La Bastide abandonnée de la Traverse du Vieux Moulin

La Bastide abandonnée de la Traverse du Vieux Moulin

Lorsque l’on quitte le Chemin de Saint Joseph à la jonction du Boulevard Roland Dorgelès dans le 14 ème arrondissement et que l’on  monte à droite la Traverse du Vieux Moulin on aperçoit en haut une très belle bastide en ruine complètement abandonnée, ainsi que quelques bâtiments annexes et un petite tour un peu plus haut qui appartient à un autre petit domaine voisin.

De là-haut, la vue sur Marseille est superbe par temps clair :

Une recherche sur Internet sur les termes “marseille + bastide du vieux moulin” nous permet de retrouver trace de cette bastide sur un site collaboratif alimenté par des architectes (PSS-archi.eu) et de savoir que cette bastide aurait été construite dans les années 1860 environ. La description qui en est faite donne tout à la fois des éléments descriptifs ainsi qu’un jugement de valeur très négatif sur le devenir possible de cette bastide : « Bastide située sur les terrains d’un ancien moulin dont les vestiges sont encore visibles à proximité. L’état actuel de la bâtisse est tel que toute réhabilitation ne peut être envisagée. Entouré de cités dites sensibles, le bâtiment à extrêmement souffert des actes de vandalismes répétés. Charpente et toiture se sont effondrées suite à un incendie volontaire et des pans entiers de pierres de taille sont tombés au sol. Il ne reste aujourd’hui que des façades branlantes masquant un intérieur où s’amassent déchets, poutres calcinées et monceaux de murs. » ( https://www.pss-archi.eu/immeubles/FR-13055-32164.html )

Je souhaite cependant faire remarquer que si cette bastide est aujourd’hui en ruine et qu’elle a été vandalisée, comme tous les lieux abandonnés, qu’ils soient en quartier sensible ou pas, c’est parce qu’elle n’avait plus d’usage et qu’elle n’a jamais été protégée. Charpente et toiture se sont effondrées, mais il me semble parfaitement possible de reconstituer la structure extérieure dans son ensemble pour lui redonner son aspect  d’origine et reconfigurer les espaces interne pour un usage social et / ou culturel qui rendrait de grands services au quartier. De plus, la façade n’est pas branlante du tout. Il faudrait aussi sauver ce qui peut être sauvé des bâtiments annexes qui avaient sans doute du avoir à l’origine une vocation agricole car ce sont des témoignages précieux de l’histoire de la ville.

Après de telle promenades sur site j’aime bien  aller capter les images de Google Earth qui nous donne une vue aérienne de cette ancienne bastide et de ses dépendances :

Cette vue, que l’on peut encore observer aujourd’hui sur ce site date un peu car vous apercevez en bas du lotissement actuel des bâtiments dont certains étaient encore habités jusqu’à une date récente.

J’avais pu photographier ces bâtiments en février 2019 mais lors d’une seconde visite post premier confinement en mai 2020 ils avaient disparus.

Ces bâtiments de la cité d’urgence présentaient également un intérêt patrimonial au même titre que l’ «aristocratique » bastide et faisaient partie de l’histoire sociale de Marseille et de la vie des marseillais. Ils comportaient des éléments amiantés comme les toitures en fibrociment en particulier et aucun ne pouvait être conservé en l’état ; mais de la même façon même que l’on organise des fouilles archéologiques avant d’entreprendre un chantier, l’organisation d’une véritable campagne photographique et cinématographique eut été utile pour en conserver la mémoire pour les générations futures. En tout cas j’espère que des journalistes ainsi que des étudiants reconstitueront un jour l’histoire de cette cité lié à l’histoire de la bastide elle-même.

On peut trouver sur Internet un rapport réalisé par Adeus – groupe Reflex pour la Fondation Abbé Pierre datant de  février 2008 et intitulé « L’Habitat des Tsiganes Sédentaires en Logement Social à Marseille, un Bref État des Lieux » qui comporte un chapitre sur le secteur du Vieux Moulin  ( https://fnasat.centredoc.fr/doc_num.php?explnum_id=46 )  pages  21 à 25. On lit ainsi dans ce rapport que dans le cadre de l’opération lancée par l’Abbé Pierre à partir de l’hiver 1954, 2 logements furent aménagés dans le château pour des familles tsiganes et 6 dans les bâtiments de ferme attenants mais nous n’en saurons pas davantage sur les propriétaires des lieux à l’époque et la décision d’hébergement des sans abris d’alors.

Il s’agit maintenant d’un secteur en pleine transformation avec de nouveaux lotissements ainsi qu’une nouvelle cité baptisée “Les Hauts de Saint Joseph” dont la voirie d’accès est en cours de réalisation.

Le site du groupement d’intérêt public Marseille Rénovation Urbaine (intégrée en 2020 à la Métropole sous l’appellation de Mission renouvellement urbain) nous apprend ainsi que 49 puis 17 logements sociaux neufs sont ici reconstruits pour le relogement des habitants voulant rester sur site. ( http://www.marseille-renovation-urbaine.fr/saint-joseph-vieux-moulin/le-nouveau-visage-de-saint-joseph-vieux-moulin-243.html ).

