jeudi 29 juillet 2021

L’argent, valeur fluctuante

Billet de blog
le 30 Juil 2021
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Trois nouvelles médailles pour la France, jeudi, toutes d’argent. Pour celles qui les ont obtenues, elles n’ont pas du tout la même signification. Seul l’or satisfait tout le monde.

Madeleine Malonga n’avait jamais été médaillée olympique. Sa défaite en finale des moins de 78 kg face à sa rivale habituelle, la Japonaise Shori Hamada, l’a affectée d’une manière presque inquiétante, et on pouvait se demander pourquoi. Comme Clarisse Agbégnénou, elle a longtemps serré son adversaire dans ses bras, mais cette fois, c’était pendant le combat, dans un passage au sol provoqué par son adversaire et qui a fini par lui coûter la victoire tant espérée. Au moment des saluts rituels d’après combat, aucune proximité ne s’est manifestée.

Au reste, « Mado » ne semble pas avoir de raisons d’être à ce point dévastée, comme si elle avait été victime d’une erreur d’arbitrage. Elle même avait déjà infligé un affront à Hamada, lors du Mondial 2019, en la battant en finale à Tokyo. Elle pouvait se douter que la Japonaise allait tout faire pour se venger et éviter la récidive. Lors de ce dernier affrontement, elle est apparue un peu désinvolte quand Hamada a tenté d’entrée de l’attirer vers le sol, dans un piège technique mûrement pensé, compte tenu de leurs atouts et de leurs gabarits respectifs. Malonga a semblé surprise que l’arbitre n’interrompe pas le corps à corps, engagé de manière passablement brouillonne. Ensuite elle s’est trouvée incapable de résister à un enchaînement qui l’a progressivement engluée.

C’est sans doute ballot. Mais elle a sans doute perdu son combat avant de le livrer, persuadée qu’elle arriverait aisément à en dicter le tempo.

Malonga n’est âgée que de 27 ans. Hamada, à 31 ans, n’aura peut-être pas envie de prolonger jusqu’à Paris une carrière qui vient de connaître son sommet. La Française était surtout accablée d’avoir laissé passer sa chance, comme si elle était persuadée que l’alignement favorable des planètes ne se reproduirait jamais pour elle. Des exemples, récent pour Clarisse Agbégnénou, et pas bien vieux pour Lucie Décosse, devenues les icônes du judo français, démontrent pourtant qu’une première défaite en finale des JO peut attiser la rage nécessaire pour accumuler ensuite tous les titres qui se proposent, y compris aux Jeux.

Il est vrai que la concurrence est impitoyable en France dans cette catégorie des moins de 78 kg, et pas seulement sur les tapis. Malonga a choisi de s’entraîner hors du giron fédéral, et de s’écarter ainsi de deux dangereuses rivales : Audrey Tcheuméo (31 ans ; deux fois médaillée olympique) et Fanny Estelle Posvite (29 ans ; multi-médaillée européenne et mondiale). Sans parler des plus jeunes qui arrivent, et rêvent, elles aussi, de briller à Paris en 2024.

Malonga a versé d’un coup toutes les larmes programmées pour les trois ans à venir. A froid, elle peut considérer qu’elle a bien des atouts : l’expérience, le physique, une allure de star. S’y ajoute désormais l’envie de revanche, qui n’est pas donnée au berceau. Comme l’a fait son aînée Clarisse, il lui faut améliorer ce qui lui reste de points faibles et ne plus laisser la tristesse altérer son beau visage. Cet argent est un investissement.

