Jeux, émoi

La France bipolaire

Billet de blog
le 13 Août 2016
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Nos compétiteurs savent aussi gagner quand ils sont les favoris, mais ils ont un talent, remarqué par leurs adversaires, de laisser glisser les victoires qui leur tendent les bras.

La France bipolaire
La France bipolaire

La France bipolaire

Deux informations se dégagent d’un vendredi bouleversant.

 Le décès subit de Patrick Bordier, le kiné de l’équipe de France de tennis, ajoute une nouvelle touche dramatique au psychodrame vécu par toute la délégation. Il avait déjà connu les relents délétères qui entouraient la sélection de foot au Mondial 2006 à Knysna. On veut croire que tout ce stress, qui lui a été imposé et dont il n’était nullement responsable, n’a pas abrégé sa vie. Il laissera le souvenir d’un spécialiste apprécié, et sa disparition devrait permettre à tous les Français de se remotiver pour lui rendre hommage. L’entourage technique et médical des sportifs vaut bien d’être honoré à la hauteur de ses mérites. L’abnégation dont il fait preuve n’est pas toujours assez saluée, et elle doit faire exemple pour ceux qui pensent un peu trop à leurs divers bobos.

Teddy Riner est en passe de devenir le plus grand sportif français de tous les temps, et le meilleur judoka de l’histoire. Il le mérite totalement, pour son talent et sa maîtrise. Mais surtout par l’engagement dont il fait preuve, sans se contenter d’avoir été le porte-drapeau de la délégation à la cérémonie d’ouverture. A 27 ans, il peut envisager d’obtenir un 3e titre consécutif dans quatre ans. A Tokyo, patrie de son sport. Sa finale recelait tous les pièges possibles, face à un Japonais inconnu, spécialement entraîné pour lui infliger un affront. Comme celui qu’il avait reçu à Pékin en 2008, à 19 ans, en perdant sur pénalité un match tactique contre un Ouzbek dont il ne s’était pas assez méfié.

La leçon a été retenue pour toujours et Teddy Riner est reparti ensuite sur son chemin triomphal. Sa beauté, sa bonté, son charme et son intelligence l’ont déjà transformé en icone du sport, à qui il commence à rendre tout ce qui lui a été donné.

Il existe donc, comme Riner,  des favoris français qui s’imposent. En aviron, Jérémie Azou et Pierre Houin ont mené de bout en bout l’épreuve de deux de couple PL, et ont su résister à l’emballage produit par les Irlandais et les Norvégiens.

Il existe aussi des Français qui créent la surprise, en battant les favoris. Comme Emilie Andeol (97 kg), qui a renversé la championne du monde chinoise, Song Yu (128 kg), puis, en finale, la championne olympique cubaine, Idalys Ortiz (82 kg). Chapeau bas !

Les titres de Riner et Andeol ont d’autant plus de valeur qu’ils ont relancé une équipe en crise de résultats qui, grâce à eux, termine deuxième nation derrière le Japon. Et qu’ils ont été obtenus dans un sport au large développement mondial. Le judo est difficile à apprendre, mais simple à pratiquer. Un pyjama solide, un tapis, et en avant !

Sans faire injure à ceux qui les ont obtenus, et qui avaient des concurrents aguerris, les autres titres emportés jusqu’ici la délégation française récompensent des sports que toutes les nations ne peuvent pas pratiquer : équitation, aviron, canoë. Mais le compteur semble enfin dégrippé…

Dans ce jour sucré-salé, on a vu également le visage de la France qui ne sait plus gagner. L’équipe masculine de fleuret s’est vu dépasser sur le fil en finale par les Russes, qui avaient déjà fait le coup à plusieurs escrimeurs et escrimeuses français en individuel.

Gaël Monfils a perdu son quart en tennis contre Kei Nishikori, en gâchant trois balles de match, dont deux sur son service, et une par une double faute. Le Japonais a conclu, lui, à sa première occasion. Monfils est un homme adorable et un joueur extrêmement doué, craint par tout le monde sur le circuit. Mais tous ses adversaires savent que, s’il n’a pas le palmarès éblouissant qu’il mériterait, c’est parce qu’il peine à conclure les matchs qui l’opposent à des joueurs mieux classés, mais pas forcément meilleurs. Il n’a ainsi gagné que six titres sur vingt-cinq finales disputées. Celle défaite-là risque de faire beaucoup de dégâts, quoiqu’il en dise. Elle va rajouter une grosse louche dans la marmite de ses doutes, et une grosse dose de confiance supplémentaire aux joueurs qui l’affronteront et qu’il malmènera dans le futur. Elle peut aussi être, on le lui souhaite, le déclic dont il avait besoin pour se révolter enfin.

