La DEMOCRATIE BAFOUEE
La DEMOCRATIE BAFOUEE
La démocratie bafouée
Au court de ma vie professionnelle j’ai, à de nombreuses reprises, eu l’occasion d’assister à des séances publiques d’assemblées régionales, départementales ou municipales dans diverses régions de France. J’ai aussi souvent regretté, sinon déploré, le caractère artificiel de ces séances qui ressemblent davantage à de médiocres représentations théâtrales où chaque acteur joue, avec plus ou moins de talent, son rôle défini à l’avance. Ces séances, en principe ouvertes au public, sont sensées être le lieu par excellence de la transparence démocratique où les élus expriment au grand jour leur façon de gérer le bien commun en toute transparence.
Voilà bien longtemps hélas que ces hauts lieux de la démocratie ne remplissent plus leurs fonctions. Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer ce désenchantement. Le nombre limité de places accessibles dans les différents cénacles, les modalités exigées pour y avoir accès, l’interdiction absolue d’y manifester son opinion, sont autant d’obstacles qui ont lassé les meilleures volontés. Les citoyens qui restent attachés aux valeurs démocratiques se contentent ainsi de lire parfois les comptes-rendus souvent sommaires et partiaux qu’en font les médias .
La complexité croissante de la gestion de la vie quotidienne nationale et locale et le caractère techniques de nombreux dossiers nécessitent une compétence accrue pour émettre une opinion argumentée. La majorité des décisions est donc l’objet d’importants travaux préalables réalisés dans des commissions animées par des techniciens et auxquels les élus sont censés prendre une part active et décisionnelle. Dans ces conditions la plus grande majorité des affaires soumises en séance publique à l’assemblée plénière font l‘objet d’un accord avant approbation formelle en séance. Dans la plupart des assemblées locales, il est convenu que la séance publique est précédée d’une réunion à huis clos des élus de la majorité au court de laquelle le rôle des uns et des autres sont actés. Le caractère public et la transparence des décisions sont ainsi largement entravés
Dans de telles conditions, comment s’étonner du peu d’enthousiasme de nos concitoyens pour s’intéresser et prendre part à la vie démocratique ? Ces images trop souvent répétées d’hémicycles presque vides sont une caricature de la démocratie représentative. Ses modalités de fonctionnement établies à l’aube de la démocratie sont pour la plupart aujourd’hui désuètes ou inadaptées à la vie moderne et aux moyens de communication actuels. La diffusion en direct et en temps réel (Un grand merci à MARSACTU de permettre à tous marseillais cet exercice d’une démocratie en sursis) de la séance du conseil municipal de Marseille lundi 3 octobre 2016 représente, de façon caricaturale, l’affligeante dérive d’un pouvoir sans contrôle.
Résumé
La séance est ouverte lundi à 8h30 et, peu la peu, les bancs se remplissent pendant l’énumération à peine compréhensible des présents et des absents. On annonce l’ordre du jour qui ne prévoit pas moins de 316 rapports. Quelques-uns sont annoncés comme “chauds“ et ont attiré la presse nationale comme l’annulation du contrat de la Grande Mosquée.
Durant près de cinq heures (Rassurez vous ! j’ai alterné ces séances de “démocratie directe“ devant mon ordinateur par des pauses cafés et des séances de décontractions musculaires indispensables) se déroulent alors devant nos yeux une dérisoire et parfois grotesque comédie.
Sur la forme tout d’abord : Le premier magistrat Jean Claude GAUDIN domine la salle assisté par deux “souffleurs“ qui, assis en léger recul derrière lui, le remettront discrètement dans le droit chemin au court de la matinée si nécessaire. Le Maire commence alors une litanie déroulée à une vitesse que personne et pas même les élus directement concernés ne peuvent suivre. « Rapport 21,22 23, Madame X ou Monsieur Y (Il s’agit de l’élu qui est principe en charge du dossier et censé le présenter à l’assemblée) avis favorable de la commission…Dossier 188, 189, 190, avis favorable de la commission…. »
Puis le maire lâche un instant ses dossiers et se redresse en tournant vers un élu. Ce dernier avait été prévenu à l’avance et, s’il a pu suivre le rythme imposé, prend la parole en faisant lecture d’un discours préparé à l’avance et vraisemblablement relu par le cabinet du maire. Durant cette lecture Jean Claude GAUDIN souffle un peu, s’enfonce dans son fauteuil et échange avec ces “souffleurs“ Il n’éteint pas son micro et on entend ses propos et ses approbations de l’intervention qui, le plus souvent, le flatte et qu’il reprends à son compte. La litanie reprend son cours subitement interrompu. Un élu de l’opposition (Il y en a quand même quelques-uns de courageux dans la salle et qui ne somnolent pas) demande la parole. Manifestement cela ne semble pas plaire au Maire qui jette un regard sourcilleux vers l’intrus qui ose troubler le bon déroulement de la séance. Il s‘attribue l’adjectif de bon démocrate et accorde le micro à l’opposant. Les propos de celui où celle-ci demeure le plus souvent courtois et conteste la décision proposée. Très vite le maire reprend la parole et se lance dans des propos sans rapport avec le dossier. Il rappelle à “l’intrus“ sur un ton presque toujours méprisant ou sarcastique des anecdotes passées oubliées de tous avant de reprendre la litanie. Une nouvelle interruption non-programmée le fait sortir de ses gongs. Cette fois c’est la maire des XV XVI arrondissements qui en fait les frais. Elle tente de se faire entendre mais ses propos son couverts par ceux du maire qui à la limite de l’insulte, l‘invective et l’accuse d’être à l’origine de toutes les dérives des quartiers populaires. Il faut éteindre, c’est insupportable…..
