DE LA RUE D’AUBAGNE À LA RUE DE TIVOLI LE LOGEMENT MARSEILLAIS EST-IL EN PÉRIL ?

Billet de blog
le 8 Avr 2023
0

C’était dans la nuit de samedi à dimanche, du 8 au 9 avril. Un immeuble de quatre étages s’est effondré rue de Tivoli, dans le quartier de la Plaine. Il s’agit d’une alerte de plus sur le logement à Marseille.

Que s’est-il passé rue de Tivoli ?

Rue de Tivoli, un immeuble d’habitation s’est effondré, sa chute entraînant des blessés et des morts. On ne sait pas encore avec précision ce qui s’est passé, à quoi est due la chute de l’immeuble. L’explication privilégiée pour le moment est celle d’une fuite de gaz, qui aurait entraîné l’explosion fatale. Il s’agirait ainsi d’une sorte d’insuffisance dans la protection de l’immeuble. Ce qui s’est passé rue de Tivoli est, en ce sens, ce que l’on peut appeler un accident urbain. Un tel événement nous rappelle à la fois la précarité de nos équipements et de nos constructions, la fragilité de l’immobilier urbain, mais aussi l’urgence de l’élaboration et de la mise en œuvre d’une véritable politique urbaine du logement et de l’habitation après des décennies d’insuffisance,  d’inconscience, de méconnaissance – voire de déni.

Les responsabilités et les devoirs de l’État et ceux de la municipalité

Que faisait M. Darmanin à Marseille le lendemain de l’accident pour s’en occuper ? Repenser la protection civile : elle devrait relever dans un cas comme celui)-là du ministère de l‘Environnement et pas de celui de l’Intérieur. C’est que ce drame nous met face aux insuffisances françaises en matière d’organisation de la sécurité. Mais il s’agit aussi de la question de l’organisation des moyens mis en œuvre et des personnes engagées. Peut-être pourrions-nous tirer des laçons d’un accident comme celui-là, qui devrait nous amener à repenser toute la politique urbaine de la prévention des accidents, des usages de l’énergie et de leurs excès, mais aussi toute la répartition des responsabilités entre les différents échelons de l’État, de la municipalité à l’État national.

Le souvenir de la rue d’Aubagne

La rue de Tivoli est venue nous rappeler la rue d’Aubagne. En ce sens, la question des responsabilités et des pouvoirs semble se poser à Marseille de façon particulièrement aiguë. Un événement comme celui-là est un accident. Dès que deux événements se produisent, il s’agit d’une série dont il est essentiel d’empêcher la suite. Quelques années seulement séparent Aubagne et Tivoli, et, ainsi, même si les causes de ces deux événements ne sont pas les mêmes, leur succession vient nous rappeler que le devoir d’assurer la prévention et celui d’organiser la sécurité de la vie urbaine sont devenus des impératifs majeurs de la politique de la ville et de la responsabilité des pouvoirs urbains – municipaux, métropolitains, mais aussi nationaux. Ni les effondrements de la rue d’Aubagne ni celui de la rue de Tivoli n’étaient nécessaires : ils nous rappellent que la responsabilité des pouvoirs est d’éviter que surviennent de tels accidents et de protéger les populations. Le pouvoir n’est pas seulement un rapport de forces politiques, iol est aussi – surtout – une responsabilité.

Les inégalités dans le logement

Ce que nous devons comprendre après de tels événements, c’est aussi leur dimension pleinement politique et sociale : les constructions se font au rabais dans les quartiers populaires et l’insécurité y est plus grave que dans d’autres quartiers. La véritable dimension urbaine de l’inégalité est là, dans la politique du logement. Rue de Tivoli comme rue d’Aubagne, nous sommes dans des quartiers populaires de Marseille. Une fois de plus, une fracture se dessine dans l’espace de la ville : d’un côté, les quartiers populaires, de l’autre les quartiers bourgeois, voire luxueux. Entre ces deux Marseille, le fossé se creuse, les inégalités deviennent de plus en plus profondes, au point d’en devenir insupportables, au point de mettre en danger la vie des habitants d’une partie de la ville. En raison de la pression du marché de l’immobilier, à laquelle la politique du logement finit par être soumise, les approches politiques et institutionnelles du logement ont fini par se réduire à une logique de la consommation, en négligeant la dimension fondamentale de la sécurité. La sécurité fait l’objet d’une véritable politique quand elle met en jeu les inégalités, quand elle manifeste l’urgence d’élaborer, enfin, une véritable politique de l’égalité urbaine, entre tous les quartiers, entre tous les habitants.

Qu’est-ce que l’insécurité ?

C’est qu’une fois de plus, nous sommes confrontés à la véritable insécurité. Les pouvoirs et les politiques de droite ont peu à peu réduit la notion de sécurité à la protection contre la violence et contre la criminalité, avec, d’ailleurs, des succès somme toute mitigés. De cette manière, la véritable sécurité, c’est-à-dire la protection contre les accidents, a été négligée, ignorée. L’es véritables insécurités, contre lesquelles les pouvoirs doivent nous protéger, est, dans la politique de la ville, celle des accidents de l’architecture et de l’urbanisme, celle de l’énergie, celle des déplacements. C’est l’urgence que nous rappellent la rue d’Aubagne et la rue de Tivoli.

La question de l’énergie

Après de nombreux autres, nous nous trouvons devant un accident lié à l’énergie – tant à son usage, peut-être même à son excès d’usage, qu’à l’insuffisance des protections et des procédures de sécurité liées à l’usage de l’énergie. Peut-être faudrait-il mieux articuler cet accident à l’élaboration démocratique d’une politique municipale et métropolitaine globale de l’énergie. Si de tels accidents se produisent, c’est aussi parce que l’énergie a été réduite à un marché de consommateurs et de fournisseurs, au lieu d’être une véritable politique de l’usage. Il fait que l’énergie fasse véritablement l’objet d’une économie politique de son usage.

La solidarité

C’est le grand enseignement de l’effondrement de l’immeuble de la rue de Tivoli. Toute une solidarité s’est instituée entre tous les habitants du quartier et m^p(me au-delà. C’est cela, la citoyenneté : les habitants ont été de véritables citoyens les uns pour les autres, donnant ainsi toute sa signification à l’idée de citoyenneté. Un des aspects de l’identité de Marseille s’est manifesté rue de Tivoli comme rue d’Aubagne. C’est que l’on n’est pas citoyen tout seul : on est citoyen parce que nous nous reconnaissons en l’autre avec qui nous vivons, avec qui nous partageons les épreuves. L’accident de la Tivoli est une épreuve dont l’identité et la citoyenneté marseillaises sortent grandies, renforcées, affermies.

Une écologie politique du logement urbain

Il faut penser une écologie municipale du logement, articulant prévention des risques environnementaux et des risques liés à l’architecture et à l’urbanisme. La complexité croissante de la vie urbaine, les difficultés majeures de l’aménagement des villes, rendent nécessaire l’élaboration d’une écologie politique de la ville et de la politique urbaine. Saisissons la la leçon des événements qui nous mettent à l’épreuve pour penser cette écologie politique de la ville libérée des exigences et des dogmes de l’économie libérale de marché.

Note : Je vous invite à lire, dans l’Agora de « Marsactu », le beau texte de K. Vacher, « Per-trauma ».

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire