LA MUNICIPALITÉ DANS L’ILLÉGALITÉ
Donc la justice a tranché. Le Tribunal administratif de Marseille a rejeté le projet de la municipalité Gaudin de « P.P.P. » (Partenariat Public-Privé) pour la rénovation des écoles élémentaires. Même si la municipalité fait appel, et même, dans ce cas, si elle gagne en appel, il s’agit d’une sorte de signal d’alerte.
Significations du P.P.P.
Sans doute faut-il commencer par s’interroger sur ce que signifie ce fameux « partenariat » entre le secteur public et le secteur privé. En réalité, il s’agit d’une sorte de symptôme de plus du recul de l’État dans l’économie et, d’une façon plus générale, dans le développement de l’emprise du libéralisme dans notre pays. En abandonnant une de ses fonctions majeures à un partenariat avec le secteur privé – dont, par ailleurs, le Tribunal administratif a estimé qu’il allait à l’encontre des intérêts de l’État – en l’occurrence de la Ville de Marseille, la municipalité dirigée par J.-C. Gaudin manifeste, une fois de plus, son orientation politique vers le libéralisme économique et, par conséquent, son adhésion aux logiques politiques classiques de la droite. On ne peut plus dire, après un tel projet, que l’opposition entre la gauche et la droite n’existe plus dans notre pays – en particulier dans notre ville, car, en tentant de brader au secteur privé les fonctions du service public, la ville, à Marseille, adhère pleinement aux politiques de la droite. D’ailleurs, sans doute ne faut-il pas comprendre autrement les commentaires de B. Payan et de J.-M. Coppola à l’annonce de la décision de la justice. Mais ce P.P.P. a une autre signification, peut-être plus insidieuse : en confiant au privé la rénovation des écoles, la municipalité Gaudin engageait une politique visant à inscrire l’éducation et les écoles dans une logique de séparation entre les écoles des quartiers populaires et celles des quartiers aisés. En effet, dès lors que la rénovation des écoles serait revenue au secteur privé, les travaux n’auraient pas été les mêmes dans les différents quartiers de la ville, certains ayant plus que d’autres les moyens d’engager cette rénovation.
Contradictions entre le libéralisme et la politique autoritaire de l’État
Mais il importe de ne pas limiter la lecture et la compréhension du projet de P.P.P. à la seule situation marseillaise. En effet, une telle politique de la municipalité ne peut pleinement se comprendre que si on l’inscrit dans la logique plus générale du recul de l’État et de la montée du libéralisme dans notre pays. À cet égard, on ne peut que rapprocher le recul de l’État voulu par le P.P.P. de la loi « relative à la confiance », proposée par le ministre de l’Éducation nationale, J.-M. Blanquer, et adoptée par l’Assemblée. Cette loi, d’abord, en s’intitulant « Pour une école de la confiance », consacre le remplacement de l’État, c’est-à-dire de l’emprise du politique sur la société, par la « confiance, c’est-à-dire par des logiques libérales, puisque c’est dans le domaine du marché que la confiance a une signification : dans le domaine du politique, c’est l’adhésionqui a une signification. Par ailleurs, cette loi, de même que le P.P.P. à Marseille, repose sur une contradiction entre, d’un côté, le libéralisme et le recul de l’État et du secteur public, et, de l’autre, la montée des logiques répressives de l’État, comme on a pu s’en apercevoir avec la violence déployée par la police au cours du conflit des « Gilets jaunes ». Cela signifie bien que le secteur public, l’État, est réduit à sa fonction répressive, alors que la vis sociale est sous l’emprise du libéralisme et du recul des fonctions publiques, comme on peut s’en rendre compte, par ailleurs, par les réformes de la législation du travail et de la législation sur la santé.
L’emprise du libéralisme à Marseille
C’est, enfin, de deux autres événements qu’il importe de rapprocher la décision de la justice administrative sur le P.P.P. concernant la rénovation des écoles. La première, c’est, bien sûr, ce que l’on peut appeler l’entêtement de la municipalité Gaudin, décidée à poursuivre l’implantation d’un hôpital privé à Saint-Barnabé, malgré l’avis défavorable du commissaire enquêteur (on peut lire, à ce sujet, l’article de B. Gilles, dans Marsactudu 21 novembre 2018). C’est qu’il ne s’agit pas de mesures prises isolément par la municipalité, mais bien de l’engagement d’une politique globale visant la privatisation des services publics dans notre ville et le recul de l’État. La deuxième, c’est la dégradation du patrimoine architectural et immobilier de la ville, qui va jusqu’aux drames et à la mort. En n’intervenant pas dans la conservation des immeubles menacés dans la ville, en choisissant de les laisser se dégrader et de risquer la vie des habitants, la municipalité prend une part active dans l’emprise du libéralisme, et, d’une façon générale, dans la dégradation de l’espace urbain liée au recul des pouvoirs publics. Il est temps de prendre conscience de la gravité de telles menaces et de l’urgence d’un changement de politique municipale.
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