Sur le fonds ce que l’on peut percevoir à l’écoute des quelques interventions (du moins pour celles qui sont audibles) des uns comme des autres. Tout peut se résumer pour la majorité à une suite de flatteries qui frisent l’indécence : « Monsieur le Maire c’est grâce à vous que…. » suivies d’une longue liste de chiffres de dépenses en tout genre pour les écoles, la vidéo-protection, le recrutement des policiers municipaux ou les recettes attendues du stade de l’OM. Souvent ces propos sont assortis d’une diatribe politicienne mettant en cause le gouvernement en place ou encore d’une attaque ad hominem à la limite de la diffamation (mais il paraît que, dans une assemblée, la parole est libre et tout est permis). Quant aux quelques rares élus de l’opposition, hormis les propos convenus et habituels des représentants du Front National, leurs arguments sont sauf exception peu convaincants démontrant leur faible connaissance des dossiers. Certains qui tentent cependant d’élever le débat en abordant les sujets de fond ou en montant le ton, se font rapidement remettre en place par Jean-Claude Gaudin qui démontre ainsi son respect pour le moins mesuré envers son opposition.
J’arrête là cette description d’une séance du conseil municipal de Marseille qui s’est poursuivie jusqu’à qu’a l’épuisement de l’ordre du jour des élus et des quelques spectateurs et journalistes présents. Manifestement Jean-Claude GAUDIN cette séance n’avait pas trop épuisé Jean-Claude GAUDIN puisque, mercredi matin dés 8h20, il paradait à l’antenne de France-Inter en mettant en cause le “bashing“ marseillais et en se félicitant, avec l’aide de multiples contre-vérités, de son action bénéfique pour Marseille et les marseillais qui ne cessent de l’élire et le ré-élire depuis 21 ans (dixit)
On pourrait en rire, mais cette triste mascarade qui dure déjà, à des degrés divers, depuis des années, devrait inquiéter tous les marseillais. Comment, ceux que nous avons élus pour mener à bien la gestion de cette ville dans l’intérêt de ses habitants, peuvent-ils se comporter de la sorte et accepter cette pantomime en guise de démocratie ? Il serait grand temps de réagir et en premier lieu de prendre un moment pour visionner ou re-visionner (merci MARSACTU) ces tristes débats afin de se convaincre qu’il faut, sans attendre les prochaines élections municipales, manifester notre désapprobation pour ce dévoiement de la démocratie locale à Marseille.
Marseille le 5 octobre 2016
Alain FOUREST
Commentaires
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D’accord de A à Z.
Mais comment faire pour que les citoyens reprennent la main, dans cette ville tenue par quelques clans ?
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On peut prendre exemple des méthodes de la région Vauzelle
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Bonjour
Quiconque a déjà assisté à un Conseil Municipal à Marseille, ne peut que confirmer cette analyse d’A Fourest,
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Et il n’est pas sûr qu’on puisse espérer beaucoup de nos voisins métropolitains … Comme souvent il faut démarrer à sa porte, en choisissant soigneusement es “luttes” sans trop attendre en retour et sans désespérer de lendemains qui chantent 🙂
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Tellement vrai tout çà… On peut y rajouter les effets oratoires du sieur Moraine “au prétoire” qui dans le léchage de bottes du Grand Timonier nous sert de grandes envolées en balançant sur le gouvernement, la pauvre opposition et tous ceux qui sont responsables des maux de la ville. On n’oubliera pas également dame Bernasconi en bon petit soldat élevé et programmé pour agresser ses opposants et nous proposer une vision “broadwaysienne” de son secteur qui est soit dit en passant l’un des plus sale de Marseille (c’est la faute de la métropole là…). Tout ceci sous le regard patelin où gourmand de notre bon maire. J’ai l’impression parfois d’assister à une assemblée stalinienne…
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J’avais assisté il y a 2 ans à un conseil municipal d’arrondissement. Pareil : beaucoup d’auto satisfaction, de mauvaises fois. Aucun respect pour l’opposition. une opposition méconnaissant les dossiers. Bref la même chose en plus petit.
J’étais ressorti écœurée de cette mascarade.
Et ils avaient l’air tellement content d’eux ! C’est à pleurer…
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Pendant mon parcours professionnel de cadre territorial, j’ai souvent déplorer ces attitudes méprisantes pour le débat public qui ne sont pas nouvelles…même sous d’autres mandatures.
Alors comment faisons-nous pour s’opposer à la politique de M Gaudin ?
On aide “nos élus” à intervenir en ciblant certains sujets où la politique de M Gaudin Maire est la plus attaquable (l’école primaire, la laïcité) et la politique de M Gaudin président métropolitain est la plus attendue (la mobilité, les transports) ?
On transmet les expériences des techniciens territoriaux pour faire comprendre le fonctionnement des institutions ? On sollicite des lanceurs d’alerte en place dans les institutions ?
…..
Comment on fait pour s’opposer à la politique de M Gaudin ?
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