IMAGINER UN NOUVEL URBANISME

Billet de blog
le 20 Août 2022
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Imaginer un nouvel urbanisme ne consiste pas seulement à trouver de nouveaux aménagements, de nouveaux styles de construction, de nouveaux équipements : c’est concevoir un urbanisme au sens plein de ce mot : c’est concevoir une nouvelle vie urbaine. L’urbanisme ne se réduit pas à des recettes ou à des techniques : il met en œuvre le retour de la politique, au sens d’un art de la ville. Profitons de ces quelques mois d’été, au cours desquels ce que l’on appelle l’actualité est moins pressantes qu’à d’autres moments de l’année pour prendre un peu de recul sur l’art de la ville. Habiter la ville consisterait, ainsi, à aménager les centres que nos pratiques urbaines mettraient ensemble. Cette nouvelle centralité ne serait pas dictée, imposée, par des plans, ce serait à nous de la construire dans nos expériences de la ville.

 

Une nouvelle centralité

La politique de la ville consisterait à imaginer le centre de Marseille de demain, car il n’y a pas de ville sans centre. Sans doute est-ce la centralité qui fonde l’identité de la ville, car c’est le centre qui est le lieu des rencontres, mais aussi parce que le centre donne son identité à la ville : c’est là que se trouvent les lieux de culture et les lieux de pouvoir. Marseille semble avoir perdu son centre. Mais en a-t-elle jamais eu un ? La centralité imaginée par Marseille consiste, en réalité, dans une multiplicité de centres, comme si Marseille était une sorte de nœud de villes : le quartier de la Joliette et du port, le quartier de l’Hôtel de Ville, celui du Vieux-Port (qui n’est pas tout à fait le même), le quartier des Réformés, pour n’en citer que quelques-uns, représentent autant de petites villes distinctes les unes des autres, qui, ensemble, forment ce nœud urbain que l’on appelle Marseille. Ce nouvel urbanisme que je propose ici d’imaginer se construit autour de cette figure du centre qui est à imaginer, en se fondant sur l’expérience de l’histoire de la ville. Cette nouvelle centralité serait à concevoir autour de la figure du réseau : plutôt que d’un centre urbain un peu monolithique comme la figure classique du centre des villes, il s’agirait d’un filet de centres divers (n’oublions pas que réseau, comme résille, est un mot qui est lié à l’image du filet) et habiter la ville consisterait, ainsi, à aménager les centres que nos pratiques urbaines mettraient ensemble. C’est dans les lieux de ce centre que se trouveraient les espaces de pouvoirs, d’échanges et de cultures, qui ne seraient pas fragmentés, divisés, mais qui nourriraient de leur présence les lieux divers de cette centralité à plusieurs lieux. Cette nouvelle centralité ne serait pas dictée, imposée, par des plans, ce serait à nous de la construire dans nos expériences de la ville. La politique de la ville consisterait à imaginer ce centre de Marseille de demain.

De nouvelles logiques d’habitation

Marseille est née et a grandi au fur et à mesure que venaient s’y installer des populations venues de voutes les parties du monde. Ce n’est pas pour rien que le mythe fondateur de la ville est bien l’histoire d’un marin venu d’ailleurs. En multipliant les centres, les villes diverses, autour desquels elle se construisait, Marseille inventait des modes de vie multiples, des façons diverses d’habiter la ville. Chacun de ces peuples venait avec son mode de vie, son temps, son espace, et, un peu à la façon d’un puzzle, Marseille s’est construite en articulant les unes aux autres ces sociétés multiples qui dessinent, aujourd’hui, la géographie des habitants de la ville et qui lui donnent la richesse de leurs échanges et de la pluralité qu’ils construisent. Tentons de formuler quelques points un peu forts de ces nouvelles formes de vie construites par les maisons et les aménagements de l’urbanisme en train de se former.

D’abord, il faut en finir avec les barres, avec les gratte-ciels, avec ces immeubles et ces tours immenses construites pour les unes dans l’urgence de la fin de la guerre d’Algérie et de la venue des « rapatriés » (qui, pour nombre d’entre eux, n’avaient jamais mis les pieds en France) et pour les autres dans la recherche d’expériences et de prouesses architecturales fondées sur la logique du nombre. Autrement dit, ce nouvel urbanisme donnera à la construction et à l’aménagement des dimensions humaines.

Ensuite, il est important que l’urbanisme marseillais à imaginer laisse aux habitants l’espace de respirer. Ne nous sentons plus étouffés par les normes d’habitations imposées par l’urbanisme devenu classique à Marseille, comme, d’ailleurs, dans de nombreuses villes de notre pays et du monde.

Enfin, Marseille pourrait être la ville où s’inventerait une architecture responsable. Puisque nous en sommes à rêver, pourquoi ne pas imaginer une architecture et un urbanisme fondés sur une écologie politique de la ville ?

Une écologie politique de la ville

En France et ailleurs, l’écologie a été confisquée par un courant politique qui a fait d’elle une identité politique, comme s’il n’y avait que les « écolos » pour concevoir une rationalité politique fondée sur l’écologie. Peut-être Marseille pourrait saisir l’occasion d’une municipalité de gauche pour élaborer une écologie politique. D’abord, il s’agit d’une politique municipale soucieuse de son environnement, à la fois pour ne pas le détruire et pour donner à l’aménagement urbain des orientations tenant compte de cet environnement et de ses spécificités : l’articulation de la ville et de la mer, la situation de la ville dans le Sud, une urbanité ouverte sur la Méditerranée. Par ailleurs, l’écologie politique marseillaise de la ville se fonde sur une urbanité solidaire : la ville est un lieu de cultures et de diversités qui ne soient pas fermées les unes sur les autres, mais qui, au contraire, imaginent un projet urbain de la rencontre. Enfin l’écologie urbaine de Marseille se situe dans la pluralité des temps, des époques, des histoires. L’aménagement urbain de Marseille, on l’a vu, a été trop dominé par les contraintes de l’urgence, il n’a pas pris le temps de faire se rencontrer cette pluralité des âges, qui ont été accumulés les uns à côté des autres sans que la ville tire parti de cette diversité. L’écologie politique de la ville est ainsi une lecture de l’histoire qui fonde le sens de l’habitat et de citoyenneté que ce dialogue entre les cultures grecque, latine, provençale, italienne, africaine, arabe – et il y en a encore bien d’autres – qui ont façonné l’espace urbain comme celui d’une métropole.

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