Plus tôt dans la journée, deux jeunes femmes ont surgi de l’anonymat pour décrocher une médaille d’argent qu’elles n’osaient espérer elles-mêmes. La finale du deux de couple poids légers a concerné jusqu’au bout les six équipages dans un emballage collectif assez rare. Laura Tarantola et Claire Bové ne savaient pas à quelle place elles avaient terminé, tout le temps nécessaire pour récupérer de l’effort total habituel en aviron. Elles ont livré sur la terre ferme le récit souriant, plaisant et instructif de leur courte odyssée, décrivant d’une manière colorée et inhabituelle le déroulé de leur effort, le compagnonnage des bateaux voisins, le bref moment d’égarement qui suit l’arrivée, le trou noir qui précède le discours attendu…

Elles sont médaillées olympiques derrière les Italiennes et devant les Néerlandaises, et le resteront à jamais. Leur joie est entraînante. Elle va irradier dans leurs entourages, dans les clubs, chez les entraîneurs et les autres rameuses, dont le nombre grandit de manière stupéfiante en France depuis quelques années. Ainsi que l’explique dans « L’Equipe » Marc Ventouillac, spécialiste incontesté de cette discipline (et de nombreuses autres). Cet argent est une récompense.

Plus tard, toujours dans la même journée, l’équipe de France féminine de fleuret n’a pas donné l’illusion qu’elle pouvait s’imposer en finale face à un adversaire qu’on ne sait trop comment appeler, et qui ressemble bien à la Russie précédente, pas si sanctionnée que ça. Mais les fleurettistes tricolores avaient tout donné en demi-finale face à l’Italie, au bout d’une « remontada » exceptionnelle. Elles obtenaient ainsi le rachat de leurs fautes dans l’épreuve individuelle, et la réintégration de leur pays dans un palmarès qu’il n’avait plus visité depuis 1984. Cet argent est un soulagement.

Le monde entier du judo, c’est-à-dire le Japon et la France (on plaisante à peine…), vit dans l’attente du passage de Teddy Riner dans le palais du Budokan. On ignore si le monarque fera une courte visite, ou s’il prendra ses aises pour s’installer sur le trône. Il sera question d’argent plus tard, maintenant, c’est l’or ou rien!

Dans l‘intervalle, les Nippons raflent la plupart des titres, dont les deux mis en jeu jeudi chez les femmes de moins de 78 kg et chez les hommes de moins de 100 kg. Ce dernier a été enlevé par un Tokyoïte nommé Aaron Wolf. Signe que l’intégration est profitable à tous, même au Japon.

L’Américain Caeleb Dressel a commencé sa récolte de médailles d’or et enlevé le 100 m nage libre, où s’est révélé le jeune Maxime Grousset (4e), espoir venu de Nouvelle-Calédonie dans le sillage de nombreux autres champions français. La France a besoin de ce sang neuf, elle qui n’a pas été capable de présenter un relais dans l’épreuve nouvelle du 4 X 100m quatre nages mixte. Israël, la Grèce et la Biélorussie y avaient une équipe…

VIGNETTES

¤ La Marseillaise Jessica Fox a apporté un nouveau titre à l’Australie dans le slalom du canoë monoplace, son premier à titre personnel après les médailles obtenues à Londres et Rio. Elle avait changé d’embarcation après avoir obtenu le bronze dans un kayak.

¤ En aviron, une rarissime polyvalence du même style a permis aux frangins croates Martin et Valent Sinkovic d’être titrés en deux sans barreur à Tokyo, après l’avoir été à Rio en deux de couple. Seules deux Canadiennes avaient réussi la même performance aux Jeux de Barcelone, puis d’Atlanta

¤ En tennis, la Suissesse Belinda Bencic s’est qualifiée pour les finales en simple et en double. Le n°1 mondial serbe Novak Djokovic n’est pas encore certain de faire aussi bien. Deux paires de Croates s’affronteront en finale du double messieurs. En tennis de table, la finale a opposé deux Chinois. En plongeon, un duo de Chinois a gagné l’épreuve du tremplin 3m synchronisé. La tradition, il n’y a que ça.

¤ Une poëlée de médailles mijote pour les Français dans les épreuves de planche à voile et de BMX, deux disciplines où il convient de rester debout dans les vagues. L’équipe féminine de rugby à VII fait des débuts prometteurs. Au contraire des handballeuses qui se compliquent la vie : elles ont manqué le pénalty qui leur aurait donné une victoire bien utile contre les Suédoises. Quand ça veut pas…

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