Une ville de l'insoumission

INSOUMIS À MARSEILLE

Billet de blog
le 14 Mai 2017
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Finalement, ce sera à Marseille. Mercredi, le 10 mai – déjà une date qui éveille des souvenirs, Jean-Luc Mélenchon a annoncé qu’il serait candidat aux élections législatives à Marseille, dans la quatrième circonscription des Bouches-du-Rhône, celle qui recouvre le 1er arrondissement, le 2ème, le 3ème et une partie du 5ème et du 6ème. C’est une circonscription où il avait obtenu un nombre très important de voix à l’occasion de l’élection présidentielle.

Une culture marseillaise de l’insoumission

Quand J.-L. Mélenchon dit, cité par L. Castelly dans Marsactu de vendredi matin, le 12 mai : « Je suis dans mon pays », il faut, sans doute, lire dans ce propos un ancrage dans la vie politique de Marseille, fondée sur l’insoumission – ne serait-ce que depuis le moment où, lors de la Révolution, le chant de l’Armée du Rhin, composé par Rouget de l’Isle, en 1792, est intitulé « La Marseillaise », la même année, parce que les Fédérés marseillais l’avaient adopté à l’occasion de leur entrée à Paris, aux Tuileries et que les Parisiens lui donnent ce titre, avant qu’il ne devienne l’hymne national. Si le chant est intitulé ainsi, c’est justement parce que les Parisiens reconnaissent chez les Marseillais la culture de l’insoumission qui va dominer la Révolution. Dans la suite de l’histoire de notre pays, Marseille continuera d’être une ville insoumise en se dressant contre les pouvoirs établis au point de perdre son nom et de se faire désigner comme « Ville sans nom », en 1795, par la Convention.

L’insoumission, à Marseille, c’est donc une vieille histoire, sans doute cultivée par la situation de la ville à la périphérie du pays, ainsi ouverte à la fois sur la France et sur la Méditerranée. Un port est toujours un peu une ville qui échappe à la loi du pays dans lequel il se trouve car il est tourné vers l’extérieur, vers l’étranger : vers la culture de l’ailleurs et de l’autre.

Le débat politique marseillais

En venant à Marseille pour les élections législatives, J.-L. Mélenchon s’inscrit dans un débat politique qui se tient depuis toujours dans la ville, s’inscrivant, ainsi, dans la culture de l’agora des cités grecques, puisque Marseille a aussi cette culture dans son patrimoine politique urbain. Le débat politique fait partie des pratiques sociales caractéristiques de la ville comme de l’ensemble des cités grecques, et c’est ce qui permet de comprendre l’importance qu’ont pu y prendre, à toutes les époques, les activités d’engagement et de militantisme ainsi que les activités et les discours refusant la soumission aux pouvoirs centraux, aux pouvoirs venus d’ailleurs, imposés sans se soumettre au débat marseillais. Mais le débat politique s’inscrit aussi à Marseille parce que c’est une ville de la parole et de l’échange.

À Marseille, le débat politique, comme Marsactu en est un témoignage, se manifeste dans une longue tradition de journaux qui, sous de multiples de formes, ont donné des voix et des mots aux acteurs des confrontations et des identités politiques. En son temps, d’ailleurs, l’auteur de ces lignes tenait une tribune dans un hebdomadaire d’opinion politique, L’Éveil, fondé par un journaliste, Elie Somot, qui avait son siège rue Jules Moulet, après avoir été édité à Arles.

Au-delà, sans doute, pour prendre la pleine mesure de sa signification, importe-t-il de situer la candidature de J.-L. Mélenchon dans une continuité et d’anticiper, au-delà des élections législatives, vers l’approche de l’élection municipale qui va avoir lieu dans seulement trois petites années. C’est à cet horizon que l’on peut pleinement comprendre la critique des partis politiques classiques dont cette candidature est porteuse.

Une critique des partis traditionnels

En effet, la candidature de J.-L. Mélenchon a un autre sens, qui fait, d’ailleurs, écho au sens de l’élection d’E. Macron. Le débat public et la confrontation entre les acteurs politiques semblent quitter les partis pour se déplacer vers des mouvements qui prennent d’autres formes, qui s’inscrivent dans d’autres logiques d’engagement et de militantisme et donnent des voix nouvelles à la parole des acteurs et des participants à la confrontation. Sans doute, d’ailleurs, est-il important de noter l’échec des grands partis classiques, les Républicains et le P.S., à l’occasion de l’élection présidentielle et de comprendre la poussée du Front national davantage comme un rejet des partis que comme une adhésion à ses idées. C’est une autre vie politique qu’il faut imaginer, c’est un autre débat qu’il faut tenir. Sans doute y a-t-il même, pour cela, une sorte d’urgence, car ce n’est que de cette façon que l’on peut résister à la montée du Front national et de la culture du racisme et de la discrimination et que l’on peut la contenir.

En ce sens, il ne faut sans doute pas lire la candidature de J.-L. Mélenchon à Marseille seulement comme un acte d’élection, mais l’inscrire dans une logique plus large, celle de la critique des acteurs, des pouvoirs, des partis et de leurs idées et du déplacement des formes de l’engagement. S. Soilihi, porte-parole de la France insoumise, citée dans l’article du Monde, dit ceci : « Il y a un élan d'espoir à faire perdurer à Marseille ». Cet espoir peut être celui d’un renouvellement des pratiques de la vie politique, qui pourrait s’engager à Marseille avant de s’étendre à tout le pays. Mais ne nous trompons pas : on ne peut pas séparer les formes de la vie politique et du débat de la signification des projets et des identités politiques.

Une fois de plus, ainsi, Marseille montrerait une voie à suivre.

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