Le journal La Provence du vendredi 03 juillet 2015, dans un article intitulé “Au Vieux Moulin, les derniers locataires seront expulsés”, faisait cependant état de difficultés particulières de relogement concernant à l’époque certains habitants et contredisait ainsi la version idyllique de Marseille Rénovation Urbaine.

Bien sûr,  nous sommes à Marseille et par conséquent Les Hauts de Saint Joseph comporte un drive qui fait sans doute partie des 156 points de deal de Marseille identifiés par la police nationale. Par conséquent si des lecteurs/lectrices de Marsactu souhaitent visiter le site de la bastide il est prudent de ne pas photographier dans la direction du drive.

Le site Marseille Rénovation Urbaine comporte également une page permettant de télédécharger un document pdf “Flash Info” qui nous donne une vue d’ensemble du devenir de ce quartier ( http://www.marseille-renovation-urbaine.fr/tous-les-documents-a-telecharger/publication-31/flash-info-saint-joseph-470.html?cHash=6e7f26942d367739336c2c7e6494a2f1 ).

On y apprend que cette bastide s’appelle en fait le Château Faguest. Et de nouvelles recherches sur ces termes nous permettent de savoir que cette bastide et les terrains correspondants ont fait l’objet d’une délibération du Conseil d’Arrondissement des 13 et 14 ème arrondissement le 3 avril 2018 puis du Conseil municipal de la Ville

“Le terrain situé traverse du Vieux Moulin dans le quartier Saint Joseph 14ème arrondissement, cadastré sous la section C, parcelle n°70, est un terrain de 44481 m² composé d’une ancienne bastide dite «château Faguest», en état de ruine, classée élément remarquable au PLU et d’une dépendance de cette ancienne maison de maitre. Le reste du terrain est en friche. Actuellement, il est encombré de déchets et dépôts divers, de gravats, a fait l’objet d’élevage d’animaux (poneys, poules…). Le bien, appartenant à la Foncière Immobilière et Européenne, est en mono-propriété. Aussi, une procédure de bien en état d’abandon manifeste est souhaitable, afin d’imposer au propriétaire d’effectuer les travaux prescrits et de garantir la sécurité des lieux.” ( Conseil d’arrondissement -CA-18-04-03- ) faute de quoi “Le Conseil Municipal pourra alors décider de déclarer la parcelle en état d’abandon manifeste et de faire prononcer, au besoin, l’acquisition de celle-ci par voie d’expropriation dans les conditions prévues par le Code de l’Expropriation pour cause d’utilité publique par la Ville ou son concessionnaire en vue de permettre la réhabilitation de l’immeuble et la création de logements.” (Recueil des Actes Administratif raa-541_cm-et-ca-09-04-18 )

Toujours sur Internet on trouve un protocole entre la Ville de Marseille et la Métropole, reçu au contrôle de légalité le 05 novembre 2018, où la Ville cède à la Métropole deux emprises et une parcelle d’une surface totale de  2263 m² pour un euro symbolique ( https://deliberations.ampmetropole.fr/documents/metropole/deliberations/2018/10/18/RAPPORTDELACOMMISSION/C06EC.pdf ) ainsi qu’un autre document reçu au contrôle de légalité le 11 juillet 2019 qui précise que la valeur vénale de la “surface à acquérir” de 10 049 m² de la parcelle 2 de la section cadastrale C de la Traverse du Vieux Moulin  d’une surface cadastrale totale de 44 481 m²  appartenant à REB Projects France est de 703 220 € HT. ( https://deliberations.ampmetropole.fr/documents/metropole/deliberations/2019/06/20/RAPPORTDELACOMMISSION/C08TH.pdf ). Tout ceci afin de réaliser  “un certain nombre d’aménagements urbains dont notamment la création de voies nouvelles” permettant le désenclavement du quartier des Hauts de Saint Joseph.

En l’état actuel des informations accessibles on ignore donc le sort exact de la parcelle où se trouve précisément la bastide.

Le document “Flash Info” de Marseille Rénovation Urbaine cité plus haut précise que  “L’avenir du terrain Faguest est actuellement l’objet de réflexions. Un opérateur immobilier s’est montré intéressé par sa partie sud [d’où sans doute la délibération d’avril 2018 ]. Au nord, il est question d’accueillir des activités en lien avec les projets agricoles existants et en développement”. Mais on ne nous dis pas pourquoi, dans ces réflexions, la partie sud ne pourrait pas également être consacrée à l’accueil “d’activité en lien avec les projets agricoles” et la bastide  réhabilitée et restructurée pour accueillir des activités en lien avec les services sociaux et culturels.

Si l’on suit le chemin qui monte au-dessus de la bastide on passe le long d’une casse automobile un chien aboie très fort mais il doit être attaché) et en continuant vers la droite n passe ensuite devant une autre bastide abandonnée et murée, plus modeste, ce qui nous permet de rejoindre le Chemin des Bessons :

et on passe au milieux de précieux terrains agricoles

Au hasard d’une autre promenade à un kilomètre ou deux de distance, dans le 15 ème arrondissement cette fois-ci, on peut entre deux immeubles et quelques murs percevoir une vue d’ensemble de cette zone avec la bastide, ses lotissements et cités, la Tour Sainte un peu plus loin à droite et le massif de l’Etoile.