Car le monde entier sait que le moral des sportifs français est friable. Quand ils déclenchent la foudre et les éclairs, ce dont ils sont souvent capables pendant un match, il faut attendre que ça passe et ramasser le butin à la fin, quand ils ont déclenché la machine à perdre.

On a vu la même chose dans le tournoi de double en tennis de table, dans un match irrespirable où toutes les rencontres se sont conclues au finish. Simon Gauzy, pongiste français doué et brillant, a obtenu trois balles de match, les a jouées comme une patate, et s’est fait tréfler par son adversaire britannique à la première occasion qu’il obtenait. C’était juste un match pour obtenir la gloire de se mesurer aux intouchables Chinois. Mais ce ne sont pas les Bleus qui iront chercher de l’expérience face aux maîtres.

L’équipe de France féminine de foot échoue une nouvelle fois à chercher une médaille, et encore contre le Canada. C’est une brillante constellation de solistes. Mais les chicaneries vécues pendant le championnat semblent les empêcher de vraiment jouer ensemble. Elles ne se passent le ballon que lorsqu’elles ne sont pas passées toutes seules. Avant de quitter le banc, Philippe Bergeroo semble les avoir fait grandir, mais pas encore assez. Il faudrait sans doute faire confiance à une coach féminine, qui saurait les bouger sans les crisper. Quand la capitaine Wendy Renard, qui mériterait sans doute le titre de meilleure joueuse du tournoi, aura arrêté sa carrière, elle sera peut-être celle-là. Il manque une patronne au milieu, qu’elle ne peut être dans sa position de défenseuse. C’est paradoxalement la gardienne Sarah Bouhadi qui lit le mieux le jeu, et elle est plus efficace balle au pied que sur sa ligne. Les Françaises auront toujours l’excuse de faire constater que l’équipe des Etats-Unis, quadruple championne olympique, s’est fait aussi sortir. On espère qu’elles ne l’utiliseront pas.

Le plus spectaculaire échec de la journée, côté français, est bien entendu celui du nageur installé à Marseille Florent Manaudou. Comme c’était à craindre, il a subi le même sort qu’il avait lui-même infligé aux favoris quatre ans auparavant. Mais ce n’est pas un petit jeune inconnu qui lui a fait boire une tasse assassine, remplie d’un microscopique centième de seconde. Mais un vétéran américain âgé de 35 ans, Anthony Ervin. Rescapé d’une existence tumultueuse, il est venu récupérer le titre obtenu à Sydney en 2000. Un sprinteur au long cours.

Manaudou dispose d’un talent incroyable, évident depuis son plus jeune âge, dans une famille aux prédispositions génétiques impressionnantes. Sa grande sœur Laure avait le même talent de vitesse à la base. Elle n’aimait pas l’entraînement, mais elle a su travailler au point de s’obtenir titres et records en libre, en dos et sur quatre nages sur toutes les distances, y compris sur 800 m et 1500 m.

On a du mal à se persuader que son frérot Florent est capable de s’imposer les mêmes efforts et les mêmes souffrances. Il a abandonné ses ambitions sur 100 m, et ne s’est guère aventuré au-delà d’un aller-retour dans le bassin. S’il le souhaitait, il peut toujours devenir le premier nageur français à confirmer un titre olympique, et pourrait même briguer un triplé 50m-100m-relais 4 x 100m. Voire y ajouter des titres en papillon et en relais 4 X 100m 4 nages. Mais il faudrait bosser, c’est vrai. Ou être capable de tout donner, sans rien gérer. Manaudou a obtenu deux fois de l’argent, et il semble qu’il aime bien cela aussi.

Il ne paraît pas vouloir suivre le chemin de Michael Phelps, qui a montré lors de sa dernière course, à quel point il aimait son sport. Pas déçu de terminer sa trajectoire d’astre immense par une défaite infligée sur 100 m papillon par un jeune nageur venu de Singapour, Joseph Schooling, il a distribué sourires et franches accolades à tout le monde. Il a dû aussi faire de la place sur le podium à deux autres médaillés d’argent, ses vieux adversaires Lazlo Cseh, l’admirable champion hongrois, et Chad Le Clos, un Sud-Africain qu’il ne peut pas blairer. Il n’y avait plus de place pour Mehdi Metella, le nageur du CNM, qui a fini 6e et qui montera sur une boîte à Tokyo s’il se sent capable de travailler comme un fou pour y parvenir.

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