GILETS JAUNES À MARSEILLE
Ce samedi, les « Gilets jaunes » défilaient dans Marseille. C’était un nouvel acte de leur confrontation avec le pouvoir, mais aussi une nouvelle façon de manifester leur identité et leur engagement dans l’espace public, dans notre ville.
Une nouvelle façon de manifester
C’était samedi matin : une manifestation des « Gilets jaunes » déambulait dans Marseille. Il s’agissait d’un nouvel épisode dans une confrontation qui prend, de plus en plus, l’apparence d’une sorte de feuilleton. Sans doute est-ce là la première différence entre le mouvement des « Gilets jaunes » et les mouvements politiques auxquels nous étions habitués : au lieu de se manifester au cours de journées bien marquées, bien délimitées, les « Gilets jaunes » s’inscrivent dans une forme de temps long. Ils ne s’expriment pas au cours d’événements délimités dans le temps, dans des événements qui forment des temps courts, mais au cours d’événements qui se succèdent dans le temps ; d’ailleurs, on appelle ces manifestations et ces épisodes du récit des « Gilets jaunes » des « Actes », l’Acte I, l’Acte II, etc., une façon pour le mouvement de s’inscrire dans un temps fragmenté, fait de moments courts qui se succèdent dans un temps long. Peut-être appellera-t-on ce mouvement, plus tard, l’ère des Gilets jaunes. Mais il n’y a pas que le temps qui soit nouveau : c’est aussi dans l’espace que s’inscrit cette nouvelle façon de manifester. Il ne s’agit pas de défilés comme ceux auxquels nous étions habitués, mais il s’agit plutôt de petits groupes qui se réunissent en suivant des parcours qui présentent un caractère presque aléatoire, on n’est pas sûr que l’itinéraire soit connu à l’avance ; cela, d’ailleurs, ne va pas sans poser des problèmes aux policiers qui encadrent la manifestation. Peut-être est-ce là, d’ailleurs, une façon évidente, pour les Gilets jaunes, d’imaginer une autre façon de manifester : on perçoit un décalage, une distance, entre eux et les policiers qui, eux, avec leurs casques, leurs boucliers, leurs armements, leurs gaz lacrymogènes, en sont restés aux temps anciens des manifestations.
La solidarité des habitants à la rencontre des « Gilets jaunes »
C’est là l’autre aspect sans doute nouveau des manifestations des « Gilets jaunes » : les habitants de la ville, sur les trottoirs ou à leurs fenêtres, manifestaient une solidarité certaine avec les « Gilets ». Il n’y avait pas d’hostilité : la population exprimait un véritable soutien, une sorte d’engagement aux côtés des « gilets jaunes » qui, après tout, manifestent pour protester contre des évolutions des politiques fiscales qui concernent tout le monde. Rappelons-nous qu’après tout, c’est bien de cette façon que tout commencé en 1789 : par une protestation contre les impôts, notamment contre les impôts indirects, contre la fameuse gabelle, et que les « cahiers de doléances » exprimaient des protestations de toute une population contre la politique menée par les pouvoirs. Hier, samedi, les habitants de la ville partageaient, finalement, l’espace public avec les « gilets jaunes », ils l’habitaient avec eux. Peut-être ces manifestations des « Gilets jaunes », à Marseille mais aussi ailleurs en France, sont-elles des façons nouvelles d’habiter l’espace en lui donnant une signification politique.
Un mouvement engagé à gauche
Sans doute est-ce la raison pour laquelle il faut parler de l’engagement des « gilets jaunes », de ce que l’on peut appeler leur identité politique. Contrairement à bien des choses qui ont été dites, ici et là, depuis qu’ils ont entrepris leurs manifestations, il s’agissait clairement, ce samedi, d’un mouvement engagé à gauche. Il ne s’agissait pas seulement de demander la démission du président de la République et de demander un changement de politique, de politique fiscale, mais aussi, plus généralement, d’orientations politiques, mais il s’agissait aussi d’exprimer un engagement associant des syndicalistes, des militants, des « gilets » engagés à gauche. Ce qui change des mouvements classiques de gauche, c’est que les « Gilets jaunes » sont un mouvement qui est né, qui a grandi, qui se manifeste, en-dehors des partis classiques. peut-être, d’ailleurs, est-ce là une des raisons pour lesquelles certains ont tenté de s’approprier ce mouvement sans doute résolument nouveau, mais ce mouvement est résolument engagé vers plus de justice sociale et d’égalité, ce qui a toujours été le discours de la gauche.
Une logique de réseau
Peut-être est-ce là ce que les « Gilets jaunes » offrent de nouveau dans l’espace politique. Ces manifestations qui ne défilent pas comme en masse, mais plutôt comme des groupes qui se situent dans plusieurs lieux de la ville comme dans plusieurs temps qui se succèdent, s’inscrivent dans l’espace dans une logique de réseau. Ces parcours, qui semblent un peu aléatoires et qui associent des groupes fragmentés de militants engagés, prennent des formes de réseaux, comme, justement, les formes de communication qu’ils empruntent et les discours qu’ils énoncent. En ce sens, les « Gilets jaunes » sont, sans doute, l’expression de nouvelles conceptions de la politique, de nouvelles formes d’engagement. Cela peut expliquer la distance que l’on relève entre les « Gilets jaunes » et les partis traditionnels : elle exprime le rejet des « Gilets jaunes » des formes classiques d’engagement et des partis classiques, mais cela est loin de signifier, comme certains le disent, une dépolitisation du mouvement. Peut-être cela peut-il aussi permettre de comprendre, dans une forme d’incompréhension, la violence que manifeste le pouvoir dans son opposition aux « Gilets ». La logique de réseau des « Gilets jaunes » est sans doute en train d’imaginer de nouvelles formes des identités politiques que nous devons apprendre à mieux connaître, à mieux comprendre, bref : à mieux lire.
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